VOYAGE
1827.
Février.
seul petit espace est dégagé d’arbres et occupé par des
plantations û^aram fort mal entretenues. Un grain de
pluie copieux a tombé pendant que j’étais à terre. La
chaloupe a fait une charge d’eau assez facilement, une
fois que le sentier de l’aiguade a été élargi et déblayé
des arbustes qui l’obstruaient.
Les sauvages ont quitté la corvette de bonne heure,
dans la matinée, et n ’ont plus reparu que dans la
soirée. Comme ces naturels sont en général peu agréables
, qu’ils n ’apportent rien de curieux ni de bon à
manger, et que leurs femmes, d’ailleurs assez hideuses,
ne paraissent nullement disposées à trafiquer
de leurs faveurs , il en résulte que nos matelots font
très-peu d’attention à eux; je prévois déjà queje n’aurai
point à craindre qu’aucun de ceux-là ait envie de
rester à Vanikoro, tant le pays offre peu d’attraits !...
Nos Tikopiens eux-mêmes , tout en allant passer la
journée à te rr e , ont soin de revenir le soir coucher à
bo rd , attendu la peur de la fièvre.
Hambilton m’ayant témoigné le désir d’aller au village
de Tevai, sur l’autre côté de la baie, je l’ai chargé
de demander à Nelo un guide pour conduire le canot
que je compte envoyer demain à Païou. A son retour
il m’a présenté un naturel d’un certain âge qui s’est
offert avec son fils à piloter le canot, et je leur ai promis
en récompense une hache et quelques menus objets
en fer.
M. Cressien commandera le grand canot armé en
guerre, qui se rendra demain sur les récifs du naufrage,
et il sera accompagné par MM. Quoy, Caimard,
Bertrand et Faraguet. Car mon intention est
que chacun des officiers puisse y aller successivement
; moi-même je ferai partie de la dernière expédition
qui s’y rendra. Je tiens à ce que toutes les personnes
de l’état-major de l’Astrolabe, sans exception,
puissent contempler de leurs propres yeux le lieu du
naufrage pour en rendre témoignage à notre retour
en France.
Le grand canot est parfaitement armé, e t, comme
j ’ai toute confiance dans la prudence el la bravoure
de M. Cressien, je lui donne pleins pouvoirs. Seulement
je lui recommande beaucoup de circonspection
dans ses rapports avec les sauvages, e t, sous
quelque prétexte que ce soit, de ne point laisser
échouer son embarcation. Tant qu’il sera à flot, il
sera maître de sa manoeuvre, et conservei-a toujours
une supériorité marquée sur les frêles pirogues des
insulaires.
Le grand canot est parti à quatre heures et demie
du matin, avec un beau temps qui s’est soutenu toute
la journée. Il a commencé sa tournée par la partie de
le s t, et il doit faire le tour entier de la grande île.
Il est venu quelques pirogues à bord; mais, toujours
exigeans outre raison, les sauvages n ’ont presque
rien vendu, lis ont apporté aujourd’hui des arcs
et des flèches qu’ils se sont obstinément refusés à
échanger, à quelque prix que ce fût. Ces hommes
continuent de montrer une défiance étrangère aux
peuples de la race polynésienne. Cela paraît tenir à
une sorte d antipathie naturelle des races noires contre
1823.
Février.