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palieiice el poursuivis la route des Mariannes. Très-
heureusement, car la suite des événemens et la ténacité
de la maladie m’ont prouvé plus tard que l’expédition
était perdue sans ressource, si j’eusse voulu la
conduire p a rle détroit de Torrès K
Vers midi, nous avions aperçu File Fataka, el à
quatre heures du soir Anouda s’est montrée à toute
vue. Dans la nuit, nous passions dans FF. et à dix
milles environ de la dernière.
Les grains de pluie recommencent à tomber avec
violence, la brise est très-irrégulière et la houle considérable.
L’eau pénètre dans toutes les parties du navire
et engendre une humidité funeste aux malades.
Trente-cinq malades sont étendus sur les cadres.
M. Gressien qui, malgré ses courses multipliées sur
les brisans, avait pu échapper à la fièvre, est attaqué ,
et il ne reste debout que MM. Lottin et Guilbert. Le
premier, qui ne fait que se relever, est encore très-
faible; pour soulager ces deux officiers, je suis contraint
de confier un quart au maître d’équipage Col-
linet. J e suis toujours dans le plus grand accablement,
c’est une cruelle fatigue pour moi que de descendre
dans ma chambre pour faire le point et donner la roule.
Je passe la plus grande partie du temps étendu sur une
cage à poules ou dans ma couchette, sous la dunette.
Il y a vingt-deux jours que le mauvais temps dure ;
on doit espérer qu’il cessera bientôt, pour faire place
aux brises régulières de l’E. et du S. E.
Mais, dans les trois journées suivantes, les vents
I Voyez n o t e 1 4 .
sont si mous, que nous faisons à peine vingt lieues en
roule. L’équipage est si affaibli, qu’ayant donné l’ordre
de serrer la grande voile à l’approche d’un grain, cette
manoeuvre n ’a pu s’exécuter, faute de bras. Cela me
contraint à ne conserver qu’une voilure légère et facile
à manier.
P o u rta n t, à ma grande satisfaction , la maladie de
MM. Jacquinot et Gressien n ’a pas de suite, et ils
reprennent leur service dès le 31 mars. Chez m o i, au
contraire, la fièvre, depuis quelques jours , nonobstant
la diète sévère que j ’observe, est accompagnée de
ténesme , hémorrhoïdes, dégoût et prostration générale
des forces. Je souffre cruellement, et il est des
momens où je regarderais comme un véritable bienfait
la fin d’une pareille existence, si elle devait se
prolonger. Dans le cas où je succomberais à la force
du mal, j’ai tout préparé pour que 31. Jacquinot
éprouve le moins d ’embarras possible à ramener l’expédition
en France. Le rapport queje dois lire à l’Académie
, à mon re to u r , pour rendre compte des opérations
du voyage, est même tout p rêt, et il ne s’agirait
que d’y ajouter les événemens qui pourront avoir lieu
ju sq u a u retour. Aussi, à cela près des souffrances
physiques, sous le rapport m o ra l, je suis fort tranquille
, et j ’emporterais au moins dans la tombe la
conscience intime d’avoir dignement rempli la tâche
qui m’était imposée.
Comme il conversait avec moi, ce malin, 31. Jac-
quinot me disait que si j’eusse gouverné vers le détroit
de T o rrè s, comme j’en avais quelquefois manifesté
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