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 janvuT.  ^  croissent plus grandes et solitaires. Nul doute 
 que  les  vents  fougueux  qui  régnent  habituellement  
 su r  la  cime  de  ce  mont  ne  forcent  ces  végétaux  à  
 affecter ces  formes exiguës et rabougries. Déjà,'quelques  
 années  auparavant,  j’avais  observé un fait  semblable  
 sur  le  sommet  du  mont  Chastellux  aux îles  
 Malouines. 
 Du  re ste ,  je   recueillis  plusieurs  espèces  qui  me  
 parurent  tout-à-fait  particulières  à  cette  sta tion,  et  
 dont quelques-unes m’ont paru encore inconnues. 
 L’horizon était assez dégagé, et nous jouîmes  d’une  
 admirable vue.  On  suit  avec  plaisir  le  cours  majestueux  
 du  Derwent jusqu’au-delà  d’Elisabeth-Town ;  
 le  long canal  de  d’Entrecasteaux  et  la  vaste baie  des  
 Tempêtes  se  développent  dans  toute  leur  é ten d u e,  
 avec  leurs  criques,  leurs  détroits,  leurs îles  et  leurs  
 nombreux  promontoires.  De  ce côté,  la vue s’arrête  
 su r la  surface uniforme des flots  antarctiques,  tandis  
 que,  du  côté  opposé,  elle  s’égare  sur  cette  immense  
 série  de  plaines,  de montagnes,  de savanes et  de  forêts  
 qui occupent l’intérieur de  la Tasmanie. 
 J ’admirai long-temps ce magnifique tableau, encore  
 b ru t, encore tel que la nature le présenta pour la première  
 fois aux compagnons de d ’Entrecasteaux.  Pourtant  
 ces contrées étaient habitées par l’espèce humaine  
 depuis  nombre  de  siècles,  et ses générations  successives  
 avaient paru et disparu sur ce sol,  sans y laisser  
 la moindre  trace de leur passage.  Sous ce ra p p o rt,  je  
 songeais  combien l’homme,  à  l’état  de  nature ,  était 
 voisin de l’animaliréduit  à  son  unique  instinct.  A  cet  
 é ta t,  sa destinée n’est-elle pas même inférieure à celle  
 d’une  foule  d’animaux  puissans,  comme  lui jetés  au  
 hasard  sur  la  surface  du  globe,  mais  pourvus  du  
 moins de moyens plus sûrs  de suffire à leurs  appétits  
 et à  leurs  passions.  Le  lion,  le  tigre,  l’éléphant,  le  
 rhinocéros,  etc.,  fiers  et paisibles babitans  des forêts  
 ou  des  déserts  de l’Asie et  de l’Afrique,  n’ont-ils  pas  
 une existence plus douce et plus heureuse que le cbétil  
 Australien, le misérable Pécherais ou l’ignoble Paria,  
 également soumis à la condition la plus précaire ou  la  
 plus dégradée ? 
 Un  coup  de  pierrier,  tiré  sous  mes  pieds,  donna  
 une  nouvelle  direction  à  mes  idées,  .le fixai quelque  
 temps mes  regards  sur les  édifices ,  les jardins  et  les  
 navires  de  Hobart-Town,  sur  la  cité  naissante  de  
 New-Town,  et  sur  quelques  métairies  disséminées  
 çà et là autour de  ces  deux places. 
 Yringt-quatre ans seulement s’étaient écoulés depuis  
 que les Anglais  s’étaient établis dans ces lieux ;  déjà la  
 civilisation européenne, avec ses arts et son industrie,  
 avaitimprimé son cachet sur cette extrémité du monde,  
 naguère sauvage et presque inconnue.  Dans un siècle,  
 la main  de l’homme aura tellement modifié  sa surface  
 entière,  que  le  voyageur,  transporté à Vafi-Diemen,  
 se croira dans quelque coin de l’Écosse ou de l’Irlande.  
 11  est certain  que sous  le  rapport des a rts,  du  luxe et  
 des  commodités  de  la  v ie ,  Hobart-Town  offre  déjà  
 beaucoup  plus  de  ressources  que  plusieurs  de  nos  
 cbcfs-lieux  de  départemcns.  Admirables  fruils  du 
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 18 2S. 
 Janvior.