J Y Y ü Mii
pxpoditions scientifiques, sont connus, il n’en est pas de même
de ses productions naturelles.
Je vais causer un peu de ce pays, dans lequel je n’ai presque
fait que me reposer et létablir ma santé que le séjour de Vanikoro
avait altérée de môme que celle de mes compagnons.
Celte île, toute française, quoique sous la domination an
glaise, est la plus délicieuse relâche que des Français puissent
rencontrer. Sans chercher à analyser les motifs qui peuvent
faire agir nos anciens compatriotes, en ne voyant que leurs
politesses , leurs prévenances à rechercher les navigateurs qui
abordent dans leur ile , leurs offres d’hospitalité aussi franches
que sans cérémonie, on peut vraiment dire que nul pays sur
la terre n’est comparable au leur. Je le répète, c’est le plus
agréable lieu de repos qu’on puisse trouver. D’après tout cela ,
me dira-t-on , c’est donc le lieu par excellence à habiter? Pas
plus qu’un autre; ce sont des Français, riches, aimables, polis,
mais c’est une colonie et un petit pays.
Il est maintenant à son plus haut point de splendeur. Tous
les propriétaires sont riches ou à leur aise. Cet état de prospérité
un peu factice, qui ne peut durer et n’être avantageux qu’à
la génération actuelle, se fonde sur l’abolition totale de la
traite et la valeur du sucre.
Maintenant tout le sol de Maurice est converti ou va être
converti en champs de cannes à sucre. C’est une sorte de fureur,
on ne connaît que cela. Tous les planteurs sacrifient leurs
bois, leurs lieux d’agrémens même à cet effet; les cannes envahissent
tout et viennent toucher les habitations. Ce qui n’est
quelquefois pas .sans danger à cause du feu qui prend souvent
dans ces plantes.
Cette colonie , qui ne faisait autrefois que quelques millions
de livres de sucre , en fournit maintenant au commerce plus de
cinquante millions qui sont aussitôt enlevés. Il arrive même
que des navires s’en retournent à vide.
Les esclaves sont d’un prix excessif ; c’est la richesse la plus
réelle des créoles, car .san.s eux les terres n’auraient point de
valeur. Aussi le prix d’une propriété n’est-il pas en rapport
avec ce qu’elle peut donner de revenu. C’est d’après cela que
beaucoup d’individus tentent, en agriculture, les spéculations
le.s plus hasardeuses en achetant fort cher des habitations qu’ils
comptent payer par le revenu seul. Quelques-uns réussissent,
mais d’autres s’y ruinent par les gros intérêts qu’ils sont obligés
de payer. Les mécomptes peuvent dépendre aussi des coups
de vent qui ruinent les récoltes, et des épidémies qui atteignent
les noirs. Il n’est pas rare devoir un habitant mener un
grand train sur des terres qui ne lui appartiennent plus. On
est long-temps dans les colonies avant de déposséder un propriétaire.
Les babitans de Maurice réclament, avec raison, que leurs
sucres jouissent en Angleterre des mêmes avantages que ceux
des Indes occidentales qui paient moins de droits. D’après ce
que j’ai vu , et ce que m’ont dit plusieurs personnes raisonnables,
la forme du gouvernement anglais est des plus douces ;
elle agit inaperçue et sans les tracasseries que ne manqueraient
pas d’occasioncr le nôtre, ainsi que cela s’est vu el se voit de
temps en temps dans l’île voisine. Et si l’on ne voyait pas çà et
là quelques sentinelles habillées de rouge , on se demanderait
à quelle nation appartient le centre d’action. Le gouvernement
voudrait que les noirs travaillassent moins, et qu’ils eussent des
heures de repos bien réglées. Certainement il est beaucoup de
propriétaires qui ont assez d’humanité pour tenir à une chose
aussi naturelle, et qui entre en même temps dans leur intérêt,
puisque c’e.st ménager les esclaves. Mais peut-on compter sur
l’homme qui, ayant acqui.s fort cher une propriété, cherche à
la payer par la plus grande quantité de sucre possible ? Alors
les usines vont nuit et jour, et les noirs travaillent presque continuellement.
A l’époque de notre séjour, il venait d’arriver
un commissaire d’Angleterre, pour veiller avec toutes les précautions
possibles à ces divers réglemens de police.
Si le voyageur se repo.se avec plaisir, comme je l’ai fait, dans
1 habitation d’un vrai colon, qui regarde l’île comme .sa patrie.