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 F évrier. 
 eût  été  perdue  sans  ressource.  Avec  des  naturels  
 aussi  barbares  que  ceux  de Vanikoro,  et  qui ne  respectent  
 tout  juste  les  Européens  qu’en raison  de  la  
 crainte que ceux-ci leur inspirent, il est vraisemblable  
 que nous eussions tous péri sous leurs coups. 
 Les  habitans  de  Tevai  ont  encore  apporté  aujourd’hui  
 beaucoup  de  cocos  et  de  bananes  à  bord ;  ils  
 paraissent  très-contrariés  de  notre  déplacement,  qui  
 va  nous  transporter  hors  des  limites  de  leur  te rritoire  
 ,  et par  conséquent  les  priver  de  tous  les  avantages, 
  qu’ils  espéraient  retirer  de  leur  commerce  exclusif  
 avec nous.  Dans  leurs  reg re ts,  il  n’y  a  pas  le  
 moindre  sentiment  généreux  ;  la  cupidité  seule  les  
 excite. 
 Les  travaux  recommencèrent  dès  quatre heures et  
 demie  du  matin,  et  nous nous efforçâmes  d’atteindre  
 la passe. Malheureusement  le  vent  du  N .  r e p r it,  et  
 nous  contraria  singulièrement.  Ce  ne fut qu’avec des  
 peines  et  des  efforts  inouis  que  nous  pûmes  donner  
 dans  la  passe,  tourmentés  à  la  fois  par  le  vent  et le  
 courant contraires,  et  obligés  de manoeuvrer la  corvette  
 dans un canal quelquefois si resserré,  quelle n ’y  
 eût  pas  trouvé  sa  longueur  pour  se  retourner.  Cela  
 nous  forçait  à  avoir  sans  cesse  trois  ancres  en  mouvement  
 ,  afin  que  nous  fussions  toujours  retenus  au  
 moins  par  deux  d’entre  elles,  tandis  qu’on  manoeu-  
 ATait  la  troisième. 
 Tandis  que  nous  donnions  dans  ce dangereux  can 
 a l,  les naturels  de Tevai  et  de  Manevai  nous  donnaient  
 un  spectacle  curieux,  et  dont j’aurais  mieux 
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 joui,  si  je  n’eusse  été  distrait  par  les  inquiétudes  et  
 les  soins  continuels  qu’exigeait  de  moi  la  conduite  
 de l  Astrolabe. Vers une heure après-midi, M.  Gressien  
 étant  allé élonger une ancre  dans la passe,  deux  
 habitans  de Manevai  parurent  sur  le  récif  du  s u d ,  
 et  se  lancèrent  a  l’eau  probablement  dans  l’intention  
 de  se  rendre  à  bord  du  canot  de M.  Gressien. Mais  
 cet officier,  naturellement tout entier à sa corvée,  ne  
 fit  point  attention  à  l’action  de  ces  sauvages,  et  
 revint à bord dès  qu’il eut mouillé son ancre. 
 En  ce  moment  même,  cinq  ou  six  pirogues  de  
 le v a i  se  trouvaient  encore  le  long  du  navire,  et  
 commerçaient  avec  l’équipage.  Sur-le-champ  deux  
 d’entre  elles  se  détachèrent  des  autre s,  coururent  
 avec  rapidité  vers  les  deux  hommes  à  la  n ag e ,  les  
 saisirent malgré leurs efforts pour s’enfuir,  et les conduisirent  
 en  triomphe  à  Tevai.  Les  autres  pirogues  
 les  suivirent de près ;  les  hommes  qui  les montaient  
 descendirent  sur  le  récif  du  n o rd ,  et  se  dirigèrent  
 vers leur village,  en  gambadant,  poussant  des cris et  
 faisant  des  gestes  de  joie,  comme  pour  célébrer  une  
 victoire. 
 Une demi-heure après cet événement,  une pirogue  
 de Manevai  traversa  le  chenal,  et  il en  débarqua un  
 vieillard  qui me  parut  être  le  chef  de  Manevai  :  du  
 re ste ,  il  se  dirigea  seul  et  sans  armes  vers  Tevai,  
 tandis que ceux qui l’avaient amené reprirent le large.  
 Sans  doute  le  vieillard  obtint  promptement  l’élargissement  
 des  deux  prisonniers,  car  il  ne  larda  pas  à  
 reparaître avec eux.  Pendant ce temps,  tous les gueri8aS. 
 Mars.