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 J'ai fait  part aux naturalistes  et  aux  officiers  de  la  
 résolution  que  j’avais  prise  de  suivre  le gouverneur  
 Merkus  à Manado,  et  de  faire une courte relâche sur  
 ce point avant de quitter définitivement les Moluques.  
 Cette  communication  n’a  point  été  reçue  avec  l’enthousiasme  
 qu’elle  n’eût  pas  manqué  d’exciter  six  
 mois seulement  auparavant.  Personne ne s’est permis  
 la  moindre  objection,  mais  il m’a  été  facile  de voir  
 que  les  inquiétudes  générales  que  causait notre  séjour  
 prolongé dans les Moluques l’emporterait désormais  
 sur  le  désir de  visiter de nouvelles contrées,  et  
 d’ajouter  aux richesses  de  la  mission.  Pour  détruire  
 cette  impression  fâcheuse  et  ranimer  le  zèle  amorti  
 de mes compagnons,  il  eût  fallu que j’eusse  eu  à leur  
 annoncer quelques marques d’attention  du gouvernement; 
   mais  le  silence  du  passé faisait  déjà mal augure 
 r des dispositions  de  l’avenir!... 
 J ’ai  diné  aujourd’hui  chez  le  secrétaire-général,  
 M.  Bourss;  la  réunion  des  convives  se  composait à  
 peu près  des mêmes  personnes  que la veille,  mais  le  
 repas  a  été  beaucoup moins  long,  et  par conséquent  
 moins  fatigant. M. Merkus  m’a  témoigné  sa  satisfaction  
 de me  voir  décidé  à l’accompagner à Slanado ;  il  
 m’a parlé d’un quadrupède remarquable qui paraît être  
 une  nouvelle  espèce  d ’antilope,  et  il  a  promis  d’en  
 procurer  plusieurs  individus  à notre mission. 
 Le capitaine du Siva m’a  fait une visite;  nous nous  
 sommes  entretenus  du  détroit  des  Yloluques et  de la  
 traversée  d’Amboine  à Manado,  qui  n ’offre  aucunes  
 difficultés  à  la  navigation  que  la  chance  des  calmes 
 ou  des  petites  brises du nord.  Le  détroit  de Patience  
 est  lui-même  bien  plus  praticable  qu’on  ne  le  pense  
 communément. 
 Vers midi, j ’ai rendu au capitaine du Siva sa visite.  
 Son  navire  a  été  construit  à Bantjar,  petit port près  
 Kambang  sur  la  côte  de  Java ;  il  est  très-propre  et  
 bien  tenu ;  mais  son  artillerie  en  canons  de  6  est  
 beaucoup  trop  pesante  pour  son  échantillon,  et  encombre  
 entièrement  les gaillards.  Pour  la  navigation  
 générale des Moluques,  cet  officier se sert  des  cartes  
 de  Norie,  mais  il  a  en  outre des cartes  particulières  
 manuscrites  et  très-détaillées  qui  paraissent être  fort  
 anciennes. 
 Sur les six heures du soir, je suis descendu à terre ;  
 après  avoir  traversé le quartier chinois et fait un tour  
 dans le  bazar, j ’ai poussé ma promenade solitaire jusqu’au  
 pont  qui  se  trouve  aux  extrémités de  la ville.  
 Puis  je  suis  revenu  par  Batou-Gadja.  A  cette heure  
 de  la journée,  on jouit  d’une  fraîcheur  délicieuse  en  
 parcourant  ces  belles  routes.  P a rto u t,  en  effet,  ce  
 sont des  allées  charmantes,  très-propres,  bordées de  
 jolies  palissades,  et  des  deux  côtés  régnent,  tantôt  
 d’immenses  et  sombres  massifs  de sagoutiers,  tantôt  
 d’élégantes  colonnades  d’aréquiers  et  de  cocotiers,  
 tantôt  enfin  de rians bocages de mangliers,  mangoustans  
 ,  litchis,  bilimbings,  canaris,  lanzas,  papayers,  
 bananiers,  etc.  La  riche  et  brillante  végétation  de  
 l’Orient se présente  là  dans  tout  son luxe, et  les  pen sées  
 du  voyageur  se  reportent  naturellement  aux  
 contes  des  Mille  et  une Nuits :  en  voyant  se  réaliser 
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 JuiiUl.