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 ne  les  coupent pas,  ils  ne  prennent jamais  en  masse  un  grand  
 accroissement.  Ils  les  tiennent  enveloppés  dans  une  pièce  
 d’étoffe  qui  leur  pend  longuement dans  le dos ;  ce  qui  d’abord  
 semble  donner  plus  de  développement  à  leur  chevelure.  En  
 grande  cérémonie  ils  ont  d’élégans  bracelets  noirs  et  blancs  
 qu’ils  tirent  de  l ’arcbipcl  du  Saint-Esprit,  ne  sachant  pas  ou  
 plutôt  ne  voulant  pas  se  donner  la  peine  d’en  fabriquer  de  
 semblables.  Il  en  est  de  même  de  leurs  armes  et  de  plusieurs  
 autres  choses.  Cependant,  ils  font  des  anneaux  d’un  grand  
 trocbus  qu’ils  se  pa,ssent  aussi  dans  les  bras  au  nombre  de  huit  
 ou  neuf  de  chaque  côté.  Ils  façonnent  en  très-gros  anneaux  
 l’écaille de tortue et s’en pendent ainsi jusqu’à  près d’une demi-  
 livre  à  chaque  oreille.  Du  reste,  ils  sont  nus,  à  l’exception  
 de  l’étoffe  étroite  qui  leur  cache  les parties  génitales.  L ’usage  
 du  bétel  leur  détruit  les  dents  et  rougit  désagréablement  le  
 contour  de  la  bouche. 
 Les  femmes  sont  laides,  horribles.  Les  hommes  âgés  ont  la  
 tête  nue  et  les  cheveux  courts. 
 Ces peuples,  comme  tous  ceux  qui  habitent  par de  semblables  
 latitudes,  sont  sujets  à  la  lèpre.  Cette  maladie  s’offre  le  
 plus  souvent  sous  la  forme  de  l ’éléphantiasis.  Le vieux chef de  
 Manévé  avait  la  figure  couverte  de  pustules  ulcérées  et suppurantes. 
 Que  dire  sur  la  religion  d’un  peuple  avec  lequel  on  a  de  la  
 peine à  échanger  quelques  idées ,  si  ce  n’est  celles  que  déterminent  
 les  besoins  physiques?  Ils  ne  paraissent  point  avoir  de  
 culte extérieur,  et nous n’avons point trouvé  d’idole.  La   chose  
 qu’ils  consacrent  paraîtrait  leur  tenir  lieu  de  divinité.  C ’est  
 ainsi  qu’un  jour le vieux  chef mena M.  d’Urville  à  son A to u a ,  
 qui sc  trouvait être un  trou  de fourmis ou de cancres, au milieu  
 des  bois.  Ils  font  des  consécrations  à  ces  Dieux ;  et  lorsqu’ils  
 voulaient  tirer  quelque  chose  de  nous ,  ils  avaient  l ’adresse  de  
 le  demander  pour  leur A to u a . 
 Ce  qui  m’a  le  plus  étonné  dans  cette  île  ,  c ’est  que  les h ab itans  
 parlent  un  dialecte  de  la  langue  polynésienne  ,  et  non  
 celle  de  la  Nouvelle-Guinée  et  des  îles  environnantes,  d’où  ils  
 tirent  leur  origine.  Ils  s’entendaient  bien  avec  les Tikopiens  et  
 un  habitant  des  îles des  Amis.  Ce  qui  pourrait  faire  supposer,  
 jusqu’à  un  certain  point,  que  les  émigrations  des  Polynésiens  
 jusque  dans  ces  parages  seraient  antérieures  à  celles de  la  race  
 noire. 
 En  évaluant  à mille  ames  la  population  de Vanikoro  répandue  
 dans  dix  ou  douze  villages  ,  c’est  peut-être  la  forcer  un  
 peu.  Si  l ’on  en juge par  le  village  d’O c i l i , qui a  été abandonné,  
 elle  ne  semblerait  pas  aller  en  augmentant.  Douze  à  quinze  
 cases  contiennent  une  peuplade.  Elles  sont  carrées  ou  ovales  et  
 faites  de  larges  feuilles  de  vacoua.  Le  feu  est  au  milieu  et  la  
 fumée  sort  par  la  porte  qui  est  l ’unique  ouverture.  Nous  vîmes  
 deux ou trois individus métis, provenant de la race polynésienne.  
 Ce  croisement  semble  les  rendre  plus  robustes  et  surtout  plus  
 intclligens. 
 La navigation  des  Tikopiens  s’étend  aux îles  environnantes.  
 Ils la poussent même  à  quarante ou cinquante lieues  , malgré  la  
 fragilité  de  leurs  embarcations,  les  plus  imparfaites  que  nous  
 ayons  encore  vue s ,  après  celles  de  la  Nouvelle-Hollande.  
 L ’arbre  qui  forme  le corps  n’est  creusé  que  d’une rainure,  dans  
 laquelle  les pieds ne  peuvent se  placer qu’en les présentant dans  
 le  sens  de  leur  longueur.  Un  balancier  est  d’un  côté  ,  et  de  
 l’autre  une  petite  plate-forme.  La  voile  est  triangulaire  ou  
 plutôt en forme  de coeur très-échancré  par le haut.  Le  moindre  
 clapotis  remplit  d’eau  ces  pirogues  qui  portent  de  trois  à  six  
 individus.  Lorsqu’ils  sc hasardent  en  pleine mer,  ils  ferment le  
 dessus  de  l ’embarcation  qui  ressemble  alors  à  un  morceau  de  
 bois  creux.  C’est  de  cette  manière  que  s’aventurèrent  les  cinq  
 Tikopiens  que  nous avions à  bord lorsqu’ils voulurent regagner  
 leur  île.  Ce  ne  fut  pas  sans  avoir  des  craintes  sur  leur  sort que  
 nous  les vîmes  partir  le  soir et  se  guider par  les étoiles. Tout le  
 monde  s’empressait  de  faire  de  petits  cadeaux  à  ces  bons  habilans; 
   ils  emportèrent  en  biscuits  des  vivres  pour  plus  d’un