182s. touffes compactes de plantes naines q u i, dans la
janvuT. ^ croissent plus grandes et solitaires. Nul doute
que les vents fougueux qui régnent habituellement
su r la cime de ce mont ne forcent ces végétaux à
affecter ces formes exiguës et rabougries. Déjà,'quelques
années auparavant, j’avais observé un fait semblable
sur le sommet du mont Chastellux aux îles
Malouines.
Du re ste , je recueillis plusieurs espèces qui me
parurent tout-à-fait particulières à cette sta tion, et
dont quelques-unes m’ont paru encore inconnues.
L’horizon était assez dégagé, et nous jouîmes d’une
admirable vue. On suit avec plaisir le cours majestueux
du Derwent jusqu’au-delà d’Elisabeth-Town ;
le long canal de d’Entrecasteaux et la vaste baie des
Tempêtes se développent dans toute leur é ten d u e,
avec leurs criques, leurs détroits, leurs îles et leurs
nombreux promontoires. De ce côté, la vue s’arrête
su r la surface uniforme des flots antarctiques, tandis
que, du côté opposé, elle s’égare sur cette immense
série de plaines, de montagnes, de savanes et de forêts
qui occupent l’intérieur de la Tasmanie.
J ’admirai long-temps ce magnifique tableau, encore
b ru t, encore tel que la nature le présenta pour la première
fois aux compagnons de d ’Entrecasteaux. Pourtant
ces contrées étaient habitées par l’espèce humaine
depuis nombre de siècles, et ses générations successives
avaient paru et disparu sur ce sol, sans y laisser
la moindre trace de leur passage. Sous ce ra p p o rt, je
songeais combien l’homme, à l’état de nature , était
voisin de l’animaliréduit à son unique instinct. A cet
é ta t, sa destinée n’est-elle pas même inférieure à celle
d’une foule d’animaux puissans, comme lui jetés au
hasard sur la surface du globe, mais pourvus du
moins de moyens plus sûrs de suffire à leurs appétits
et à leurs passions. Le lion, le tigre, l’éléphant, le
rhinocéros, etc., fiers et paisibles babitans des forêts
ou des déserts de l’Asie et de l’Afrique, n’ont-ils pas
une existence plus douce et plus heureuse que le cbétil
Australien, le misérable Pécherais ou l’ignoble Paria,
également soumis à la condition la plus précaire ou la
plus dégradée ?
Un coup de pierrier, tiré sous mes pieds, donna
une nouvelle direction à mes idées, .le fixai quelque
temps mes regards sur les édifices , les jardins et les
navires de Hobart-Town, sur la cité naissante de
New-Town, et sur quelques métairies disséminées
çà et là autour de ces deux places.
Yringt-quatre ans seulement s’étaient écoulés depuis
que les Anglais s’étaient établis dans ces lieux ; déjà la
civilisation européenne, avec ses arts et son industrie,
avaitimprimé son cachet sur cette extrémité du monde,
naguère sauvage et presque inconnue. Dans un siècle,
la main de l’homme aura tellement modifié sa surface
entière, que le voyageur, transporté à Vafi-Diemen,
se croira dans quelque coin de l’Écosse ou de l’Irlande.
11 est certain que sous le rapport des a rts, du luxe et
des commodités de la v ie , Hobart-Town offre déjà
beaucoup plus de ressources que plusieurs de nos
cbcfs-lieux de départemcns. Admirables fruils du
TO.ME V . 3
18 2S.
Janvior.