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ill 162 VOYAGE
1828.
F évrier.
canot dont l’arrière cédait aux efforts qui avaient été
faits; tant cette ancre était déjà engagée sous la croûte
des coraux ! Cette considération décida M. Jacquinot
à renoncer à son entreprise, et comme il était déjà
quatre heures du soir, il jugea à propos de se mettre
en route pour le navire. En conséquence , après avoir
déposé M. Gaimard et Hambilton au milieu des habitans
de Nama, qui parurent enchantés de voir ces
étrangers s’établir au milieu d’e u x , le grand canot se
dirigea vers la corvette ; il toucha plusieurs fois contre
des bancs de coraux ; mais, comme il faisait très-beau
clair de lune et calme, ces accidens n’eurent point de
suite fâcheuse, et le canot opéra heureusement son
retour à Ocili par la baie Manevai et la passe de l’Est.
Du reste MM. Jacquinot et Lottin avaient acheté
des naturels plusieurs objets du naufrage, dont les
plus remarquables étaient un croc de capon, un bout
de chaîne de para tonnerre, une mesure à poudre en
cuivre, un piédestal d’instrument ou d’un fort chandelier
en cuivre, surtout un vase cubique en cuivre
avec une forte doublure en plomb, etc. ; enfin un saumon
de fer de cent livres pesant.
Comme je l’ai déjà d i t , ce voyage nous a tous convaincus
que les bâtimens dont nous recueillons les
débris, et dont ces messieurs ont vu les ancres et les
canons épars sous l’e a u , étaient effectivement ceux
de Lapérouse. Je liens cependant à acquérir de nouvelles
pi’euves de conviction, s’il est possible; je liens
du moins à me procurer un canon et une ancre pour
les rapporter avec nous en E u ro p e , et les montrer à
DE L’ASTROLABE. 163
nos concitoyens comme des monumens authentiques
du naufrage des frégates de Lapérouse et de nos efforts
sur les récifs de Vanikoro. Mais pour cela il faut
que la chaloupe elle-même se transporte sur les récifs
du naufrage, et je ne veux point qu’elle s’éloigne de
la corvette avant que celle-ci soit mouillée dans un
lieu plus sûr.
Dans la journée notre provision de bois à brûler a
été complétée, et M. Pâris a terminé son travail relativement
à la baie Tevai. Une forte houle entre en
rade, et nous fait rouler bord sur b o rd , tandis
qu’elle fait mugir avec force les brisans de la baie et
de la passe de l’Est. Cependant la brise est modérée
au N. et au N. N. E. ; mais ces grandes lames viennent
sans doute des parages situés au nord de la ligne,
et sont le résultat de quelque coup de vent dans
l’hémisphère septentrional.
A deux heures et demie, je suis allé prendre mon
bain accoutumé, à l’ombre des barrmgtoma et des
calophyllam aux feuilles luisantes et cartonnées. Ces
beaux arbres étendent leurs rameaux au large, et
forment ainsi sur le rivage même de délicieux ombrages.
Sept pirogues de Tevai ont passé près du
b o rd , et ont accosté le long de la plage d’Ocili. La
plupart de ceux qui les montaient étaient des hommes,
mais il y avait aussi quelques femmes qui allaient
chercher des vivres à la plantation voisine de l’ai-
guade; car ici, comme à la Nouvelle-Hollande, ce
sexe est chargé de tous les travaux pénibles. Ces
femmes sont encore plus hideuses que les hommes ,
1828.
Fév r ie r "U;
a8.