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souvent rire toutes les personnes de la société. Si je
ne suis pas dans l’erreur, le récit de ses aventures
sera loin d’offrir l’intérêt et l’utilité que l’on eût dû
attendre d’un homme placé, comme M. Bennett, dans
la plus favorable des situations pour observer avec
fruit et recueillir avec succès les matériaux les plus
complets sur les peuples de la Polynésie.
M. Bennett est venu me rendre une visite à bord ;
je lui ai montré la roule que nous avons suivie, et les
principales opérations de la campagne. Il m’a donné
une petite grammaire de Taïti et une figurine en
cuivre de l’Inde ; je lui ai offert en retour une médaille
en bronze de l’expédition. Ce missionnaire devait
quitter l’île dès le jour suivant.
J ’ai dîné chez M. Desnoyer, médecin de la colonie,
qui a fait une prompte et brillante fortune dans la
pratique de son étal. J ’ai appris avec intérêt que le
père de sa femme était le major de vaisseau Bolle,
le même qui fut expédié en novembre 1791 de l’Ile-
de-France, par M. de Saint-Félix à M. d’Entrecasteaux
au cap de Bonne-Espérance, afin de lui donner
connaissance des prétendues découvertes du capitaine
Hunier aux îles de l’Amirauté, relativement au naufrage
de Lapérouse.
M. Tompkins m’a apporté une gazette de Maurice
du 9 avril 1828, où se trouve un article de la gazette
de Sydney, qui rapporte de la manière la plus fausse
et la plus calomnieuse notre affaire avec les insulaires
de Tonga-Tabou. Il serait bien étonnant que les missionnaires
Thomas et Hutchlnson eussent eu l’impudence
de travestir aussi grossièrement les faits. S’il
en était ainsi, ces deux hommes seraient d’insignes
hypocrites. Mais j’ai beaucoup de peine à croire que
ces calomnies viennent d’eux.
Vers une heure, j’ai reçu la visite de M. Faillafé,
personnage bien connu pour sa prétendue faculté de
lire dans les nuages l’approche des navires, et de prédire
leur arrivée au port plusieurs jours à l’avance.
Lors de mon premier voyage à Maurice, j ’avais souvent
entendu parler de cet homme, et ce qu’on m’en
avait dit avait vivement piqué ma curiosité; mais
alors je fus distrait par divers voyages dans l’intérieur
de l’île et par mes recherches d’histoire naturelle,
de sorte que je ne pus voir M. Faillafé qu’en
passant.
Cette fois-ci, je fus charmé de pouvoir cultiver
plus assidûment sa connaissance; je lui témoignai
beaucoup d’empressement et de considération, et je
l’amenai sur le chapitre de sa singulière faculté, connue
sous le nom de nauscopie. Comm^je lui témoignais
tous mes doutes à cet égard, il m’expliqua avec
un grand sé rieux, et comme un homme entièrement
convaincu de ce qu’il avance, que plusieurs personnes
avaient joui du même avantage, bien que ces cas
fussent rares ; qu’aujourd’hui cependant il était le seul
à Maurice chez qui ce sens particulier fût développé
à ce degré. Il possède cette faculté depuis trente ans;
elle lui fait apercevoir les vaisseaux à deux, trois,
et même cinq cents lieues de distance, suivant les circonstances,
bien que soixante, quatre-vingts, et même