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 A   mon  repas  du  soir ,  Okéa  m’apporte  un  poisson  cu it,  
 Avobi me  donne  un  coco ,  Lavaki  un  fruit  à  p a in ,  tandis  que  
 Maro  ,  Védévéré  et Panogo  me font  présent  d’une  bonne  provision  
 d’ibié. 
 Plus  ta rd,  des  danses  ont  lieu  à  côté  de  la  cabane  que  j’habite, 
   entre  la maison  des  esprits et  le  petit  chantier.  Je prends  
 une part  active  à  ces  danses,  h  la  grande  satisfaction  de  tous  
 les  naturels. 
 Le  dimanche  2  mars ,  je  vais  de bonne  heure  prendre  un  
 bain  à  la  petite  rivière  de  Vagané.  A u   point  du  jo u r ,  mes  
 voisines  les  pleureuses  ont  continué  leur  manège  comme  les  
 jours  précédens.  Elles  se  lamentent  beaucoup  pendant  une  
 demi-heure,  aprè.s quoi  elles  reprennent  leur  gaieté habituelle. 
 Je  reviens  déjeuner  et  prendre  le  café.  L ’aligui Maïo m’apporte  
 deux  bananes;  Védévéré  me  donne  un  bambou  plein  
 de  petits  pois.sons  cuits.  Ce  sont  les  femmes  q u i,  à  l ’aide  de  
 filets,  vont  prendre  ces  poissons sur  les  réc ifs.  Je  fais un  excellent  
 déjeuner. 
 Seize  naturels  sont  occupés  à  élever,  dans  la  maison  des  
 esprits,  la  couverture  d’une  cabane voisine  consacrée, à ce  que  
 j ’ai  cru  comprendre,  à  l’Atoua  de  Tikopia  ,  qu’ils nomment  
 ici  Tchikopia.  Ces  hommes  croient  que  les  babitans  des  
 lies  Tonga  sont, anthropophages.  Je  leur  dis  que  non  ;  que  
 j ’ai  couché au  milieu  d’eux  et  qu’ils  ne m’ont  fait  aucun  mal.  
 Ils  ajoutent  que  les  insulaires  A’Indéni  ( Santa-Cruz)  sont  
 méchans ;  qu’ils  tirent  leurs  flèches  sur  les  hommes,  et que je  
 dois me défier d’eux. Je leur  réponds  que  chaque canon  de mon  
 fusil  peut  tuer  dix  hommes  de  très-loin.  Dans  la  position  où  
 je  me  trouvais ,  j ’étais bien  aise,  on  le  conçoit  facilement,  de  
 ne  pas  affaiblir  la  haute  idée  qu’ils  ont  de  nos armes  à  feu. 
 Je venais  de  dire  que  je  voulais  aller  à  Payou  avec  l ’aligui  
 Oumou.  Bientôt  après,  Naro  vient  me  proposer  d’aller  avec  
 lui à  Tanéma,  ce  que  j ’accepte  d’autant  plus  volontiers,  que  
 nous ne  connaissons point ce  lieu,  qu'il  a  une  langue  particuliè 
 re ,  et  que  de là  j ’irai  visiter Payou. 
 Mais  au  même  instant, Védévéré  s’emporte  et  se  met  dans  
 une  fureur  bien  plus  grande  que  la  première  fois ;  il me  fait  
 signe  de  quitter  sa  cabane  au  plus  v ite ,  de  reprendre  mon  
 étoffe  de  Tonga  et  de  la  porter  ailleurs.  Son  humilité  habituelle  
 fait place  à  la  hauteur la  plus  insultante.  Il chavire  avec  
 violence  la  pirogue  au  taro  et  prend  ses  flèches.  D’autres  
 hommes  prennent  les  leurs,  en  me  disant  cependant  de  ne  
 rien  craindre.  Un  mouvement  extraordinaire  a  lieu  autour  
 de moi. 
 Ignorant  entièrement  la  cause  de  ce  tumulte,  de  ces  cris,  
 et  de  la  fureur  subite  de  Védév éré,  je  reste  tranquillement  
 armé  de  mon  fu sil,  p r ê ta   défendre  vigoureusemement  mon  
 existence ,  si  on vient m’attaquer.  Je  ne me  dissimule  point  la  
 gravité  de ma  position  et  l ’inutilité  de  ma  défense ;  mais  en  
 prenant  la  résolution  de  passer  plusieurs  jours  au  milieu  de  
 ces insulaires,  dont je  connaissais le  caractère méchant  et  perfide  
 ,  cet  accident,  que  j ’avais  considéré  comme  probable,  
 était  loin  de me  surprendre  et  de m’émouvoir  trop  vivement. 
 Peut-être  q u e ,  sans  le  voulo ir ,  Hambilton  ou  moi,  nous  
 avons  fait  quelque chose qui  a  déplu  à  nos insulaires  ou qui  les  
 a  outragés  dans  leurs  idées  religieuses.  Il  m’est  permis  de  le  
 redouter d’après  ce  qui  m’est arrivé  tout  récemment  dans mon  
 excursion zoologique sur l’île de Tikopia. Ayant tué, sur le bord  
 de la mer, une murène assez grande, je vis une terreur profonde  
 se peindre  aussitôt sur la physionomie  des Tikopiens qui m’entouraient. 
   J’ignorais  alors  que  la  murène  était  une  de  leurs  
 principales  divinités. Heureusement  que  le  peuple de Tikopia  
 est très-bon.  Si  un  pareil  événement  avait eu  lieu  à Vanikoro,  
 le résultat n’en  aurait  pas  été  sans doute aussi favorable. 
 J’attendais  le  dénouement  de  cette  étrange  scène  ,  lorsqu’un  
 naturel  m’apporte  un  mouchoir  blanc  de  b a tiste ,  
 que j ’avais  perdu  la  v e ille ,  en  dansant  avec  les  habitans  de  
 Nama.  Je  dis  aux  hommes  qui  m’entourent  que  je  l ’avais  
 laissé  tombera  la danse  du  soir ,  tcùcmago y ils'répètent  tous:  
 Tchémago,  tchémago,  et  ils  comprennent  parfaitement  l ’ex