If) VOYAGE
gardé dans ses discours la réserve que semblait lui
commander le caractère difficile et emporté de son
chef; mais il est constant que xM. Dillon se livra à
des excès d’une grossièreté, d ’une brutalité même
que rien ne pouvait justifier. C’est le sentiment que
je conçus en lisant dans les journaux de la colonie
les diverses pièces du procès et le prononcé de la sentence.
C’est celui que j ’ai conservé à mon reto u r en
France, après avoir lu la relation même de M. Dillon.
Malgré le soin qu’il a apporté à rejeter tous les torts
sur M. Tytler, et à le couvrir d ’ignominie; aux yeux
d ’un juge impartial, son récit ne saurait justifier, ni
même faire excuser sa conduite.
D’aussi fâcheux précédens donnèrent donc aux autorités
et aux personnes les plus estimables de la
colonie, la plus triste opinion de M. Dillon; il perdit
toute espèce de considération, et l’on alla jusqu’à récuser
sa probité et sa bonne foi. Il fut regardé comme
un aventurier qui avait déjà abusé de la confiance des
administrateurs de la compagnie, et le gouverneur
lui refusa définitivement un crédit de quatre mille
piastres, malgré l’autorisation en bonne forme du gouvernement
de la compagnie, dans la crainte que la
colonie ne fût exposée à perdre cette somme. On
finit par regarder ses récits sur Tikopia et Vanikoro
comine des contes forgés à plaisir, et dans le but unique
d’extorquer l’argent de la compagnie.
Je dois me dispenser de rapporter les nombreuses
plaisanteries que j’entendis faire à ce sujet par diverses
personnes d’un véritable mérite.
Pour moi, tout en déplorant les écarts du capitaine 1827.
D illon, et regrettant qu’une mission aussi inléres- D'îcc'"'»«-
rcssanle eût été confiée à de pareilles mains, je sus
faire la part de la vérité et celle des préventions. Le
défaut d’éducation et un caractère naturellement violent
pouvaient avoir entraîné M. Dillon au-delà des
convenances qu’un capitaine doit toujours observer
envers un officier; mais ce n’était pas un motif pour
que sa véracité fût soupçonnée, et je persistai dans le
projet d’aller moi-même constater sur les lieux ce (ju’il
y avait de fondé dans les dépositions du marin anglais.
La ville de Hobart-Town m’a paru déjà d’une étendue
remarquable. Ses maisons sont très-cspacécs, et n, cr.vnr.
n’ont généralement qu’un étage, outre le rez-de-
chaussée; mais leur propreté et leur régularité leui-
donnent un aspect agréable. Les rues ne sont point
pavées, ce qui les rend fatigantes à parcourir; quelques
unes ont pourtant des tro tto irs; en ou tre, la
poussière qui s’en élève continuellement est trcs-gè-
nante pour les yeux. Le palais du gouvernement occupe
une heureuse situation au bord de la baie; cette
résidence offrira sous peu d’années de nouveaux agré-
mens, si les jeunes arbres dont on l’a entourée prennent
tout leur développement ; car ceux du pays sont
peu propres à servir d ’ornement.
Au point du jour, nous avons aperçu sur la cime 21.
de la montagne de la Table quelques espaces couverts
de neige, et le froid a été assez piquant. Toute la
journée le vent a souillé au N. 0 . et N. N. G .,