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même où le naufrage a eu lieu et d’où les débris ont été retirés.
Ce qui l ’a déterminé, c’est l’offre qui lui a été faite par M. Jacquinot,
d’un beau morceau de drap rouge , s’il nous montre
au fond de l’eau quelques-uns des débris du navire. Ce naturel
nous assure que les fragmens qu’ils nous vendent ont été
retirés par leurs pères.
A deux heures, nous arrivons sur les récifs devant Payou,
qui nous reste à l ’est, à environ trois milles de distance.
A deux heures vingt minutes, nous apercevons plusieurs
boulets de canon que nous perdons de vue, avant de nous être
bien assurés que c’était réellement des boulets.
En fin , à deux heures et demie, nous voyons bien distinctement
une ancre assez grande, dont une patte est cassée. On
essaie en vain de la retirer. Comme une portion de l ’arrière
du canot commençait à sc briser , on se borna à mettre un
signe de reconnaissance , et à prendre les relèveinens suivans,
afin de retrouver facilement le lieu où gît l’ancre que nous
venons de découvrir.
La pointe de Nama nous reste au N. N. O.
L a pointe de Pa ïou, à l ’E. i /4 S. E.
Le village de Païou , à l’E. , à trois milles.
Le sommet des îles Outoupoua , au N. O. 1/2 N.
.Aussitôt après , on donne à notre guide Védévéré la récompense
promise , qui est une belle pièce de drap rouge , et de
plus on y ajoute une hache , un collier et une bouteille.
A l’instant même, il était alors trois heures un quart, nous découvrons
une seconde ancre , du fer et du plomb , à une longueur
de canot de la première ancre. En examinant attentivement
le fond de l’e au , nous voyons, à douze ou quinze
pieds de profondeur, des ancres , des canons, des boulets, des
plaques de p lom b , empâtés dans les coraux. Leur gisement
est dans une espèce de coupée où se trouve interrompue la
ligne des ré c ifs , près de Payou et vis-à-vis un lieu nommé
A m b i, dont la distance est à peine d’un mille et demi.
La disposition des ancres et leur gisement, tout indique
que nous avons sous les yeux les débris d’un des navires de
Lapérouse. Ce spectacle, à lui tout s eu l, est bien suffisant pour
nous dédommager des fatigues du voyage. C’est un bonbeur
dont nous ne perdrons jamais le souvenir. Pouvoir contempler
à son aise , après une série d’accidens divers, les débris de ce
grand et glorieux désastre, et sentir au fond de son ame
qu’on est digne de cet honneur, c’est une récompense que
les hommes ne peuvent point décerner, et que fort heureusement
il n’est pas en leur puissance de ravir.
Le temps et le vent ne permirent point à M. Jacquinot de
me déposer sur P a yo u ; je lui demandai s’il pourrait me débarquer
à Vanou. Il était pressé de s’en retourner à bord pour
faire part à M. d’Urville de l’importante découverte qui venait
d’être faite ; et d’ailleurs je ne désirais point le retarder.
C’est ce qui me détermina à rester à Nama , où l ’on fut obligé
d’accoster pour déposer notre guide Védévéré.
Je descends à terre avec Hambilton', n’ayantqias le temps
de m’informer si l ’on voudra bien m’y recevoir. Je descends à
Nama, absolument comme je pourrais m’arrêter à Versailles ou
à Saint-Germain. Et cependant je me mettais à la disposition
d’hommes évidemment mal disposés à notre égard, d’hommes
noirs, laids , méchans et ja lo u x , dans une île où j’étais sur de
ne trouver aucun de ces gracieux dédommagemens qu’offrent
les îles Sandwich, les Carolines, T a ït i, e t , en un mot,
tous les archipels habités par la race jaune. Le désir seul de
recueillir quelques renseignemens sur Lapérouse m’animait.
Il était si intéressant de connaître d’une manière authentique
la fin d’une expédition si malheureuse et si brillante !
Armé d’un fusil double à piston, d’un pistolet à trois coups
et d’un poignard, j ’avais des munitions suffisantes.
Pour donner des cadeaux, j’avais une grande étoffe de
T o n g a -T a b o u , des mouchoirs, des épingles, des couteaux,
un sabre, une scie , des clous, des pantins, des grenouilles
sauteuses et une foule d’autres petits objets pour les enfans.
Pour provisions, j ’avais du pain, du vin de Bourgogne,
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