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d’estime pour des vertus que j ’avais eu le bonheur d’admirer
de bien près.
Tous ceux d’entre nous que le service du bord ne réclamait
pas absolument reçurent la permission de s’établir en v ille ,
et la plupart en profitèrent. Hobart-Town renferme plusieurs
hôtelleries tenues avec décence , et où la dépense n’est pas
aussi forte qu’on pourrait s’y attendre dans une colonie
presque naissante. Je transportai, ainsi que plusieurs de nos
Messieurs , mon quartier-général à Ship -In n , hôtel assez
modeste, où les soins des hôtes venaient sans cesse au-devant
de nos désirs. Ce séjour à terre me permit de me livrer entièrement
à mes occupations; aussi mes excursions pittoresques
furent-elles fréquentes dans un rayon de quatre à cinq
milles aux environs de la ville. A une si petite distance, je
retrouvais rarement la nature dans son abandon pr imitif; la
main de l’homme avait presque partout ouvert des routes,
planté des moissons, élévé d’élégantes habitations, et le moindre
courant d’eau était mis à profit pour faire tourner les moulins
qui triturent le blé ou qui débitent en planches légères les
beaux madriers d’eucalyptus.
Curieux de visiter la ville à peine fondée à’Elisabelh-Tmun,
située à vingt-deux milles d’Hobart-Town , sur les bords du
Derwent, nous partîmes un jour de grand matin. Un tilbury
et deux bons chevaux de selle servaient à transporter le docteur
Gaimard, G u ilb e r t, Dudemaine et moi. Nous avançâmes
d’abord rapidement sur une route parfaitement entretenue,
unie comme l ’allée d’un jardin , et bordée tantôt de cultures
et de jolies fermes, tantôt de forêts où la cognée et le feu
avaient déjà pratiqué de vastes clairières.
A dix milles environ , nous trouvâmes une auberge où nos
montures prirent quelque repos. Ce point une fois dépassé ,
nous côtoyâmes long-temps le fleuve, dont la vaste et paisible
nappe coulait à notre droite , tandis qu’à gauche nous étions
ombragés par des bois jusqu’alors respectés par les défricbe-
inens. Ils servaient de retraite à des milliers d’oiseaux dont
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les cris variés animaient ces solitudes. Après qtielques heures
de chemin a travers des sites toujours maje.stueux et sauvages,
les champs bien cultivés, une église, quelques maisons plantées
cà et là à de grandes distances, nous annoncèrent que nous
foulions le sol que la ville d’Elisabeth-Town doit couvrir un
jour de ses édifices. Nous dirigeâmes notre course vers une
maison de briques brillante de propreté, qui s’élevait au milieu
des arbres et des barrières blanches; là une enseigne nous
apprit que nous arrivions au logis de mistress Brid g e r, qui
tenait l ’hôtel le plus fasbionable de cette ville , qui n’a
pas encore de rues. Nous fûmes reçus avec un empressement
tout aimable, et pendant qu’ en compagnie des demoiselles
Bridger, nous admirions la maison , les jardins qui descendent
jusqu’au fleuve, et les sites ravissans des environs , la bonne
hôtesse s occupait de nous préparer un repas qui devait dignement
couronner notre intéressante excursion.
En effet, lorsqu’une table où la propreté du service allait
jusqu’au luxe nous réunit tous les quatre, nous fûmes véritablement
étonnés que dans un tel lieu et en si peu de temps,
on pût improviser un pareil festin. Nous fîmes honneur surtout
à une profusion de légumes dont l ’excellent goût et le
développement extraordinaire attestaient la fécondité du sol
vierge qui les avait produits. Le soir approchait quand nous
remontâmes à cheval. A u moment de partir , le docteur Ga imard,
qui se sentait fatigué, manifestait un v if désir de passer
la nuit à Elisabeih-Town; nous le sollicitâmes tous de rentrer
avec nous en ville, où nous voulions retourner le soir pour
ne pas inquiéter les propriétaires de nos montures. Le docteur
céda à nos a vis, et malheureusement il eut à s’en repentir.
La fatigue qu’il éprouva durant la course de vingt-deux milles
qui nous restait à faire détermina une maladie inflammatoire.
Pendant le reste de notre séjour, M. Gaimard souffrit
de vives douleurs , que l’assistance de toute la faculté coloniale
parvint à peine à calmer.
Je visitai aussi avec intérêt New-Town, canton voisin d’Ho