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 sur  les  petites îles  de  sable  (pii  sont  devant  le  district  de  T a -  
 néma ; l ’autre devant le village  de Payou.  De  ce  dernier n a v ire ,  
 il  se  sauva  beaucoup  de  monde.  Le.s uns  se  dispersèrent dans  
 les  îles  environnantes;  les  autres,  en  plus  grand  nombre,  
 avaient  bâti  un  petit  navire  des  débris  du  grand,  et auraient  
 quitté  l ’île.  On  n’en  entendit  plus  parler.  Ils  se  seront  probablement  
 dirigés  vers  le  détroit  de  Torrès  et  auront  péri  
 sur  les  récifs  qui  précèdent  ce  passage.  Soit  que  ceux  qui  demeurèrent  
 dans  l’ile  le  firent  volontairement  ou  ne  purent  
 être  emmenés,  ils  durent  nécessairement  vivre  bien  peu  de  
 temps  sur  un  sol  au.ssi malsain. 
 D’autres  naturels,  au  contraire,  disent  que  c’est  devant  
 Vanou  et non  à  Tanéma  que  se  perdit  complètement  le  premier  
 navire,  et  ils  accusent  les  habitans  de  ce  village  d’avoir  
 tué  le  peu  de  malheureux,  échappés  au  naufrage,  à  mesure  
 qu’ils  arrivaient  à  terre.  Cette  version  différente  n’ offre  qu’un  
 changement de  scène  ,  sans  rien  détruire  du  principal  fait,  la  
 perte  de  deux  navires.  I l  est  possible  que  Dillon  ait  en  son  
 pouvoir des preuves irréfragables que ces deux bâtimens étaient  
 ceux  de  Lapérouse;  un  mot  de  plus  de  lui  sur  le  billet  qu’il  
 laissa  entre  les  mains  d’un  naturel  du  village  de  Manévé  et  
 dans  lequel  il  indiquait  le  nombre  de  canons  qu’il  emportait,  
 eût  fait  cesser  nos  doutes  et  nous  eût  empêchés  de  faire  les  
 conjectures  que  nous  donnons  ici. 
 Sur  la maniéré  dont  la  catastrophe  a  dû  avoir  lieu ,  rien  de  
 plus  simple  qii’apercevant  une  île  élevée,  qu’ils  ne  supposaient  
 pas avoir des récifs  si  étendus au  la r g e ,  les  deux navires  
 aient voulu la reconnaître ;  que le mauvais temps les ait surpris  
 auprès  des  brisans, et  que  l ’un  d’eux  se  soit  perdu  dessus.  Le  
 second  ,  en  prenant  le  la rg e ,  n’aura  cependant  pas  perdu  l’espoir  
 de  sauver  quelques  malheureux  qui  auraient  pu  gagner  
 la  terre  sur  des débr is,  et sera revenu  pour chercher  un mouillage. 
   Apercevant une  eau  paisible  en-dcdans  du  ré c if,  il  aura  
 donné  dans  la  première  coupure  qui  .se  présentait  et  .se  .sera  
 échoué  sur  un  des  cotés,  aln.si  que  le  montrent  le.s  objets  de 
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 fer  étalés-assez  régulièrement  au  fond  de  l ’eau.  On  pourrait  
 même  supposer  que  ce  ne  serait  que  les  mauvais  temps  subsé-  
 quens  qui  auraient  détruit  le  navire. 
 Cependant, celte  opinion  ne  serait pas la mienne dans toutes  
 ces  circonstances.  J’admettrais  plutôt  un  mauvais  temps  passager  
 et  les  navires  tombant  à  l ’improvistc  sur  l’île.  L ’un  en  
 périssant  indique  le  danger  à  l’autre,  q u i,  après  avoir  lutté  
 contre  le  vent  pour  s’élever  des  brisans,  n’aura  eu  d’autre  
 ressource  que  d’entrer  dans la coupure  du  récif qui  lui présentait  
 encore  une  chance  de  salut.  En  effet,  l ’eau  y   est profonde  
 et  l’on  pourrait  y   mouiller  dans  un  temps  calme;  mais  ici  le  
 vent  maîtrisait  le  navire  qui  fut  jeté  sur  un  des  côtés  de  la  
 passe avant  que  d’avoir  pu  mouiller;  et  puis  il  eût  fallu  avoir  
 des  chaînes pour  tenir  sur  un  fond madréporique.  Toutefois,  
 si  la  mer  venait  briser  jusque-là  et  compromettait  le  navire  
 échoué,  une  grande  partie  de  l’équipage  put  se  sauver  pour  
 donner  lieu  à  ce  que  nous  racontèrent les naturels sur la  construction  
 d un  petit  bâtiment.  Par  tout  ce  que  nous  venons  de  
 dire ,  on  ne peut savoir  quel  équipage  survécut  à  l’autre ,  et  si  
 le  chef de  l ’expédition  n’échappa  à  tant de malheurs,  que pour  
 les  voir  se  prolonger  un  peu  plus  et  finir mi.sérablement  quelques  
 mois plus  tard. 
 D’après  toutes  ces  données,  le  commandant  ayant  recueilli  
 les  avis  de  Iétat-major  sur  ce  que  nous  pensions  des  navires  
 naufragés  ,  comine  nous  fûmes  Unanimes  sur  ce  que  c’était  
 ceux  de Lapérouse,  il  proposa  d’élever  un  petit monument à la  
 mémoire de nos  compatriotes morts pour la science.  L ’état dans  
 lequel nous nous trouvions par  les maladies ne  nous permettant  
 pas  d’aller  le  construire  au  village  de  Payou  ,  c’est-à-dire à  six  
 lieues  de  notre  mouillage,  il  fut élevé  sur  un  récif de  la  rade  
 de Manévé.  Ce  fut une  pyramide  quadrangulaire  dont  la  base  
 était  en  pierre  et  le  sommet  terminé  par  une  boite  en  bois  de  
 même  forme.  Une  plaque  de  plomb,  clouée  dans  l ’intérieur,  
 indiquait  le motif.  On  y  joignit  des monnaies  françaises  et  une  
 médaille  de  notre expédition.  L e jo u r   de  son  érection,  un  dé-  
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