ce que l’on est convenu d’appeler le premier corps
savant de la France. M. de Rossel, Tunique véritable
appréciateur des travaux de l’Astro la b e, vint à mourir.
Sollicité par plusieurs membres de l’Académie
des Sciences, je me mis sur les rangs pour lui succéder
; je fis les humiliantes visites de rigueur en pareille
circonstance , et Ton me crut long-temps assuré d’une
forte majorité. Mais une coterie puissante me suscita
tout-à-coup un concurrent sur lequel je ne comptais
pas , et fit si bien qu’il fut élu à une majorité immense.
Sur la liste des candidats, je ne fus même
porté qu’au septième rang. J ’aurais, il est vrai,
dû me féliciter de ce qu’on avait trouvé six personnes
plus dignes que moi d’occuper ce fauteuil ; mais je ne
vis dans cette disposition qu’un parti bien pris de
m’en éloigner à jamais.
En conséquence, je dus me condamner à Tobscu-
rité la plus complète, et ne songer absolument qu’à
ma publication. Pour le cas où j ’aurais été admis à
l’Académie, j ’avais conçu de grands projets ; j ’avais
formé le dessein de ressusciter par l’activité dont je
me sentais dévoré, la section de l’Institut consacrée à
la navigation et à la géographie , section si complètement
nulle depuis long-temps , et susceptible, à
mon av is, de tant d’éclat et d ’utilité. La place à
TAcadémie entraînait par suite la place au Bureau des
longitudes, occupée par le vieux vice-amiral Rosily,
mais qui ne pouvait tarder à devenir vacante. Ces
deux places, jointes à ma retraite, auraient pu me
former une existence modeste, dont j’aurais su me
contenter, et tous mes momens auraient pu être consacrés
sans distraction aux progrès de la navigation
et de la géographie. En e ffe t, M. de Rosily est décédé
précisément trois ans après cette époque. Il est
inutile de dire que mon heureux rival a encore obtenu
d’emblée cette sinécure, et même sans concurrens
avoués, au moment même où il exerçait hors du
royaume une fonction qui rapporte plus de 100,000 fr.
par an. Ce cumul de sinécures peut-il être utile aux
sciences et au bien public?...
P a r leur n a tu re , les travaux de l’Astrolabe ne
pouvaient être vraiment appréciés à toute leur valeur
que par un bien petit nombre de personnes en Europe
, e t , par une fatalité singulière , nul dans Tlnsti-
tu t n’était en étal de les juger depuis la mort de M. de
Rossel. Je dus donc me soumettre aux conséquences
de celle falalilé; je dus renoncer pour toujours aux
modestes indemnités sur lesquelles j ’avais compté
pour mes vieux jours , et me consoler de mon mieux
en songeant qu’un jour du moins la postérité , réformant
le jugement de TAcadémie , rendrait enfin ju stice
à mes efforts. Pour cela, il lui suffira, je Tespère,
d’examiner avec quelque attention le sillon laborieux
qu’a tracé VAstrolabe sur la surface de TOcéanie.
Un nouvel événement, bien autrement important
dans son principe que Tintrigue académique dont je
viens de p a rle r, vint encore m’arracher à mes travaux.
Charles X , abusé par des conseils perfides,
tenta d’éluder ses engagemens envers son peuple ;
une réaction presque aussi prompte que la foudre eut
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