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 J u in . 
 pendant,  à  huit  heures,  l’ayant  reconnue  dans  une  
 courte  éclaircie,  je  laissai  porter  dessus  jusqu’à dix  
 h eu re s,  où  le  mauvais  temps m’a  forcé  de  remettre  
 en  travers.  Enfin,  vers  onze  heures,  j’ai  fait  servir  
 de  nouveau,  e t ,  de  deux  heures  à  quatre  après  
 midi,  nous  prolongions  la  partie méridionale  d’aussi  
 près  que  le  récif  pouvait  nous  le  permettre :  car  de  
 ce côté  il  s’étend  jusqu’à deux milles  au la rg e ,  mais  
 plus  au  nord  il  ne  s’écarte  guère  qu’à un mille de  la  
 côte. 
 Lorsque j ’eus  doublé  la  pointe méridionale, je serrai  
 tout-à-coup le vent tribord pour reconnaître la côte  
 de l’ouest,  et,  à  quatre  heures,  je mis en panne pour  
 faire une  seconde station, la première  ayant eu lieu à  
 deux heures. Quatre pirogues,  qui depuis long-temps  
 se  dirigeaient  vers  n ous,  profitèrent  de  ce  moment  
 pour  nous  rejoindre.  Trois  d’entre  elles  ne  contenaient  
 que trois  ou  quatre hommes  chacune ; mais  la  
 quatrième,  beaucoup  plus  g ran d e ,  en  portait  neuf.  
 Tous ces sauvages montèrent à bord sans aucune  difficulté, 
  et ne parurent nullement surpris de nous voir ;  
 ces  hommes  avaient la  figure ouverte,  la gaieté,  et  la  
 plupart  des  manières  des  autres  Carolins ;  par  les  
 haillons  que  plusieurs  d ’entre  eux portaient,  il était  
 facile  de juger qu’ils  avaient  eu  de  fréquentes  relations  
 avec  les  Européens.  En  effet,  l’un  d’eux,  qui  
 parlait un  peu  espagnol, me  cita  les  noms  de  six  ou  
 huit navires  qui  avaient paru près  de son île,  et m’indiqua  
 un mouillage  dans  un  enfoncement  sur  la côte  
 de l’est.  Cet homme me dit  qu’il  avait été à Couaham 
 dans  un  de  leurs grands  pros.  Il n’avait aucune connaissance  
 des  îles  Elivi;  mais  il  m’a  parlé  des  îles  
 Hogoi,  situées  dans  l’E. S.  E .,  et  qui  sont,  dit-il,  au  
 nombre  de  quatre.  Il  m’a  fort  bien  indiqué  les  îles  
 Palaos et Matelotas dans leurs directions respectives,  
 mais il m’a dit que les dernières se nommaient Gouloii  
 dans  sa langue,  et que sa  propre île s’appelait Gouap.  
 Je  serais  disposé  à  croire  que  go  n’est  qu’une particule  
 qui signifie c’est ou l’article  le,  la,  comme  le  ko  
 des  Nouveaux-Zélandais  et  l’O  des  Taïtiens.  Ainsi,  
 les  vrais  noms  de  ces  îles  seraient  Oulou  et  Ouap,  
 d’autant  plus  qu’à  Elivi  les  sauvages  prononçaient  
 évidemment  Yap.  Toutefois,  jusqu’à  plus  ample  informé, 
   nous adopterons les désignations  de Couap  el  
 de  Coulou. 
 Ces  naturels  sont assez  bien faits,  à peine tatoués;  
 leur teint est fort clair,  el  plusieurs  d’entre  eux  portent  
 des  chapeaux  pointus comme les Chinois.  Leurs  
 pirogues sont absolument semblables  à  celles des Carolins, 
   à cela près  que les deux extrémités se relèvent  
 beaucoup  plus,  à  l’instar  des  gondoles  de  Constan-  
 tinople.  Ils  n’avaient  apporté  à  vendre,  ni  fruits,  ni  
 provisions,  ni même aucun objet  de leur industrie. 
 Cependant  leur  île  offre  l’aspect  le  plus riant et le  
 plus  fertile,  surtout dans  toute sa partie méridionale  
 qui est basse et presque entièrement couverte  de  superbes  
 cocotiers.  De distance en distance,  on  remarque  
 sur  le rivage de  très-grandes  maisons  avec d’immenses  
 toits,  dans  le  genre  des  cases  d’ü alan.  La  
 partie du nord est plus élevée, bien que les plus hautes 
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 Juin.