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 m’avaient demandé passage sur la corvette. De ce moment  
 , j ’aurais bien voulu poursuivre sur-le-champ ma  
 route sur Vanikoro, mais il restait à bord près de vingt-  
 cinq naturels que je ne me souciais point du tout d’emmener  
 avec moi,  et  les  pirogues  n ’étaient  point  revenues. 
   Tout en pestant,  il fallut attendre jusqu’à deux  
 heures et demie. Encore n’arriva-t-il que cinq pirogues,  
 et  chacune  d’elles  ne  pouvait  recevoir  que  trois  ou  
 quatre hommes en sus de ceux qui la montaient. Aussi,  
 quand elles furent toutes parties, il resta encore cinq naturels  
 appartenant sans doute à la classe la plus obscure  
 et aux derniers rangs  de la société ; car,  malgré leurs  
 prières el leurs supplications, personne ne voulut s’en  
 charger.  Aucune  pirogue  n’était  en vue  et le courant  
 nous avait déjà entraînés de huit milles sous le vent de  
 l’île.  Bon  gré mal  gré,  il  fallut  me  décider  à  faire  
 voile,  emmenant ces  hommes  avec moi. 
 Ces  pauvres malheureux  voulaient  d’abord se jeter  
 à la mer pour rejoindre leur île, et ils demandaient quelques  
 morceaux de bols,  faisant signe que cela leur suffirait  
 pour  se soutenir sur  l’eau. Mais  il y aurait eu de  
 la  cruauté  de  ma  part  à  céder  à  leurs  désirs ;  la  distance  
 à laquelle  nous  étions  déjà de Tikopia,  surtout  
 la  force des vagues',  ne leur aurait jamais permis d’atteindre  
 la terre, et ils auraient infailliblement péri à la  
 suite d’une  lutte longue et pénible.  Je chargeai Ham-  
 bilton de leur expliquer queje consentais à me charger  
 d’eux et queje les  nourrirais jusqu’à Vanikoro ,  où ils  
 pourraient débarquer et se procurer les moyens de revenir  
 chez eux, puisqu’il  existait des  communications 
 assez  régulières  entre  les  deux  peuples.  Cette assurance  
 bannit leur inquiétude,  leur gaieté ne tarda pas  
 à rena ître, et ils me contèrent que deux de leurs compatriotes  
 étant établis à Vanikoro, ils auraient recours  
 à leur  assistance et pourraient m’être fort  utiles. 
 Nous  n’avons  pu  faire  route  qu’avec  une  extrême  
 lenteur dans FO. N. O.  C’était la  direclion précise où  
 les  naturels  m’avaient  indiqué  Vanikoro.  Jusqu’à  la  
 n u it, Tikopia se montrait derrière n o u s, sous la forme  
 d’un  petit  piton,  et  me  rappelait  tout-à-fait  l’aspect  
 de Ténédos dans l’Archipel grec. 
 Dans  la soirée,  nous  avons  reçu quelques  ondées.  
 Puis  nous  avons  eu  une petite  brise  d ’E. N.  E.  qui  
 nous a permis de poursuivre notre route toute la nuit. 
 Malgré toutes  les  questions  que  j ’ai  adressées aux  
 naturels  de Tikopia,  il  est  singulier  que  je  n ’aie  pu  
 m’assurer  si  Vanikoro  est composé  d’une  ou de plusieurs  
 îles.  Ce qu’il  y  a  de  plus  vraisemblable,  c’est  
 qu’il n ’y a qu’une seule île dont Païou,  Vaoou et Ocili  
 seraient seulement divers  districts.  Du reste,  demain  
 ou  après-demain  nous  serons  fixés  à  cet  égard.  Le  
 lascar  Joe  assure  que  les  babitans de Vanikoro  ont  
 beaucoup de cochons et de  volailles  qu’ils nous  cède- •  
 ront  volontiers pour des  haches  et  des  colliers.  Cet  
 espoir nous  sourit agréablement après  la longue  diète  
 que nous  venons  de subir.  Les babitans  de  Vanikoro  
 connaissent parfaitement Sanla-Cruz  qu’ils désignent  
 sous le nom de Nitendi ou Indenhi. 
 Nos  Tikopiens  ont  couché  dans  le  grand  canot.  
 Toute la nuit ils  n ’ont cessé d’indiquer  exactement le 
 1S28 
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