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508 V O Y A G E
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O c to b r e .
A dîner, se trouvait avec nous le troisième associé
de MM. Telfair et Telmoudi; son nom était Anas-
sami, et il était aussi originaire de Madrass. J ’ai amené
la conversation sur les moeurs des Indoux et la religion
de Brama. Mes deux Indiens m’ont répondu avec
beaucoup de bon sen s, et j ’ai vu qu’au Malabar,
comme partout ailleurs, la classe éclairée n ’est point
la dupe des jongleries des prêtres. Telmoudi et Anas-
sami m’ont assuré que les métamorphoses de Wihs-
nou et de Shiva sont des allégories étrangères à la
morale du W eidam, mais que les bramines exploitent
avec soin ces fables à leur profit. Ces deux Indiens
niaient positivement que leurs lois obligeassent les
veuves à se brûler sur les bûchers de leurs époux,
ni que ces lois leur imposassent divers actes de fanatisme
exagérés par les Européens; ils conviennent
du reste que l’influence des prêtres sur la multitude
est funeste, et qu’à ce motif seulement on doit attribuer
certaines coutumes qui nous paraissent en opposition
manifeste avec la raison et l’humanité. J ’aimais
à voir ces hommes nés sous le ciel de l’Inde faire preuve
de tant de sagacité sur toutes ces matières. J ’en ai
conclu que Tespèce humaine n ’est pas encore aussi
dégradée queje l’avais pensé dans celte terre classique
de la servitude, et qu’un jo u r les progrès de la civilisation
pourront les arracher au joug des honteuses
superstitions dont ils sont les dupes et les esclaves.
Sur les cinq heures du soir, je quittai Bon-Espoir,
et la carriole légère de M. Telfair m’eut bientôt r a mené
le long de F Astrolabe.
D E L ’A S T R O L A B E . 509
Les calfats en travaillant à l’extérieur de la corvette
ont découvert qu’un des bordages de la préceinte
était entièrement pourri; il a fallu le délivrer
pour le remplacer.
Goux et Vignau ont encore été à l’hôpital pour
cause de dyssenterie. J ’éprouve moi-même les atteintes
de cette cruelle maladie, et je suis obligé de
me soumettre à de grands ménagemens.
Le soir, je suis allé jusqu’au fond du quartier Malabar
rendre visite à M. Lislet Geoffroy, connu par
des travaux géographiques et géodésiques fort estimables.
Ce brave homme a paru très-sensible à ma
démarche, mais je l’ai trouvé bien abattu et bien cassé
depuis le temps oû je l’avais vu, en 1824.
Le matelot Jean-Jacques est encore parti pour
l’hôpital comme dyssentérique. Les nouvelles que je
reçois de ceux qui y sont depuis le commencement
ne sont pas d’une nature bien satisfaisante. Quelques-
uns de ces hommes sont dans la situation la plus pitoyable
; en général aucun d’eux n ’est sensiblement
mieux qu’à l’époque de notre arrivée.
J ’ai dîné chez M. Telfair, oû je me suis trouvé avec
plusieurs personnes de ma connaissance; j ’ai été particulièrement
bien aise d ’y revoir M. Bennett, inspecteur
des missions, que j ’avais beaucoup connu à
Taïti en 1823. Il venait de perdre son compagnon
Tyermann à Madagascar; il m’a longuement entretenu
de ses voyages et de ses projets de publication.
Il avait contracté un air si singulier et, pour m’exprimer
à l’anglaise, tellement excentrique, qu’il faisait