![](./pubData/source/images/pages/page81.jpg)
- '-sÎiÎ
i\
i8u8.
F év rie r.
ISO VOYAGE
pour travailler à lever le plan de la passe de l’est et de
la baie intérieure ; il a consacré une grande partie du
jour à ce travail.
Moi-même, à six heures et demie, je me suis embarqué
dans la baleinière avec MM. Gaimard, Guilbert
et Lauvergne, et me suis dirigé vers le village
de Tevai : mon intention était de rendre visite au chef
Nelo, de le questionner à loisir sur le naufrage, et de
lâcher de l’engager à nous fournir quelques cochons.
N ous avons eu beaucoup de peine à débarquer, car
le récif s’avance assez loin au la rg e , et il est parsemé
de trous assez profonds qui rendent l’accès du rivage
difficile et dangereux. Les naturels n’ont paru ni satisfaits
ni fâchés de nous voir, et cette indifférence
m’a frappé. Leur village se compose d’une trentaine
de cases groupées assez agréablement sous une touffe
de cocotiers et autres a rb re s , dans un petit vallon au
pied de la montagne; sa population peut s’élever à
deux cents personnes environ.
Le vieux Nelo m’a reçu dans sa cabane d’un air
assez b o u rru , et il a débuté par me demander des haches
, en ajoutant que Pita lui en avait donné beaucoup,
beaucoup. J e lui ai fait expliquer par Hambilton
que nous avions besoin de vivres fra is, que les haches
nous avaient été données par notre chef pour
nous en procurer, et que, si Nelo voulait envoyer à
bord des cochons et des poules, nous lui donnerions
beaucoup de haches. Alors Nelo a demandé trois haches
pour un petit cochon, et une hache pour un
petit poulet. Ce dernier marché ne pouvait pas me
DE L’ASTROLABE. ] à l
convenir, mais j’ai consenti au premier, et j’ai envoyé
prendre dans le canot trois haches. Nelo les a examinées
, puis il a rompu le marché sous prétexte
qu’une des haches n’était pas assez grosse. Voyant sa
mauvaise foi, j’ai voulu m’en aller ; mais il m’a fait
tant d’instances que j ’ai consenti à me rendre dans la
maison de VAtoua, où le marché, disait-il, allait se
conclure. Cette maison de l’Atoua était une case plus
grande et mieux construite que les autres, pourvue
dans tout son contour d’estrades de nattes en forme
de lits de camp pour s’asseoir ou dormir, et abondamment
pourvue d’armes , cordages et divers ustensiles.
Il m’a semblé que c’était à la fois une salle d’armes
et de conseil, plutôt qu’une espèce de temple,
puisque je n ’y ai remarqué rien qui parût avoir rapport
à un culte quelconque.
Quoi qu’il en so it, ce fut là que Nelo fit semblant de
vouloir négocier et d’envoyer chercher des cochons.
Mais aucun n’arrivait; et chaque fois que je faisais
mine de m’en aller, Nelo m’arrêtait avec humeur, et
les sauvages qui nous entouraient semblaient grommeler
entre leurs dents et n’attendre qu’un signal de
leur chef pour tomber sur nous. Je reconnus que
l’intention du brave Nelo était d’avoir des haches sans
donner de cochons : nous étions venus sans armes,
et il eiit été mal avisé de vouloir résister à ces sauvages
a lertes, résolus et bien armés. Il était évident
que je venais de me fourrer dans un guêpier, et, tout
en cédant, je ne songeai plus qu’à me ménager une
retraite honorable.
1828.
F év rie r.