70 R E L I G I O N ü
vertueux. Les Initiés attendoient son
dernier avènement, comme les Chrétiens
celui de Christ. Ils espéraient
qu’a lors il reprendrait le gouvernement
de l'univers, et rétablirait l’ancienne
félicité.(i)
Le miracle des trois cruches remplies
de vin , dont le miracle des noces
de Cana est une imitation , s’opérait
dans les temples de Bacchus , comme
on peut le voir dans Pausanias, vers la
fin des Eliaqnes. (2)
On le peignoit souvent à côté de la
Vierge sa mère, ou de Cérès appelée
là Sainte-Vierge, comme nous l’avons
observé , autrement d’Isis ; ces deux
noms étant ceux de la Vierge de nos
Constellations, ou de celle , qui sè lève
à minuit au moment de la naissance
de Christ. On l’appeloit alors le Bacchus
Mystès , ou le Dieu des mvstè-
res ; (3) le jeune Iacchus , celui que.
l ’on peignoit tenant un flambeau à côté
de Cérès. (4)
On donnoit à Bacchus le nom de
fils de Dieu. On l’expospit dans les mystères
sur le van mystique, sous l’ein-.
blême d’un enfant naissant. Enfin ce
Bacchus des Orphiques ou des mystères
., qui naissoit au Solstice d’hiver,
comme le dit Maerobe , mourait, des-
eendoit aux enfers, et ressuscitoit.Ce
Dieu , fils de Dieu , comme l’appelle
.Euripide, (5 ) et Intelligence de Dieu, a
donc le caractère mystérieux de Christ,
ou du Dieu Lumière de la secte Mi-
fhriaque ou de la secte des Chrétiens.
(rr) Ses adorateurs furent persécutés ,
comme ceux de la secte de Christ et de
Sérapis , et leur culte mystérieux fut
proscrit souvent en Italie."(6) L’Etrurie
«voit été, pour l’Italie , le berceau de
ces initiations connues en Asie, d’où
étoient sortis les Etrusques.
( 1) Freret Acad . des Inscripl. T . 23. p. 267.
(2) Pausan. Ht-lisc. 2, p. 204.
(3) Pausan. Avcad. p. 281,
(4) Pans, A Uîc. p. 2.
(a)- Euj-ipid.iu J}acgbis>
n i v e r s e î l e .
Passons maintenant à Adonis. Les
Phéniciens adoraient le Soleil sous le
nom d’Adonis , qui dans leur langue
signifie, mon Seigneur. Il n’y a qu’une
voix là-dessus, parmi les auteurs qui en
ont parlé , comme nous l’avons fait
voir à notre article Adonis.
Aussi ils disent, tantôt qu’Adonis est
le même qu’Osiris , tantôt qu’il est le
mêmefque Bacchus; ce qui doit être
nécessairement, si Adonis est le Soleil,
puisque nous venons de prouver que
Bacchus et Osiris n’étoient eux-mêmes
que cet astre , Seigneur de la nature,
adoré sous le nom d’Osiris eu Egypte,
et dé Bacchus en Arabie , en Grèce
et dans l’Inde.
Il s’ensuit, d’après la théorie que nous
avons établie sur le Soleil et sur le génie
religieux et allégorique des Orientaux ,
que l’Adonis Phenrcien 'doi t naît re, mourir
et ressusciter , et passer successivement
, comme le Soleil , du ciel aux
enfers, et des enfers remonter au ciel.
Or , e’est effectivement ce que nous
trouvons annoncé et consacré dansles
traditions anciennes sur Adonis,et dans
les fêtes établies en son honneur. Ici la
légende est différente de celle de Bac-
chus ét d’Osiris : elle est moins pompeuse.
Ce n’est point l’histoire poétique
d’un Conquérant, ou d’un Roi. Elle
est aussi moins triste que celle du
Christ. Elle suppose plus, d’imagination
et d’esprit clans ceux qui ont imaginé
sa fable et institué ses fêtes. Nôiis
rappellerons en abrégé une partie de
ce que nous- avons dit sur Adonis , à
l’article de ce Dieu (7). C’est ici qu’on
peut en faire l’application (sa). Adonis
est un jeune homme d’une rare beauté,
dont la Déesse du Printemps et des
Grâces est éperduement amoureuse, H
lui est ravi par la mort, que lui donne,
(6) T ite -L iv . 1. 39. c . 9-18.
Ter lu]. Apolog.
(7) Ci-iless. 1. 3. c. 12.
Et Traité des Mystères, .e, j .
r e l i g i o n u i
■ „enclant la saison des chasses , un hor-
■ rible sanglier qui le blesse à l’aine , et IHjfji ravit la™culte génératrice. Adonis
I mort, descend aux enfers ; on le pleure
■ sur la terre. La Déesse des enfers le
■ retient six mois près d’elle; mais, au
■ bout de six mois, il-est rendu à la vie
I et à son amante, qui en jouit aussi
■ pendant six mois , pour le perdre et le
■ retrouver encore. La même tristesse et
■ la même joie se succèdent et se renouvellent
tous les-ans.
L’année, en reconnuençantson cercle,
Jramençit Adonis à la vie , et le prm- I;. temps par son retour rendoit à la natiire
I s o n jeune amant frais et radieux. Sa
■ lumière, circulant dans l’olympe avec
■ les saisons s’étéignoit et s’allumoit
■ tour-à-tour, en passant du séjour de
■ la clarté aux ténèbres du Tartare , et
■ des ombres de l’enfer à l’empire des
■ dieux supérieurs. Ce sont les idées que
■ nous en donnent Théocrite (1) et Or- .
■ pbéc ( 2 ). Ces poètes l’invitent à
■ venir avec la nouvelle année , pour
■ répandre la joie dans la nature ,.et faire
I . | écloiTe les biens, que la terre prodigue
■ de son sein fécond. On arme son front
I de cornes, comme Bacchus , dont il
^Ra presque toutes les épithètes, et on
■ lui attribue les mêmes propriétés fé-
■ condes, que celles qu’a le Soleil. On le
■ peint tel que ce Dieu au printemps
jétoit figuré dans ses images , suivant-
le passage de Maerobe cité plusieurs
Lois dans cet_ouvrage. C’est un jeune
[homme de dix-huit à dix-neuf ans (3).
On lui dresse un superbe lit à côté de
celui de la Déesse de la génération, du
iprintemps et des amours, On prépare
ides corbeilles de;fleurs ,• des essences,
[fies gâteaux et 4es, fruits, pour les; lui
Ipffrir (4) , c’est-à-dire qu’on lui offre
[les prémices de tous les biens qu’il luit
fi) Theocrit. Id y ll, i 5 . V. 99, :
(2) Orph. Hytmi.. Poct. Grac. p. 5 l 4*
(3) Theocrit. ihid. v.
(4) Ibid. v. xj8„
Î I V E R S E L L Ê . j t
éclore. (5 ) On l’invite par des chants
â se rendre aux voeux des mortels. Mai»
avgnt de chanter son retour , on célèbre
des fêtes lugubres (6) en honneur de
ses souffrances et de sa mort. Il a ses
mystères (7), et ses initiés, qui ont
pleurer sur son. tombeau , partagent la
douleur de Vénus et sa joie. Car c’est
elle et Proserpine, qui tour-à-lou-r
jouissent d’Adonis et le perdent.
Corsini (8) met un intervale entre Ief
deuil de la mort d’Adonis et la fête de
son retour à la vie. Il place la première
à l’entrée du Soleil à l’Equinoxe d’automne
, ou a ü 8 mit. kal. oclob. ,
et celle du retour au 8 ont. kal. april. ,
ou au jour de Pâques,. au même jour
où Christ étoit censé ressusciter. Cependant
il incline pour unir ces deux
fêtesà l’Equinoxe du printemps, comme
nous faisons ; c’est-à-dire , qu’il suppose'que
la fête du deuil de cette prétendue
mort a été rejetée deux ou trq!s
jours avant la résurrection; eusorfeque,
quoiqu’Adonis fût censé mourir en automne
, cependant la cérémonie de sa
sépulture fut remise au temps où l’on
chantoit sa résurrection. C’est ce qu’ont
fait les Chié tiens, et ce que faisoient
les Assyriens, suivant Lucien-
C’est aussi le lieu de se rappeler ce
que nous avons dit, d’après l’ouvrage
de cet auteur sur la Déesse de Syrie.
Il nous y donne une idée abrégée de la
fête d’Adonis , de sa mort, et de son-
retour à la vie. Suivant lui, les habitans-
de Biblos, lesquels, au rapport de San-
choniaton, avaient,pour premier Dieu
lïelios mis à mort par des bêtes féroces,
ordonuoient tous les ans une fête do
.deuilen l’homieur d’Adonis, jeunechas-
sçur de leur pays, qui avoît été tué pur
un sanglier. Dans leu.” douleur, ils semeur
trissoient de coups , se lamentoieu t
(5) Plnlostrat. vit. Apoïl. 1. 7. ch. 144-
(6) I.ucian, d eD e â S y r .p . 878. -
(7) -Justin. Apolôg. 1. 2. p .6 9 .
ÇBj Corsini, Fast. A lliq, T . X. p. 297.390»