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VOYAGE
DE L’ASTUOLABE.
iSiS.
F évrier.
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Aujourd’hui les naturels de Tevai sont venus à
bord en plus grand nombre qu’ils ne l’avaient encore
fait ; ils ont apporté une plus grande quantité de cocos
et de bananes que de coutume. Ils ont même amené
deux cochons, mais leurs prix ont été si outrés
qu’ils les ont remportés à terre. Peut-être, malgré le
silence que j ’avais recommandé, ont-ils compris que
nous allions quitter leur territoire pour nous transporter
chez leurs voisins ; ils auront senti que c’en serait
fait de leurs marchés, et ils auront désiré réparer
le temps perdu. Dans tous les cas le chef Nelo n ’a
point repa ru; il n ’a point tenu sa parole, et a gardé
la hache. J ’aurais été bien surpris s’il avait montré
plus de probité.
Ce matin il soufflait une petite brise de S. S. E.
avec beau temps ; la circonstance m’a paru favorable
pour conduire la corvette de la rade d’Ocili dans la
baie de Manevai. Dès cinq heures du matin le branle-
bas fut fait, toutes nos ancres de poste furent successivement
levées, et nous commençâmes à nous touer
vers la passe de l’Est au moyen de grelins élongés suides
ancres à jet. Cette opération souffrit peu de difficultés
jusqu’à huit heures ; mais en ce moment la brise
fraîchit au nord plus qu’elle n ’avait fait les jours précédens,
et fit chasser une de nos ancres à je t; ce qui
nous rejeta à moins de huit ou dix brasses des brisans
du rivage.
Avec de grands efforts nous pûmes continuer notre
manoeuvre; cependant une autre ancre à je t ayant encore
chassé, cette fois nous retombâmes près du récif
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du mouillage sur lequel la mer brisait avec fureur.
Durant plus de vingt m inutes, la corvette se trouva
sur des têtes de coraux situés à moins de quatorze pieds
sous l’e a u , et avec une houle assez forte ; il est fort
heureux q u e , [dans les levées de la lame, elle n’ait
touché contre aucun de ces rocs acérés dont un seul
eût pu la défoncer.
Nous réussîmes encore à nous tirer de ce danger ;
mais tout le reste du jo u r nous fûmes cruellement
contrariés par le vent. Malgré tous nos efforts, nous
fûmes condamnés à passer la nuit, à moins d’une en-
câblure de ce fatal brisant, sur deux ancres à jet
mouillées, l’une par trente-cinq brasses de fond el avec
quarante-cinq brasses de la petite chaîne, l’autre par
trente-trois brasses et avec soixante-dix brasses d’un
grelin peu solide.
Dans la jo u rn é e , il y a eu quinze an c re s, tant
grosses que petite s, mouillées et élongées, souvent
avec deux ou trois grelins, au milieu d’une mer assez
creuse et par de grands fonds.
Accablés de fatigue, tous les officiers et les hommes
de l’équipage dormirent du plus profond sommeil.
Seul je veillais pour tous; c a r, dévoré d’inquiétude
sur notre position critique, je ne pouvais m’en rapporter
qu’à moi-mème pour veiller sur les chances du
v e n t, de sorte qu’il me fut impossible de fermer l’oeil
un seul instant. A l’exception des affreuses nuits
passées sur les récifs de Tonga-Tabou, nous n ’en
n ’avions pas eu d ’aussi pénible. Si le vent eût varié à
l’E. et eût soufflé avec quelque force, l’Astrolabe