i S28.
Mars.
K
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228 VOYAGE
minutes nous fûmes environnés par quarante ou cin-
qiiantepirogues, qui contenaient chacunedepuis unjusqu’à
vingt naturels. Alors la femme témoigna par signes le
désir queje fisse connaître à ses compatriotes si j ’étais un
homme ou une femme, ce que je fus obligé de faire, et ils
en furent très-réjouis. Les hommes de mon canot étaient
tellement dominés par la frayeur, qu’ils avaient à peine
la force de tenir l ’embarcation au large des rochers. Le
navire était encore hors de vue ; mais, à notre satisfaction,
il survint un grain violent, et quand le ciel se fut éclairci,
le bâtiment se montra à nos regards, ce qui redonna la
vie à mes hommes, et nous forçâmes de rames vers le navire.
Quand nous en fûmes à petite distance, je crus sa
perte assurée , attendu qu’il était entouré d’un grand
nombre de pirogues, et que son pont était si complètement
couvert de naturels, que je ne pouvais pas même
distinguer un seul des hommes de l'équipage. J’accostai
du mieux que je pus , et je me hâtai de dégager le pont ;
mais je ne pus en venir à bout qu’en ayant recours à la
violence, et en blessant au bras un homme qui avait volé
tout le fer des pompes. Au même instant, un rocher de
corail se montra sous le navire, mais heureusement nous
ne touchâmes point. Nous étions alors à six milles environ
au S. E. de l ’ile duN. O. Quelques naturels portaient des
morceaux de f e r , des barres de ce métal et des étoffes
roug e s, dont ils semblaient faire un grand cas. Très-peu
parmi eux avaient apporté des armes. Ce sont de grands
voleurs ; quand ils réussissent à dérober quelque chose ,
ils sont enchantés, et se sauvent en sautant à la mer pardessus
le bord.
J am e s H o b e s .
H o b a r t-T ow n , 4 jan vier 18 28 .
DE L’ASTROLABE. 229
Sur-le-champ, ce rapport me rappela la déposition
du capitaine Bowen, de FAlbermarle, rapportée dans
le discours préliminaire du Voyage de Lapérouse, par
Millet Mureau. Le navigateur Bowen avait dû déclare
r, devant le juge de paix de Morlaix, qu’en décembre
1791 il avait vu, sur la côte de la Nouvelle-Géor-
gie et près du cap Deception, les débris du vaisseau
de Lapérouse flottant sur les eaux, et que les naturels
lui paraissaient avoir connaissance des Européens et
de l’usage du fer.
Cette déclaration, accompagnée de détails assez
invraisemblables , avait toujours inspiré peu de con-
liance. Cependant, en la rapprochant de celle de
•James Hobbs, beaucoup plus positive et mieux circonstanciée,
surtout en considérant que le petit bâtiment
construit par les naufragés de Vanikoro dut
naturellement se diriger vers la Nouvelle-Irlande , eu
prolongeant la chaîne des îles Salomon, j ’en conclus
qu’il était possible que les malheureux Français qui
avaient échappé à leur premier désastre fussent allés
se perdre une seconde fois sur quelqu’un des écueils
situés aux environs de l’espace connu sous le nom de
Baie des Indiens, entre les caps Deception el Satisfaction.
Prévenu de cette idée en quittant Vanikoro , mon
intention était de reconnaître N iten d i, Tinakoro, P ileni
, Taumako , e tc ., puis de me diriger vers la baie
des Indiens et de rechercher avec tout le soin possible
s’il existait réellement en ces parages quelques vestiges
ou quelques souvenirs du passage des Français.
1828.
Mai‘.s.