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 M a i. 
 VOYAGE 
 M.  Quoy  l’a  accompagné.  J e  me  trouvais  beaucoup  
 mieux  depuis  quelques  jo u rs ,  et  mes  forces  reprenaient  
 à  vue  d’oeil.  Mais  aujourd’hui j ’ai  été  assailli  
 par des maux d’entrailles assez violens. 
 Blalgré  mon  mal,  je  suis  descendu  pour  prendre  
 mon  b a in ,  et je  me  suis  arrêté  à  converser  quelque  
 temps  avec  un  sergente de  la milicia qui m’a  beaucoup  
 amusé  par  son  orgueil  castillan  et  par  le profond  
 mépris  qu’il  affectait  pour  la  population  des  
 Mariannes. 
 Cet homme,  qui se disait ancien militaire de l’armée  
 de Lacerna au  P é ro u ,  avait quitté cette contrée après  
 la  défaite de  Cantarada et s’était réfugié  aux Mariann 
 es,  où  il  avait épousé  la  fdle  de  l’alcade  de Tinian,  
 petite femme fort éveillée et assez fraîche, qu’il avait en  
 ce moment avec lui. La force armée des Mariannes se  
 compose  de  cent  soixante  hommes,  divisés  en  trois  
 compagnies,  dont  voici la  composition ;  un sergente  
 mayor,  qui est don  Luis  de  T o rrè s ,  bien  connu  par  
 les récits de Kotzebue,  Chamisso  et  Freycinet,  trois  
 capitaines,  trois  lieutenans,  trois  a lfe r e z ,  neuf ser-  
 gens ,  trois cahos,  et le reste simples soldats. 
 La paie de sergent est de six pe^zos ou piastres par  
 mois ,  de l’alferez h u it,  du lieutenant d ix , et du capitaine  
 douze. 31ais jamais officiers ni soldats ne touchent  
 d’argent,  et  leurs  appointemens  leur  sont  soldés  en  
 objets divers que le gouverneur leur  fait débiter à des  
 prix triples et quadruples de ceux de Manille, et dont  
 il  retire  la  valeur immédiatement,  ce qui  lui procure  
 d’immenses profits. 
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 L ’alcade d’Agat est lieutenant.  Flores n’est  que sergente  
 secundo de la tercera ; il aspire à être fait officier  
 à  la  fête  prochaine  du R o i,  comme  Anderson  l’a  été  
 ces jours derniers.  C’est  une haute marque défaveur,  
 et il compte que ma recommandation lui sera fort utile  
 pour  cette  promotion.  Dans  les  Mariannes,  il  n’y  a  
 que  trois  alcades  en  titre ,  ceux  d 'A g a t,  d’ümata  et  
 de  Rota;  celui  de  Tinian  n’est  qu’honoraire.  La paie  
 des alcades est de douze piastres par mois, comme celle  
 des  capitaines ;  mais  les produits  détournés  de  leurs  
 places sont  bien  plus  considérables ,  ce qui rend  ces  
 fonctions dignes  d’être enviées. 
 Mon  interlocuteur se glorifiait à chaque instant d’être  
 avec  le gouverneur  le  seul  véritable  Espagnol  de  
 l’d e ,  traitant  avec un  dédain comique tout le reste de  
 Chamorro,  comme  si  ce  terme  eût  exfirimé  un  vil  
 animal, un être tout-à-fait abject. 
 Il est remarquable en effet que presque tous les habitans  
 des villages ont conservé la langue Chamorro,  
 bien qu’il  y  ait  plus  ou moins de  sang  espagnol mêlé  
 avec  celui de  cette  race.  Autant  que j’ai pu  en juger,  
 cette  langue  m’a paru  avoir une assez  grande  affinité  
 avec  le malais;  mais  on  sent  que je  n’ai  pu  songer à  
 m’en occuper,  après  l’immense travail  que  M.  Freycinet  
 doit  avoir  exécuté  avec  ses  compagnons sur ce  
 chapitre. 
 Quatre ou  cinq hommes sont revenus de l’hôpital à  
 boi’d  de la corvette. 
 Je m’étais  couché  fort mal à mon  aise,  et je m’étais  
 néanmoins endormi;  mais,  à  minuit et  demi,  j’ai  été 
 1828. 
 M a i. 
 I'  j