122 VOYAGE DE L’ASTROLABE. 123
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m’avaient demandé passage sur la corvette. De ce moment
, j ’aurais bien voulu poursuivre sur-le-champ ma
route sur Vanikoro, mais il restait à bord près de vingt-
cinq naturels que je ne me souciais point du tout d’emmener
avec moi, et les pirogues n ’étaient point revenues.
Tout en pestant, il fallut attendre jusqu’à deux
heures et demie. Encore n’arriva-t-il que cinq pirogues,
et chacune d’elles ne pouvait recevoir que trois ou
quatre hommes en sus de ceux qui la montaient. Aussi,
quand elles furent toutes parties, il resta encore cinq naturels
appartenant sans doute à la classe la plus obscure
et aux derniers rangs de la société ; car, malgré leurs
prières el leurs supplications, personne ne voulut s’en
charger. Aucune pirogue n’était en vue et le courant
nous avait déjà entraînés de huit milles sous le vent de
l’île. Bon gré mal gré, il fallut me décider à faire
voile, emmenant ces hommes avec moi.
Ces pauvres malheureux voulaient d’abord se jeter
à la mer pour rejoindre leur île, et ils demandaient quelques
morceaux de bols, faisant signe que cela leur suffirait
pour se soutenir sur l’eau. Mais il y aurait eu de
la cruauté de ma part à céder à leurs désirs ; la distance
à laquelle nous étions déjà de Tikopia, surtout
la force des vagues', ne leur aurait jamais permis d’atteindre
la terre, et ils auraient infailliblement péri à la
suite d’une lutte longue et pénible. Je chargeai Ham-
bilton de leur expliquer queje consentais à me charger
d’eux et queje les nourrirais jusqu’à Vanikoro , où ils
pourraient débarquer et se procurer les moyens de revenir
chez eux, puisqu’il existait des communications
assez régulières entre les deux peuples. Cette assurance
bannit leur inquiétude, leur gaieté ne tarda pas
à rena ître, et ils me contèrent que deux de leurs compatriotes
étant établis à Vanikoro, ils auraient recours
à leur assistance et pourraient m’être fort utiles.
Nous n’avons pu faire route qu’avec une extrême
lenteur dans FO. N. O. C’était la direclion précise où
les naturels m’avaient indiqué Vanikoro. Jusqu’à la
n u it, Tikopia se montrait derrière n o u s, sous la forme
d’un petit piton, et me rappelait tout-à-fait l’aspect
de Ténédos dans l’Archipel grec.
Dans la soirée, nous avons reçu quelques ondées.
Puis nous avons eu une petite brise d ’E. N. E. qui
nous a permis de poursuivre notre route toute la nuit.
Malgré toutes les questions que j ’ai adressées aux
naturels de Tikopia, il est singulier que je n ’aie pu
m’assurer si Vanikoro est composé d’une ou de plusieurs
îles. Ce qu’il y a de plus vraisemblable, c’est
qu’il n ’y a qu’une seule île dont Païou, Vaoou et Ocili
seraient seulement divers districts. Du reste, demain
ou après-demain nous serons fixés à cet égard. Le
lascar Joe assure que les babitans de Vanikoro ont
beaucoup de cochons et de volailles qu’ils nous cède- •
ront volontiers pour des haches et des colliers. Cet
espoir nous sourit agréablement après la longue diète
que nous venons de subir. Les babitans de Vanikoro
connaissent parfaitement Sanla-Cruz qu’ils désignent
sous le nom de Nitendi ou Indenhi.
Nos Tikopiens ont couché dans le grand canot.
Toute la nuit ils n ’ont cessé d’indiquer exactement le
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