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 une famille royale se vit expulsée du territoire français.  
 Je n’avais  pas  hésité  un  seul  instant  entre  ce  que  je  
 croyais alors  être  la  cause  de  l’homme  et  celle  de  la  
 nation ;  seul de mon  corps , j ’avais offert mes  services  
 au  nouveau  gouvernement, et  l’on  me  confia  la  mission  
 de conduire  hors  du  royaume  la  famille  exilée. 
 Ce rtes,  à  tous  égards,  cette  mission  n’était  pas  
 agréable ,  et je  l’eusse  volontiers  déclinée  ;  mais  l’on  
 me  représenta  que j ’étais  Tunique  officier  qui  pût  la  
 remplir;  qu’on  la  regardait  comme  la  plus  haute  
 preuve de confiance  qu’on pût me d onner, et  qu’enfin  
 elle  eût  été  offerte  à  un  officier-général,  si  tous  ne  
 s’étaient prudemment tenus  à Técart.  Je cédai, et j’accomplis  
 celte  tâche  sans  dévier  des  principes  que  je  
 m'étais  fait  une  loi  de  suivre  dans  tout  le  cours  de  
 ma vie.  Sans  déguiser  en  aucune  façon  la  nature  de  
 mes  opinions,  sans  m’éloigner  sous  aucun  rapport  
 des  devoirs  que m’imposait  le nouveau  pavillon rétabli  
 par  les  Français,  je  sus  accorder  aux  personnes  
 confiées  à  ma  garde  tous les  égards, toutes les  attentions  
 ,  je  dirai  même  toutes  les  prévenances  dues  à  
 une  grande  infortune.  11  me  sembla  ne  leur  avoir  
 rien  laissé  a  désirer  à  cet  égard  ;  au  moment  de  
 me  quitter,  Charles X  lui-même  et les  diverses personnes  
 de  sa  famille  et  de  sa  suite  me  renouvelèrent  
 à diverses reprises  leurs remerciemens de la manière  
 la plus  affectueuse. 
 A mon retour en France, le nouveau Roi me fit à son  
 tour  les  protestations  les  plus  flatteuses  et  les  plus 
 brdlantes promesses. Mais la direction  que prirent les  
 gouvernans  me  démontra  bientôt  que  je  serais  aussi  
 déplacé près  d’eux  que j e l ’avais été près de leurs prédécesseurs. 
  A  tort ou  à raison, je me trouvai du nombre  
 de  ceux  qui  avaient  considéré  la  révolution  de  
 Juillet  comme  autre  chose  qu’un  simple  événement,  
 qui 1 avaient  regardée  comme Taurore d’un gouvernement  
 noble,  généreux,  équitable et fondé surtout sur  
 les  idees  les  plus  libérales  et  les  plus  désintéressées.  
 L’acharnement avec lequel on s’attacha à consacrer les  
 erremens  de la Restauration et  de  l’Empire  ne tarda  
 pas  à me  prouver  que  ces  espérances  n ’avaient  été  
 que des  illusions ;  il fallut encore une fois me résigner  
 à  la  nécessité. 
 Malgré mon désappointement, je  voulus  tenter  de  
 nouveaux  efforts  en  faveur  de  .M.  Jacquinot  et  des  
 hommes de l’équipage; mes demandes furent plusieurs  
 fois  reproduites;  on  ne  daigna  pas  même  me  répondre. 
   Sous  la Restauration  on se  donnait  au  moins la  
 peine de m’éconduire.  Je m’adressai au chef de TÉtat  
 lui-même;  ses  promesses furent sans résultat.  Je  retournai  
 à  M.  d eR ig n y ,  et  cette  fois,  comme j’étais  
 vivement indigné, je terminais ma requête en ajoutant  
 qu'il ne me restait plus  que  la  publicité  pour me ju stifier  
 du reproche d’indifférence et d’oubli queje savais  
 avoir  provoqué  de la part de mes compagnons.  Trois  
 années  et  plus  se  sont écoulées  depuis  cette  époque,  
 un silence  prolongé  a  été Tunique réponse  à  mes  réclamations. 
  M.  Jacquinot,  l’officier  le  plus  distingué  
 de son grade,  est  resté  lieutenant  de  vaisseau,  après 
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