1827. pu recueillir dans la colonie, cette dernière assertion
de sa part me parut si ab su rd e , que je conçus des
doutes sur l’origine d e là lettre. En effet, quiconque
a navigué dans cette portion de l’Océaii-Pacifique,
sait qu’il n ’existe aucune sorte de mousson qui puisse
empêcher un navire de se rendre de la Nouvelle-Zélande
à Tikopia. Je demandai donc à M. Gellibrand si
cette lettre était réellement de M. Dillon; il me répondit
que le corps de l’écriture n ’était point de lui,
attendu qu’il savait à peine é c rire, mais que la signature
était bien la sienne, et qu’il ne doutait nullement
de l’authenticité des nouvelles qu’elle contenait. Là-
dessus, le capitaine W e lsc h , qui ne s’était pas encore
formellement prononcé sur le mérite de ce navigateur,
dit en plaisantant que M. Dillon était en effet trop
Ignorant pour avoir forgé les récits qu’il avait publiés
touchant ses découvertes à Tikopia, et que, plus que
tout au tre , ce motif le portait à y ajouter quelque
confiance. M. Gellibrand, qui avait eu plus que pèr-
sonne dans la colonie les moyens d’étudier le caractère
de M. Dillon, n ’hésitait pas à croire ses dépositions
fondées en vérité,- à cela près de quelques
exagérations dont il était permis de douter.
Le lecteur doit juger dans quelle position singulière
me plaçaient alternativement des opinions aussi contradictoires.
Tantôt plein d ’espérance, je me voyais
deja sur le théâtre d’une grande infortune, et appelé à
donner aux mânes de nos malheureux compatriotes
les derniers témoignages des regrets de la France
entière. Tantôt déchu de ces hautes destinées, il me
fallait regarder les récits de M. Dillon comme autant
de billevesées, et courir le risque de renoncer à un
travail glorieux pour me livrer à des recherches aussi
stéi’iles que péi'illeuscs. Ajoutons que tous mes compagnons
de voyage avaient, sans exception, adopté la
dernière de ces opinions, et qu’ils ne parlaient guère
de Tikopia et de Vanikoro qu’en plaisantant.
Tout en gémissant sur la triste issue'de la mission
du Research, m’en consolai bientôt en songeant que
nous serions les premiers à visiter les rives de Y’ani-
koro ; cette considération m’engagea à redoubler d’activité
pour presser l’époque de notre départ.
M. Jacquinot et moi nous avons dîné chez M. Pedder,
et j’ai passé une soirée fort agréable dans la conversation
de ce magistrat, qui est un des Anglais les
plus aimables et les plus instruits que j ’aie connus.
Gependant, il paraît voir avec peine que je persiste à
quitter de brillantes reconnaissances pour visiter Y^a-
nikoro; ca ries dernières nouvelles reçues de M. Dillon
le confirment dans l’opinion que son premier
récit n’était qu’un tissu de mensonges.
Un feu a long-temps brillé sur le sommet de la
Table, et l’on m’a appris qu’il avait été allumé par
une société de bourgeois qui avait fait une promenade
à la cime de cette montagne. Sur le désir que j ’ai
témoigné d’en faire autant, on m’a prévenu que cette
excursion était fort pénible, attendu que la dernière
partie du chemin devait s’exécuter sur un terrain ro cailleux
, très-escarpé et parfois dangereux à cause des
élioulemens.
1827.
D é c em lirc .