celle-ci peut tour à tour serrer le vent sur les deux bords, sans
venir précisément dans son lit.
J’ai vu de ces pirogues filer jusqu’à huit milles, à quatre
pointes du vent; mais, en courant grand largue ou vent arrière,
je ne doute pas qu’elles ne pussent atteindre à la vitesse de
douze ou treize noeuds avec une mer calme. En touchant seulement
à la v o ile , avec le vent du travers, ces pirogues passent
et repassent entre deux île s , chaque bout servant alternativement
de proue, avec une grande rapidité et sans avoir besoin
de virer de bord. Les vo ile s, comme je l’ai observé, sont faites
avec la même étoffe que leurs habillemens ; mais elle est beaucoup
plus forte et préparée par petits morceaux de trois pieds
en carré que l ’on coud ensemble. En coupant la voile pour lui
donner sa forme, les pièces qu’ il faut retrancher d’un côté
vont de l’autre, ce qui fait que les drisses se placent sur le
milieu de la vergue.
Ces pirogues servant principalement pour la p êche, nous
allons mentionner les ustensiles nécessaires à cet objet. Leurs
filets et leurs seines sont en fil retors qu’ils fabriquent avec une
écorce d’arbre. Les mailles ont environ un pouce ca r ré , et la
longeur de la seine varie de quinze à vingt brasses avec une
largeur de quinze à dix-huit pieds. En place de flotteurs en
liè g e , ils emploient de petits noeuds de bambou, e t , pour faire
plonger le f ile t , ils se servent de petites pierres pesantes et
unies au lieu de plomb. Leurs hameçons et leurs lignes sont
très-ingénieusement travaillés; les premiers sont en nacre de
perle et en écaille de tortue. L a nacre de perle est très-propre
à cet objet, attendu que les hameçons de cette espèce n’ont
point besoin d’appât; car l ’éclat de la nacre attire et séduit le
poisson qui l’avale sur-le-champ. Leurs lignes sont de la même
matière que leurs filets , proprement tordues et d’une grande
force. Comme ces gens passent une grande partie de leur vie à
la pêche, ils considèrent comme un jeu d’aller à quarante
ou cinquante milles à la recherche de leur proie , et reviennent
dans la soirée du même jour.
Lors de notre première visite, j ’ai rapporté qu’une ceinture
d’environ quarante petites îles en environne plusieurs autres
pins grandes , dont quatre avaient environ trente milles de circonférence.
Les îles de l’intérieur sont seules habitées et contiennent
une population d’environ trente-cinq mille ames,
divisée en deux races distinctes. Les deux principales îles de
l’ouest, avec quelques-unes des petites, sont peuplées par la
race indienne de couleur cuivrée , tandis que les deux îles
orientales, avec leurs dépendances, contiennent une race bien
plus voisine de celle des nègres. Ils se font fréquemment la
gu e r re , ainsi que je l ’appris des deux p artis, bien qu’ils fussent
alors sur le pied de paix. Les noirs sont les plus nombreux,
étant au nombre d’environ vingt m ille , tandis que le nombre
des Indiens ne dépasse pas quinze mille. Je vais essayer de
décrire brièvement chacune des deux tribus, en commençant
par la noire qui occupe les deux îles de l ’Est.
Pour la stature , les hommes ont environ cinq pieds dix
pouces de hauteur; ils sont bien proportionnés, musculeux et
actifs; leur poitrine est large et saillante ; leurs membres bien
tournés; leurs mains el leurs pieds petits. Leurs cheveux sont
beaux et bien frisés, sans être semblables à ceux des Africains.
Leur front est haut et droit, leurs pommettes saillantes , leur
nez bien dessiné et leurs lèvres assez minces. Ils ont les dents
belles et blanches, le menton la rg e , le cou court et épais , les
épaules larges et les oreilles petites et un peu plus ouvertes que
les nôtres. Leurs yeux sont noirs, v ifs, brillans et perçans,
avec des cils longs et relevés. L ’expression habituelle de leur
physionomie annonce un caractèi’e fier et entreprenant.
A la ceinture et sur les reins, ils portent une natte fabriquée
en écorce d’a rbre, élégamment tissue, et ornée avec goût d’une
quantité de figures de couleurs diverses. Ils portent aussi sur la
tête des ornemens du même tissu , agréablement ornés de
diverses espèces de plumes; cette coiffure ressemble à un turban
surbaissé, surmonté d’une frange riche et élégante. Les
chefs ont le lobe inférieur des oreilles fendu , de manière à