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Nous demeurâmes près d’un jour et demi à Tondano : cc
mot est composé, et signifie hommes de l’eau ou qui habitent
l’eau. Nous revînmes par une route différente de la première,
qui est tout-à-lait nouvelle et due aux soins de M. Pietermat;
cette dernière, qui est l’ancienne, a un mille de plus (vingt-un
milles), et elle est aussi beaucoup plus difficile. Il a fallu pratiquer
des escaliers par les pentes les plus raides et qui se renouvellent
très-fréquemment : c’est ce qui avait déterminé le
gouverneur, dans un voyage précédent, à en faire construire
une autre plus praticable. Nous traversâmes un plus grand
nombre de villages que par l’autre côté; partout nous retrouvâmes
les mêmes danses avec les mêmes repas. Le dernier village,
dont j’ai oublié le nom , parut redoubler d’efforts pour
fêter le gouverneur : les danseurs, au nombre de plus de cent,
nous représentèrent en plein air, à l’ombre des palmiers, les
scènes de l’Opèra. Les costumes à l’orientale étaient aussi
élégans et l’espace beaucoup plus développé. Il faut que ces
insulaires passent une partie de leur vie dans ces exercices
pour les exécuter avec autant de précision, pour se mêler,
simuler des combats, et revenir à leurs places en montrant
deux longues files d’hommes armés. Je croyais qu’ils étaient
facilités dans ces évolutions par l’habitude de l’exercice : je les
prenais pour des miliciens qui dansaient; mais le gouverneur
me détrompa. Ils ne sont tenus à aucune garde; et s’ils se réunissent,
c’est pour s’amuser à danser, ce qu’ils font également
chez eux; comme ces exercices ont la même mesure, il ne
leur en conte presque rien pour former le grand ensemble.
Leur musique est le tam-tam et des cymbales métalliques
qu’on frappe de manière à leur faire rendre des sons harmonieux.
Ils dansent en rond : cet usage pourrait bien leur avoir
été donné par les Européens.
La maison du chef de ce village, dans laquelle fut reçu le
gouverneur, était une des plus grandes que nous ayons vues.
L’appartement immense se prolongeait jusqu’au faîte ; des canapés,
aussi anciens que la conquête de cette portion de l’île.
donnaient à cette salle beaucoup de ressemblance avec celles
de nos plus vieux manoirs. Nous remarquâmes aussi un vase
d argent à col alongé, dont la ciselure était un travail curieux
par le dessin : c’était avec de pareils présens que les Portugais
ou les Hollandais achetaient des chefs la permission
de poser le pied sur un sol qu’un jour ils devaient gouverner
en maîtres. En sortant de ce village, on traverse de magnifiques
cultures de café; on descend toujours en longeant un
peu le bord de la mer. A deux heures, nous étions de retour
au fort.
Tout le sol que j'ai parcouru est entièrement volcanique,
très-anciennement brûlé; ce n’est que dans quelques endroits
qu’on trouve sur la route des blocs de basalte dont toute cette
chaîne de montagnes paraît formée. Une fois, dans un ravin
profond de la route par laquelle nous revînmes, je recueillis
des échantillons A’obsidienne noire, un peu poreuse et qui paraissait
fort ancienne. Nulle part je n’ai vu de coulées de laves
bien caractérisées. La plaine cl le sommet de la montagne, où
se trouve le lae, sont recouverts d’une argile rougeâtre, très-
profonde, débris des laves ou plutôt des tuffas qui recouvraient
en partie ce sol. Ainsi il serait complètement inutile de rechercher
de l’or ou tout autre métal dans les environs de Manado.
L’or, qui est aussi beau que pur et en gros grains aplatis,
vient d’endroits plus éloignés ; on le trouve à la surface de la
terre, ou du moins il ne faut pas creuser profondément. Les
chefs .sont obligés envers les Hollandais à une redevance en
nature de ce métal, qui dépasse, je crois, 2 0 0 , 0 0 0 francs. On
dit qu’ils ont la .sagesse de n’exiger du peuple que ce qui est
•strictement dû , après quoi chacun est libre d’en vendre aux
Hollandais, qui le réduisent assez souvent en lingots, dont ils
lont le commerce. Les lieux d’où on le retire sont excessivement
malsains, et, comme ce doit être, le peuple y est misérable.
Une autre branche d’industrie à peine naissante rendra
ce pays un des plus florissans des Moluques; c’est la culture
du café. Il est de bonne qualité , et ne vient bien que dans