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sorte de culte de la part des habitans. J e n’ai point
observé de yati ou tek [tectona grandis).
La constitution géologique de cette contrée offre
généralement un trachyte ou basalte en décomposition,
récouvert d’une couche de terre végétale dont
l ’épaisseur s’élève quelquefois à quinze ou vingt pieds,
comme j’en ai pu juger par les tranchées faites le long
de la route en certains points. Rarement à la surface
le sol est pierreux, et jamais sablonneux.
A mesure que nous avançons, les ravins que nous
traversons deviennent de plus en plus creux ou encaissés.
Il s’en présente un dont la pente est si rapide,
que nous sommes tous obligés de mettre pied à
te rre ; au fond, l’impétueux torrent du Manado roule
avec fracas ses eaux qui bouillonnent à travers les
Pl. ccviir. blocs de pierre dont son lit est semé. Un beau pont,
couvert d ’un toit et garni de banquettes, conduit à
l’autre rive ; comme nous étions en tête de la caravane,
nous nous assîmes quelques minutes pour l’attendre.
C’était un spectacle curieux de voir les hommes
à cheval, les palanquins et les nombreux insulaires
qui nous escortaient, descendre le long de la
pente escarpée et sinueuse de la montagne. Au même
instant, à la suite d’une pluie légère dont les gouttes
liquides venaient de faire briller d’un nouvel éclat
les feuilles naturellement lustrées des plantes, un
rayon du soleil, furtivement échappé d ’un nuage, étalait
les couleurs variées de l’arc-en-ciel sur un coin
du vallon ; tandis que le nuage dans sa fuite enveloppait
encore le reste du paysage d’un voile vaporeux.
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Tout cela à Célèbes, dans une île que l’Europe connaît
à peine de nom, et sur laquelle on ne possède
que des données vagues et incertaines ! et l’on se fera
une idée des réflexions qui venaient alors se présenter
en foule à mon imagination, et de celles qui
se réveillent dans ma mémoire, aujourd’hui même
qne je décris ces circonstances de ma longue caravane
sur VAstroiabe.
Quand nous eûmes gravi la côte qui domine l’autre
côté du Manado, nous nous trouvâmes enfin dans le
fertile et beau plateau de Tondano. lA nous traversâmes
d’immenses rizières , et nous jouîmes d’une
température sensiblement plus modérée que celle de
la plaine. C’est encore une de ces sensations délicieuses
réservées à ceux qui visitent les régions équatoriales
, que cette fraîcheur agréable qu’on respire
lout-à-coup à une certaine hauteur au-dessus du
niveau de la mer, et que l’on peut se procurer souvent
en moins de deux heures de temps.
Bientôt nous entrâmes dans le beau village de
Tonsea-Lama, oû je remarquai des tombeaux en
blocs de basalte couverts de figures hiéroglyphiques ;
malheureusement nous ne fîmes que traverser au
galop cet endroit que j ’eusse désiré visiter plus en
détail. Nous y passâmes de nouveau le Manado, qui
est déjà un torrent considérable, bien qu’il sorte â
peine du lac de Tondano où il prend naissance. A
un demi-mille de la route, on nous fit voir une
cascade superbe formée par ses eaux. Là le Manado,
jusqu’alors libre dans son cours, est tout-à-
1828.
Juillet.
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