avoir vu passer plusieurs cadets devant lui, sans autres
litres que la faveur des hommes du jour. Pas
une décoration n ’a été accordée aux hommes pour qui
j ’en sollicitais.... A mon to u r, je liens ma parole, car
mon honneur y est intéressé, et je dévoile au public
les raisons qui ont empêché mes compagnons de recevoir
les récompenses qu’ils avaient le droit d’attendre.
Ils sentiront que les torts ne sont pas de mon côté,
mais ils ne comprendront jamais combien mon coeur
a été navré de ne pouvoir leur faire rendre justice.
C’était l’unique voie que l’autorité pouvait employer
pour me punir de mes opinions. On ne Ta pas négligée.
Au moins les esprits d’une trempe élevée et généreuse
apprécieront ma position et me sauront gré
des efforts que j’ai tentés.
Je sais que des objections d’une nature grave et
peu favorable ont cours au ministère de la marine
contre les voyages de découvertes. Elles ont été plus
d’une fois employées pour atténuer le mérite des travaux
de l’Astrolabe et ravir aux officiers qui m’ont
accompagné les récompenses qui leur étaient dues.
Les hommes spéciaux du métier, c’est-à-dire les esprits
exclusifs , incapables de vues larges et généreuses,
se plaisent à répéter que ces campagnes sont parfaitement
inutiles à la marine, que les bâtimens de
guerre, comme ceux du commerce, n’en peuvent re tirer
aucun profit, qu’elles occasionent des dépenses
énormes, qu’en conséquence il serait déplacé de les
favoriser.
Certes, de pareils griefs énoncés avec la confiance
et l’autorité que donnent une réputation acquise et une
haute position dans le corps de la marine, ne peuvent
manquer de produire,dans cette arme, des préventions
défavorables contre les voyages scientifiques. Tous les
individus qui se contentent déjuger sur la parole des
a u tre s , et celle classe est encore plus nombreuse dans
la marine que partout ailleurs, répètent aveuglément
que ces voyages sont inutiles; et leur condamnation
se trouve ainsi prononcée. Mais c’est un jugement dont
il est permis d’appeler au tribunal de la vérité comme
à celui de l’honneur national : c’est pour moi une affaire
d’honneur aussi bien que de conviction. Je vais
donc reprendre une à une les accusations portées contre
les voyages de découvertes, examiner leur valeur,
et, malgré mon insuffisance, je me flatte de pouvoir
les réfuter complètement aux yeux des hommes de
bonne foi.
Admettons d ’abord que ces voyages soient effectivement
inutiles à la marine, c’est-à-dire que nos navires
de guerre ou de commerce n’en puissent jamais
retirer aucun profit matériel. Serait-ce une raison poulies
proscrire? L’honneur que de pareilles entreprises
font rejaillir sur des nations entières, le rang qu’elles
prennent dans les annales des sciences et de la navigation,
et les matériaux qu’elles rapportent pour toutes
les branches des sciences, ne seraient-ils pas des motifs
suffisans, auprès des gouvernemens éclairés, pour
les ordonner et les encourager par tous les moyens
possibles ? Certes, l’astronomie, la poésie, la littératu
re, la musique, la peinture, et plusieurs branches