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 1 0 2 5 . 
 Mars. 
 .  Sur  les  sept  h eu re s,  les  naturels  sont  revenus  à  
 bord,  entre autres mon ami Moembe,  qui m’a renouvelé  
 ses  offres  de  service  el  ses  protestations  d’amitié. 
   Très-différent  de  ses  compatriotes  sous  divers  
 rap p o rts,  son  caractère  est  doux ,  son humeur  paisible, 
   et ses manières  décentes,  réservées el polies.  En  
 un  mot,  l’on peut  assurer  que c’est  un homme  tout-  
 à-fait comme  il f a u t , pour  un habitant de  Vanikoro. 
 Dès  la  veille,  il  m’avait  long-temps  entretenu  de  
 son  Aloua; tout  ce  que j ’avais  pu  saisir  de  son  discours  
 avait été, qu’il désirait me présenter à cet Atoua,  
 car  il  était  convenable  que je lui  fisse mon  offrande.  
 Aujourd’h u i,  il  a  remis  la  conversation  sur  le même  
 chapitre ;  curieux  d’apprendre  quel  était  cet  A to u a,  
 et  en  quoi  consistait  le culte qui  lui était ren d u , j ’invitai  
 Moembe  à  m’accompagner  à  terre  avec  Williams, 
   et  à me conduire  devant  sa divinité. 
 Nous  descendîmes  à  une centaine  de pas  au  nord  
 de  la  rivière.  Au bord  de  la  plage,  parmi  quatre  ou  
 cinq  cases,  Moembe m’en  désigna  respectueusement  
 une  qui,  plus  chétive  et  moins  bien  entretenue  que  
 les'  autres ,  était,  disait-il,  la  résidence  de  VAtoua.  
 Pour  preuve,  il me  montra du  doigt  le  trou  d’un  de  
 ces  crabes  de  terre  si  communs  dans  toutes  les  îles  
 de  l’Océanie.  Au premier  ab o rd , je  crus  qu’il se moquait  
 de  moi,  et  je  lui  demandai  s’il  n’existait  pas  
 quelque autre Aloua plus puissant, plus considérable.  
 Alors Moembe  étendit  la main vers  la montagne,  et  
 je crus qu’il m’indiquait quelque autre endroit plus reculé  
 dans  l’intérieur.  Je lui  fis signe de me  conduire 
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 d e   L’ASTROLABE.  1 7 9 
 a  cet  autre Atoua;  il  se mit à  marcher  devant  moi;  
 jetais  smvi par  l’Anglais  Williams  et mon  secrétah-e  
 B.  Lauvergne. 
 Nous  cheminâmes  durant  quelque  temps  par  de  
 petits  sentiers  bien  b a ttu s ,  au  travers  de  plantations  
 plus  étendues  et  mieux entretenues que  toutes celles  
 que  j’avais jusqu’alors  observées.  Ces  plantations  se  
 composaient surtout de taros  et  d’ignames ombragées  
 par  des  cocotiers ,  des bananiers ,  des arbres-à-pain  
 des  inoearpus,  spondias,  etc.  Après  avoir  marché  
 l’espace  d ’un  mille  environ,  nous  arrivâmes  sur  le  
 bord  de  la rivière,  dont  le  volume  est  encore  considerable, 
  mais  dont le cours est  souvent barré par  des  
 cascades  dans  le roc.  Là  cessaient  les plantations,  et  
 tous  les  cocotiers  s’effacaient  complètement  devant  
 une  forêt compacte. 
 Moembe  m’engagea  à  revenir  sur  mes  pas  ,  assurant  
 que  plus  avant  je  ne  trouverais  que  des  arbres  
 sauvages,  et  des  buissons  où je me  déchirerais  
 les jambes. Les  nouvelles  explications qu’il me donna  
 prouvèrent que la  résidence  du  grand  Atoua était  le  
 sommet  même  du  mont  Kapogo  suspendu  sur  nos  
 têtes;  les  nuages  qui entourent habituellement  ce  piton  
 sont  l’indice  de la présence du  dieu.  Moembe me  
 fit  particulièrement remarquer un rocher blanchâtre,  
 nu  et  escarpé,  d’où  les  eaux  se  précipitent  en  cascade, 
   à  la suite des grands orages. 
 Je  ne  m’arrêtai que  le  temps  nécessaire pour  que  
 Lauvergne  dessinât  un  site  éminemment pittoresque  
 au bord  de  la  rivière ;  puis  nous  reprîmes  le cliemin 
 1828. 
 Mars. 
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