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 iSiS. 
 Octobre. 
 cent  lieues  soient  les  distances  les  plus  convenables  
 pour  que  le  phénomène  ail  tout  son  effet. 
 L ’image  des  navires  se  reflète  dans  le  firmament  
 sous  la  forme d’un nuage  brun,  mince,  délié  aux extrémités, 
   et  dirigé  parallèlement  à  l’horizon.  Il  occupe  
 un,  deux,  trois  degrés,  et souvent plus,  d’étendue, 
   suivant  que  le  navire  est  plus ou moins  près, et  
 quelques  accidens  de  configuration  servent  à  reconnaître  
 la  nature,  la  voilure  et  la  route  du  navire.  A  
 quarante-cinq  degrés  l’image  est  la  plus  nette  possib 
 le ,  et  elle  diminue  de  précision  à  mesure  qu’elle  
 s’abaisse  ou  qu’elle  s’élève ,  c’est-à-dire  à  mesure  
 que  l’objet  s’éloigne  ou  se  rapproche.  Une  fois  qu’il  
 est lui-même visible au-dessus de l’horizon, son image  
 disparaît  tout-à-fait.  A  force  de  stimuler  M.  Faillafé, 
  je parvins  à obtenir de lui qu’il me donnerait  un  
 échantillon  de  son  talent,  et  qu’il  me mettrait même  
 en état de  prédire aussi  l’approche des vaisseaux. 
 Ce  qu’il  y  a  de  bien  singulier,  c’est  que  cet  individu, 
   dont  la  prétendue  science  n’excite que  la risée  
 de  tous  les  étrangers,  jouit  à  Maurice  même  de  la  
 plus haute réputation de véracité,  et  que personne ne  
 conteste  sa  bonne  foi  et  la  réalité  de  ses  annonces.  
 Mais on  ne fait  qu’une  attention  fort  légère  à  son  talent  
 nauscopique,  comme si c’était la chose  du monde  
 la  plus  naturelle. 
 51.  Faillafé,  enseigne  de  vaisseau  dans  les  premières  
 années de la République, a conservé la queue,  
 le  costume  et  toute la  tournure  des  jours  de la Convention. 
   Le  général  De  Caen  lui  donna  la  place de 
 directeur  des  signaux,  qui  lui  a  valu  dix-huit  cents  
 francs de retraite du gouvernement français ;  il est en  
 oulre  aujourd’hui  inspecteur  du  canal  de  Bathurst,  
 ce  qui lui rapporte vingt-cinq piastres par mois.  C’est  
 avec  ce  modique  revenu  qu’il  élève  une  très-nombreuse  
 famille.  51. Faillafé  ne  se  nourrit  que  de  riz,  
 de brèdes, de  pain  et d'eau.  Il ne prend jamais de vin  
 ni  de  liqueurs  fortes;  et  il  m’a  constamment refusé,  
 toutes  les  fois  que  je  lui  ai  offert  de  partager mon  
 couvert  à  bord.  Il  assure  qu’il  n’a  rencontré  qu’un  
 très-petit nombre de véritables nauscopes,  car il  prétend  
 que  ce  privilège  n ’appartient  qu’à  quelques  individus  
 organisés  d’une  manière. particulière,  sans  
 toutefois qu’il  y rattache aucune idée mystique,  cabalistique  
 ou  surnaturelle.  Nous  nqus  sommes  quittés  
 les meilleurs amis du monde,  et il m'a promis de venir  
 quelquefois  me  prendre  à  bord  pour me  donner  des  
 leçons  de  son  art. 
 Comme je  dînais  aujourd’hui  avec  5IM. Jacquinot  
 el  Faraguet  chez  un  professeur  de  la  ville,  nommé  
 M. Singery,  j ’ai  parlé  du  talent  de  51.  Faillafé.  P e rsonne  
 n’a  paru  le  révoquer  en  doute;  une  dame  
 même, nommée madame Mace,  a  aperçu quelquefois  
 les  images  nauscopiques  de  cet  homme,  mais  elle  
 avoue  qu’elle  les  a  toujours  trouvées  confuses,  et  
 qu’elle ne  distinguait rien  de  clair là  où  il voyait  des  
 indications  très-positives. 
 J ’ai dîné chez 51. Adrien Depinay, avocat distingué  
 el  riche  habitant  de  la  colonie.  11 est curieux  de voir  
 ces  hommes,  nageant  dans  l’opulence,  et  affichant 
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