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la manière des enfans; ils la témoignaient par des rires , des
gambades et des cris enfantins , et secouaient leur longue che-
velure comme les jeunes chevaux agitent leur crinière. Ils
cueillaient des fleurs, s’en faisaient des guirlandes et nous en
alfublaient aussi. To ut enfin chez eux respirait l’innocente
gaîté d’une nature jeune et insouciante ; en effet, le monde
est pour eux si petit et la vie si simple, ils sont si heureux sur
le coin de terre ignoré qui suffit à leurs besoins, que l ’on
comprend comment ils n’ont point encore les passions qui
désolent le reste du monde. Il faudrait parmi eux bien peu
d’Européens pour changer cette douce existence.
La race de Tikopia est belle ; sa couleur est peu foncée.
Les hommes sveltes et grands paraissent agiles et dispos ; les
traits de leur visage sont généralement agréables. On rencontre
même parmi eux quelques types défigurés d’une beauté
parfaitement régulière. Ils ont peu de barbe et portent leur
chevelure longue et pendante sur le dos; une ceinture et une
petite étoffe composent tout leur vêtement. Ils y ajoutent ,
pour se délivrer des insectes, de longues feuilles de vacois ’
qui tour battent le corps par leur élasticité, et dans cet accoutrement
ils ressemblent âs.sez à un fleuve de la mythologie. Le
tatouage bleu-noir qui couvre leur poitrine figure un plastron
du dessin le plus élégant ; sur le visage, ils se contentent d’inciser
quelques petites images de poissons. Si nous ajoutons
qu ils se frottent le corps et les cheveux d’une substance d’un
jaune safran , nous aurons esquissé le portrait en pied d’un
indigène de Tikopia.
Les femmes sont plus blanches que les hommes , si l’on en
juge par les parties du corps où l ’enduit jaune a disparu. Leur
taille est plus haute et surtout plus élancée que celle des autres
femmes de l’Océanie. Elles portent les cheveux ras, et leurs
formes n’offrent rien de désagréable. J’ai remarqué chez quelques
unes un sein fort développé sans que les contours en
fussent altérés. A u reste , il faut convenir que nous avons vu
peu de femmes dans notre courte exploration ; on peut aussi
se permettre de penser que celles qui se sont offertes volontairement
a nos regards avaient, malgré toute l’innocence possible,
la conscience de leur mérite.
E n fin , nos amis nous reconduisirent jusqu’au canot et restèrent
long-temps à nous suivre du regard. La nuit ne tarda
pas à tomber, et bientôt nous ne vîmes plus cette île hospitalière.
Le fanal que VAstrolabe avait bissé pour nous guider
brillait seul au large comme une petite étoile ; c’était cependant
tout pour nous que cette bienfaisante lueur. Vers huit
heures, nous atteignîmes la corvette qui depuis long-temps
était en panne pour nous attendre.
{E x tra it du Journal de M . Sa in so n .)
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Et il est enfin revenu à bord par la passe de l’Est.
Un canot bien armé fut envoyé pour faire le tour de l ’île et
saisir quelque indication sur le lieu du naufrage , selon ce qui
en avait été rapporté par Dillon. Nous avions avec nous un
naturel pour guide, interprété par un Anglais qui entendait
sa langue. Nous naviguions dans une mer calme en dedans
des récifs. Des naturels vinrent au devant de nous et échangèrent
des taros, des cocos et du fruit de l ’arbre à pain; mais ne
sachant pas le chemin que nous avions à faire , nous ne cédâmes
point aux instances de visiter leur v illa g e , qui se nomme
Tanema. A la moitié du jo u r , nous étions dans le village de
P a y o u , qui toujours fut indiqué comme un des lieux où l’un
des navires avait péri; nous ne pûmes avoir aucun renseignement
, parce qu’à notre approche les habitans effrayés prirent
la fuite. Notre guide, un Tikopien et l’Anglais Hambilton
furent les seuls qui allèrent à terre en se mettant à l’eau. Ils
portaient des cadeaux pour les chefs. Ils ne trouvèrent que
deux vieilles gens qui apparemment n’avaient pas pu s’enfuir.
H fallut continuer à contourner l’île. Bientôt après, nous