j ’ai entrevu au travers de la brume, à deux ou trois
quarts sous le vent, un gros morne qui m’a prouvé
que j’étais encore bien loin de compte, et je me suis
hâté de revenir jusqu’au S. S. O. pour ne pas engager
l’Astrolabe dans la baie ouverte qui forme la côte de
Bouton en cette partie de l’île. L ’anglais q u i, plus
pressé que moi, avait laissé arriver tout plat, reconnaissant
aussi son erreur, s’est hâté de serrer le vent
jusqu’au sud.
Le ciel est très-obscur, la terre chargée de grains,
e t, pour surcroît de désagrément, à midi même, un
grain de pluie qui dure quelque temps nous prive de
latitude et nous masque la vue des côtes, bien que
nous en soyons à peine éloignés de quatre ou cinq
railles. La mer se creuse, et nous fait rouler plus que
nous ne l’avions encore éprouvé dans les Moluques.
A une heure, le ciel s’éclaircit peu à peu, et je laisse
porter successivement au S. O ., O. S. O ., O ., et
même à l’O. j/, N. O ., pour mieux reconnaître la
terre. A quatre heures, n ’étant qu’à quatre ou cinq
milles de la côte, je reconnais tour à tour les divers
points de la côte méridionale de Bouton, surtout l’île
du Sud à son étendue, à sa singulière conformation
par couches horizontales très-régulières, enfin aux
roches à fleur-d’eau qui se trouvent sur sa poinle
ouest. Nous employons tout juste une heure à la prolonger
à moins d’une lieue de distance, en filant 6“, 3,
ce qui donne sa longueur exacte ; et à cinq heures et
demie, l’Astrolabe se trouvant sous le méridien de
sa pointe occidentale, je pris là mon point de départ
pour la nuit : c’est-à-dire que je mis le cap droit à
l ’ouest, route qui devait me conduire vers le détroit
deSalayer, en passant à dix milles au sud des brisans
de Carabyne.
Désormais je pouvais consulter les excellentes cartes
d’Horsburgh, el ma navigation reprenait ce caractère
de sécurité qui s’attache aux campagnes que l’on
est appelé à faire dans les lieux les plus connus du
globe, comme l’Inde, l’Amérique ou les côtes de la
Méditerranée.
C’est ici le cas de faire observer combien les marins
ont à regretter que le dépôt de la marine française,
malgré les ressources mises annuellement à sa disposition,
reste tellement au-dessous des publications
anglaises pour tout ce qui a trait aux documens h y drographiques
concernant l’Inde en général, les Moluques
et les mers de la Chine, du Japon et des Philippines.
A neufheures et demie du matin, nous avons commencé
a entrevoir les terres de Salayer au travers
d ’une brume épaisse qui a persisté toute la journée.
Nous avons laissé porter successivement jusqu’à l’O.
N. O. '/, O. pour donner dans le canal formé par l’île
sud et 1 lie du milieu. A midi et demi, nous rangions
à un mille de distance la pointe nord de la première
de ces deux îles, et c’était un beau moment. Chassés
par une belle brise d’est, au travers de ce canal étroit,
nous voyions fuir avec rapidité les terres de chaque
côté, et notre agile corvette semblait se rire des efforts
de la lame, tandis que des flots d’écume ve1828.
A oû t.
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