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2 4 octobre.
.524 V O Y A G E
Je me suis rendu à l’invitalion de M. Le Goarant,
pour déjeuner avec lui. Un coup-d’oeil rapide jeté sur
son bâtiment et sur son équipage m’a bientôt prouvé
qu’il avait été bien mieux traité que moi. La honteuse
parcimonie qui avait présidé à l’armement de ¿’Astrolabe
ne se montrait point dans les diverses installations
de la Bayonnaise. En examinant son cabestan,
je poussai un soupir amer en songeant combien une
machine pareille nous aurait épargné de peines, de
soucis et de fatigues en mainte et mainte circonstance.
J ’insiste sur ces détails, afin que jamais un capitaine
ne se trouve par la suite dans une aussi fâcheuse
position.
M. Le Goarant répondit avec complaisance aux
questions q u e je lui adressai sur sa campagne, ftlais
je fus bientôt convaincu que l’on ne s’était nullement
occupé à bord de la Bayonnaise de recherches scientifiques,
ni même de travaux géographiques. J ’appris
même avec étonnement que M. Le Goarant, dont
l'unique mission était de rechercher à Vanikoro les
traces du naufrage de Lapérouse, n ’avait pas même
tenté de pénétrer dans ce mouillage, et qu’il s’était
contenté d ’envoyer ses canots en reconnaissance.
Alors je ne trouvai nullement surprenant que ce capitaine
eîit pu conserver son équipage en bonne santé.
C’est le cas de rappeler qu’après deux années de la
navigation la plus pénible et la plus laborieuse, l’A strolabe
n’avait pas un seul malade trois jours avant
que les terribles fièvres de Vanikoro vinssent fondre
sur nous.
La Bayonnaise fut mal accueillie par les habitans
de Tikopia, et ils ne voulurent point permettre aux
Français de descendre sur leur île. Cependant le lascar
Joe consentit à s’embarquer avec M. Le Goarant,
et il se propose d’aller en France.
La nouvelle qui m’a été le plus agréable a été d’apprendre
que les naturels de Vanikoro avaient respecté
le monument élevé par l’Astrolabe à la mémoire de
Lapérouse. Ils firent même quelques difficultés quand
les marins de la Bayonnaise s’en approchèrent pour
clouer une médaille en cuivre près de celle que j’avais
fait encadrer auprès de l’inscription. Ce respect
de la part des insulaires promet du moins à notre
modeste édifice toute la durée dont ¡1 est susceptible,
eu égard à la nature de ses matériaux.
Les symptômes de dyssenterie semblant s’aggraver
chez moi, je gardai plusieurs jours le bord, et ne le
quittais le soir qu’une heure ou deux pour faire un
tour de promenade sur l’île aux Tonneliers.
Ce jour je fis remettre à ftl. Lafitole, gendre et
aide-de-camp de JVL de Cheffontaines, une caisse en
fer-blanc soudée, contenant un nouveau duplicata de
mes rapports, et surtout des demandes que j ’adresse
au ministre, en faveur des officiers de l’Astrolabe.
Dans l’état valétudinaire où je me trouve, il pourrait
arriver que je vinsse aussi à payer mon tribut à
la mort ; il serait fâcheux que ce motif empêchât mes
compagnons de recevoir les récompenses qui leur sont
dues.
Vers deux heures de l’après-midi, la frégate por-
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