vent pas avoir plus de ressemblance ,
et dans leur marche , et dans leur
but; et je ne doute pas , que , s i, au
lieu d’un extrait aussi abrégé de cette
doctrine des Mages , nous, eussions un
ouvrage complet , comme celui du
Prophète, ou de l’Hiérophante Jean ,
on n’y découvrît une foule d’autres
rapports. Au moins il est certain , -
que ces rapports sont parfaits dans le '
plan , et dans le but général; ce qui
nous suffit, pour ne pas douter , que
ce ne soit l’ouvrage du même génie
Mystagogique sur la doctrine des deux
principes , dont l’un , dit Plutarque ,
ou le Bon, s’appelôit D ieu , et l’autre,
ou le -mauvais , s’appeloit Démon.
Cette doctrine , 'observe Plutarque ,
étoit consacrée dans les initiations et
dans les institutions religieuses, tant
des Grecs que des Barbares; et venoit
des premiers Législateurs, et des anciens
Théologiens. C’est-à-dire, qu’elle
prenoit sa source dans le besoin, que
les Législateurs eurent de s’unir aux
Prêtres, pour imaginer les fictions religieuses
, nécessaires pour contenir les Ïieuples, et pour ramener au devoir par
’imposture , comme dit Timée , ceux
qu’on ne peut y rappeler par la seule
raison. Elle eut la même origine que
la fable de l’Elysée, et du Tartare ,
que le dogme de la Providence ; la
même que l’institution des mystères ,
dans lesquels.on enseignoit cette doctrine
, afin de fortifier les lois par l’opinion
religieuse e comme nous l’avons
fait voir ailleurs, avec plus d’étendue,
dans notre examen des mystères.
Celse, dans Origène Q) , a très-bien
connu le but que s’étoient proposé les
anciens Législateurs , en créant ces
sortes de fables, si propres à effrayer
la terre, et à contenir les hommes par
le frein de la crainte religieuse. « C’é-
» toit, dit-il, pour étonner les âmes 1
» simples, à qui on faisoit redouter des
» vengeances , qui d’ailleurs n’avoient
» aucun fond de réalité. On peut as-
» similer , continue Celse, ces fictions
» effrayantes des Chrétiens aux plian-
» tôines , et aux autres objets de ter-
» reur, que l’on présentoit aux Ini-
» tiés , dans les mystères de Bacchus.
» Il ajoute, que la fable des déluges
» de Deucalion , et ces périodes suc-.,
» cessives de submersion , et d’embrâ-
» sement de l’univers , avoient donné
» lieu aux Chrétiens d’imaginer leurs
» fables sacrées , et sur-tout celle de
>j la fin du monde , par le feu, au mp-
q ment où leur Christ viendroit juger
» l’univers». Origène répond à Celse
(2) , que chez les Grees , et chez les
autres peuples, ces destructions étaient
attribuées au mouvement des astres,
et à leur retour périodique à certains
aspects : au lieu que , chez les
Chrétiens , on regardoit cçs grands
désastres , comme la suite de la mali|e
des hommes , dont la perversité alloit
toujours croissant, et sollicitoit la vengeance
de Dieu , qui par le feu et par.
l’eau détruisoit les générations coupables.
Origène a donc donné à ces fie-'
tions le véritable motif, qui les a fait
imaginer, et marqué leur but moral
et mystagogique. Aussi dit-il plus haut
(3) , que le but que se proposoient les
docteurs Chrétiens , en propageant
cette doctrine , étoit de corriger le
genre humain, soit en imprimant la
crainte des peines, soit en encourageant
par l’espoir flatteur des récompenses.
Origène , sans le vouloir, nous
a donné le mot de l’énigme, et décéle
le secret des Législateurs et des Prêtres.
Origène a eu tort de dire, que
les Chrétiens ne regardoient pas
céi événemens comme provenans des
mêmes causes, que celles auxquelles
les attribuoient les Payens ; puisqu’il
(1) Orig, contr. Cels. 1. 4. p. 172.
yjJ Ibid. p. 173. (3) Ibid. p. 172.
est certain par Sénèque (1), que ceux-
ci snpposoifnri qu’ils n’avoient lieu ,
eue lorsque les Dieux vouloient donner
à la terre un ordre de choses meilleur
que le premier , qui avoit dégfr-'
néré, et la faire habiter par une génération
nouvelle , qui eût. toute son
innocence. Quoique les livres Juifs
n’attribuent pas aux astres le déluge ,
il n’en est pas moins vrai aussi, que
quelques auteurs supposent, que Noé
ou Xixutrus avoit pressenti le déluge,
par une suite de la counoissance, cju’il
avoit de l’Astronomie ; en sorte que
l’on ne peut pas dire, que ce soit deux
idées opposées, que d’attribuer cès révolutions
à la marche des Cieux , et à
[ la colère divine , puisquloü süpposoit
i que les Dieux àvôi'ent ordonné la
Nature, de manière que' les -boule-
versemens arrivassent, "au moment où
[les générations se seroient entièrement
1 corrompues. Il n’en deméute donc pas
[ moins certain , que chez les Payens,
| dans Ovide, dans Hésiode, comme chez
[ les Chrétiens, les Submersions , et la fin
I des: générations ont été amenées ,
[pour punir la corruption des hommes.
IC’étoit-là cette terrible leçon ,que l’on
[ donnçiitaux Initiés; c’étoient-làces ven-
I geaneès des Dieux, dont on devoit sou-
I vent leur imprimer la crainte, suivant
I Timée. Enfin c’éfoit là le grand res-
Isort politique et religieux , dont on se
I servait pour mouvoir les hommes , par
[l’espérance, et la crainte.
| C’é toit donc avec très-grande raison,
MKe Celse , à l’occasion des peines
I éternelles (2) , comparoit tout ce que
I les Chrétiens pouvoient enseigner à
[ égard , à cé qu’enseignoient tous
I es chefs d'initiations , et tous les Mvs-
I tagpgues anciens , et qu’il disoit ,
I qu’ils n’avoient fait que se copier , et
| que les uns et les autres n’étoieut pas
I P us fondés en vérité, dans leurs as-
| sertions , et leurs menaces. On berça
fri ®?qcc' Quoest. Nat. f! 3. c. 20. 30,
{2> 0r'g- CoBtr. Cels. 1. g. p. 420.
donc les peuples de l’espoir d’un meilleur
ordre de choses. On fit espérer
aux Juifs un Messie , qui les délivre-
roit de l’oppression , où ils gémissoient
ici bas, et qui établirait son règne glorieux
sur la terre. On leur parla d’une
nouvelle Jérusalem, d’une Cité sainte,
qui s'élèverait sur les ruines des générations
présentes , désignée Sous le
nom de Babylone, ou de terre de prostitution.
C’etoit après cette brillante
habitation, que soupiroient tous les
Initiés 'aux mystères de la Lumière ,
qui seuls auroient droit de l’habiter.
C’étoit-là leur Elysée, dans lequel les
âmes vertueuses dévoient un jour passer
, lorsqu’Ormusd auroit vaincu
Ahriman, et l’auroit en'chaîné'à jamais
dans l’abyme , avec ceux qui se seroient
attachés à lui, et qui.auroient
pratiqué- les oeuvres de ténèbres. Tel
étoit, en dernière analyse, le résultat
des espérances et des craintes , dont
on berçcït les Initiés aux mystères
-d’siries , ou du Soleil Equinoxial de
Printemps, uni à l’Agneau Equinoxial,,
ou Paschal, au moment où le Dieu de
la Lumière remportait son triomphé
sur les ténèbres de l’hiver. C’étoit une
véritable Théophanie, qu’on se promettait,
tous les ans, à cette époque;
et c’est, Sans doute , ce qui lui « fait
donner le nom, par les anciens Mysfa-
gogues, cl’Agneau de la Théophanie
13) > 011 du ms d® Théophanes. Aussi
étoit-ce à Pâques, ou durant le P e r -
t’ igilium, Paschoe, que l’on attendit
long-temps , durant les premiers siècles
de l’Eglise , la fin du monde , et le
passage des âmes vertueuses dans la
Cité sainte, que l’Agneauèclairoit. dé
sa lumière. C’étoit la grande attente des
premiers fidèles-. On les entretenoit
tous les ans de cette chimère, de la venue
•de l’Epoux, des Nôces de l’Agneau.
Isidore de Seville (4) observe , que
la nuit de Pâques étoit une veille sa-
(3) Hygin. ï*ab. .18®.
(4) Origin. 1.6 . c. i6.