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 Mars. 
 172 VOYAGE 
 riers  de  Manevai,  armés  de  leurs  arcs  et  de  leurs  
 flèches  et au nombre de  cinquante ou  soixante,  arrivèrent  
 successivement  sur le récif situé de  leur  côté ;  
 les  uns  s’accroupirent  pour  contempler  la  corvette,  
 quelques-uns  couraient  sur  la  plage,  et  d’autres  s’amusaient  
 à lancer des flèches sur les  poissons.  C’était  
 un spectacle curieux que de Amir ces  corps nus,  noirs  
 et  grêles,  paraître  et  disparaître  alternativement,  
 comme des fantômes,  entre les arbres du rivage. 
 Deux pirogues de Tevai s’approchèrenl encore de la  
 corvette pour reprendre leurs échanges ; mais à la vue  
 de quatre  pirogues de Manevai qui s’avancaient à leur  
 rencontre,  elles  firent  une  prompte  retraite.  Quelques  
 minutes  a p rè s ,  quatre  pirogues  de  Tevai  re vinrent  
 à la charge ; mais il s’en présenta sur-le-champ  
 plus  de  dix  de  Manevai.  Celles-ci  s’avancèrent ju squ’au  
 milieu  de  la  passe,  en  faisant  toutes  sortes  de  
 menaces et  de  provocations à leurs ennemis ,  qui restèrent  
 prudemment  sur  leur  récif.  Durant  quelque  
 temps,  ces cris  d’insulte et d’aggression,  poussés  par  
 les habitans de Manevai,  retentirent  à nos oreilles;  il  
 y eut même  quelques flèches lancées  de  part  el  d’autre  
 ,  qui me  donnèrent un moment d’inquiétude pour  
 nos  c an o ts,  obligés  de  passer  entre  les  deux  partis  
 pour exécuter leurs opérations. 
 Mais  ceux de Tevai,  se sentant sans  doute les  plus  
 faibles,  restèrent  toujours  à  une  distance  respectueuse  
 ,  et finirent  par  se  retirer  tout-à-fait.  Au moment  
 même  où  les  provocations  semblaient  être  le  
 ])kis  animées,  je  remarquai,  parmi  les  sauvages  de 
 DE  L’ASTROLABE. 
 Manevai,  un individu  sans  armes,  qui seul  et  debout  
 dans une pirogue agitait un morceau d’étoffe blanche,  
 et par ses signes semblait inviter les habitans de Tevai  
 à  se  re tire r,  tandis  que  ses  propres compatriotes les  
 défiaient par les menaces  les plus insultantes. 
 Une fois débarrassés de la présence de leurs rivaux,  
 les naturels  de Manevai firent leur apparition à b o rd ,  
 et  parurent  enchantés  de  l’accueil  qu’ils  y  reçurent.  
 De ce moment,  nous  ne revîmes  plus les habitans  de  
 Tevai,  dont aucun de nous ne regretta  la société i. 
 Il  nous  fallut  encore  le  reste  de  la  journée  pour  
 franchir  toute  la  longueur  de  la  passe,  encore  est-il  
 douteux  que  nous  eussions  l'éussi  sans  une  double  
 circonstance qui nous favorisa.  Après midi,  la  b rise ,  
 quoique  toujours  contraire,  mollit beaucoup ;  et  sur  
 les  quatre  heures  la m a ré e,  ayant reversé en  dedans  
 des  îles,  nous  poussa  lestement  vers  l’intérieur,  en  
 nous faisant raser de  très-près  les  dangereux  brisans  
 qui  bordent  cette  passe  épineuse. 
 Enfin,  à sept heures  et  demie , j ’eus  la  satisfaction  
 de  voir la  corvette  établie  sur deux  ancres  dans l’intérieur  
 de  la  baie,  sur  une  mer  aussi  paisible  que  
 l’eau  d’un  étang,  et  à  l’abri  des  houles  du  large.  
 La journée nous avait encore coûté vingt-deux  ancres  
 à  mouiller  et  à  relever.  Toutefois  c’était presque un  
 miracle que nous n’eussions touché nulle p a r t, ni perdu  
 d’âncres  ou de grelins,  par un  fond  hérissé  de coraux, 
   et  ayant  eu  à  lutter  contre  des  circonstances 
 :  ‘M 
 Voyez  noie  lo .