règne de J. C. sur là terre, et que les
hommes jouiront des plaisirs du corps
'dans Jérusalem ; qu’ils passeront 1000
ans dans des fêtes nuptiales, etc. Ce
sont là précisément les dogmes de l’Apocalypse
attribuée à Jean , et que
Caïus regarde comme l’ouvrage de Ce-
riuthe.
Denys d’Alexandrie fut plus circonspect
dans son jugement, que les
auteurs, dent il cite le témoignage contre
l’autorité de l’Apoealypse. « Pour
»> moi, dit-il, je n’osei’ois rejetter en-
» tièrement ce livre , sur-tout parce
n que plusieurs de mes amis le reçoi-
,, vent. Je le regarde comme étant au-
>j dessus de ma portée. Je crois , qu’il
»» renferme un sens admirable , mais
>j un sens'mystérieux et caché. Car,
» quoique je n’y entende rien , je soup-
jj coune qu’il y a quelque sens sous ces
jj paroles, et donnant plus à la foi qu’à
jj mon propre jugement, je les estime
jj trop sublimes, pour être entendues
jj par un homme pomme moi. Ainsi,
jj je n’ai garde de condamner ce que
jj je n’entends point ; mais j’admire
jj ce que je ne peux comprendre ». La
première partie de cette dernière phrase
est aussi philosophique, que la dernière
l’est peu. Au reste , elle exprime un
sentiment de modestie aussi rare que
louable.
Il ne convient pourtant pas, que cet
ouvrage soit de St. Jean. Je n’accor-
derois point facilement, dit^il, ensuite,
que St. Jean en fût fauteur , quoique
St. Jean fût un homme inspiré du St,
Esprit. Il tâche même de prouver le
contraire , par une espèce d’opposition
qu’il met entre les Ecrits de cet Apôtre
et l’Apocalypse, qu’il attribue à un
autre Jean,
Il paroît, par les paroles de Denys,
que le grand nombre des Eglises n’ad-
mettoit pas ’ce livre ; autrement , au
lieu de dire qu’il n’ose le rejetter, parce
que quelques-uns de ses amis le reçoivent,
il eût dit, parce que grand nombre
d’Eglises l’admettent. Dire que plu.
sieurs le recevoiert t de son temps, c’est
annoncer aussi, que plusieurs ne le
recevoient pas. Il y a quelque chose
de plus précis; c’est, que l’Apocalypse
ne se trouve point dans le Recueil intitulé
, Canons Apostoliques , qui
est le Code de l’ancienne Église. Il y
a même cette différence, entre les Pères
qui ont admis l’Apocalypse , et ceux
qui lui ont donné l’exclusion ; c’est que
les premiers l’admettent, sans paroître
s’embarrasser comment elle leur est
venue , et que les autres ne la rejettent,
qu’après un examen critique.
Après avoir conduit nos témoins
pour ou contre l’Apocalypse jusqu’au
milieu du troisième siècle , nous allons
continuer, l’examen des opinions, que
l’on a eues sur ce livre, dans les siècles
suivans. Le premier commentaire, que
l’on ait eu de l’Apocalypse, est de Yic-
t.orin. On le trouve dans l Index delà
Bibliothèque des Pères. Mais c’étoit la
destinée au premier Commentateur
de l’Apocalypse d’avoir la réputation
d’un, fort médiocre Ecrivain ; et son
explication la justifie.
Après lui vient Lactance, qui étoit
Millénaire , comme Victorin. Il ne
fait que quelques allusions à l’Apocalypse,
par la raison qu’il a coutume de
citer très-rarement l’Ecriture et souvent
les Sibylles , dont les fables furent
adoptées par les Chrétiens , ainsi que
les écrits des Trismégistes.
« Le fils du grand et suprême Dieu,
jj dit Jjactance, viendra pour juger les
jj vivans et les morts, selon le témoi-
» gnage de la Sibylle. Mais quand il
jj aura détruit toute injustice , rendu
jj le grand jugement et ressuscité tous
jj les justes , qui ont été depuis lo
jj commencement du monde , il de-
jj meurera 1000 ans parmi les hommes
jj et il les gouvernera très-justement »•
Et ailleurs , dans l’Epitome de ses msprédites
par Trïsmcgîste, par ttyüas'pê
et par les Sibylles. Pour moi, malgré
la prévention qu’on a pour ces derniers
ouvrages , je ne doute point qu’ils
n’aient dû renfermer une doctrine en
beaucoup de points conforme à celle
des Chrétiens , puisque ceux-ci n’ont
rien créé, mais ont tout emprunté des
Cosmogonies de l’Orient et de l’Egypte.
Les Sibylles étoient des Prophétesses ,
comme celles de Pepuzza , et dévoient
enseigner la même doctrine mystique.
Nous retrouvons dans les opinions des
Mages ou des collègues d’Hy daspe, dans
j’Apocalypse , les traces de la Religion
Mithriaque, dont le Christianisme est
[une branche. Lactance pouvoit donc ,
avec quelque raison, S’appuyer de cesou-
[vragej,autant que de l’écritureChré tien-
[ne, qniportesurles mêmes principes, et
Joui a emprunté d’eux le fond' de ses
■ fictions, sur lequel elle a mêléuue triste
■ broderie.
I Eustbe (i) , qui avoit fait beau-
Icoup de recherches , et qui est l’his-
itorien de la créance de son temps ,
■ doute fort si l’on doit admettre l’A-
Ipocalypse comme livre Canonique.
1 “ Pour ce qui est de l’Apocalypse ,
l» dit-il, on en doute encore aujour-
I» d’hui, de même que j’ai dit que
i» leu anciens en ont douté , comme
J ’ je l’ai fait "voir ailleurs , en allé-
■ > guant leurs propres paroles j j . Après
■ voir donné le catalogue des livres
■ tconnus pour vrais, et celui des libres
tout-a-fait faux , il ajoute « que
W *’°n peut, si l’on veut , mettre dans
* ceMe dernière classe l’Apocalypse
* j 6 B H P S | que les uns rejettent
11 du nombre des livres de l'Ecriture ,
et que les autres admettent ». Rien
■ est plL!j cia;r qlie ces paroles d’Eu-^
■ )e> qui dans un autre endroit con-,
®cture, que l’Apocalypse est de Jean ,
»»‘■ nommé le Prêtre.
■ fie fameux ouvrage intitulé Synop-
■ ’ 011 Abrégé de l ’Ecriture , donne
■ (0 Hist.Ecd. U 3. ch. z5.
Aelig. Un'w. Tome I II .
* § f
un rntrilcg’t? de; livres Canoniques,
et on y lit à la fin ces paroles : « II
» y a de plus l’Apocalypse de Jean le
» Théologien , reçue et approuvée ,
» comme étant de lui ». L ’auteur de
la Synopie, qui lui-même rejetoit l’Apocalypse
, ajoute que quelques - uns
l’attribuoient à St.-Jean. L ’épithète
de Théologien donnée à ce Jean , quel
qu’il fût , est la véritable dénomination,
que mérite l’auteur de l’Apocalypse
, ouvrage mystique contenant
tous les principes de la théologie Orientale
. Mais ce qui prouve que l’Apocalypse
n’étoit pas encore dans le Canon
, c’est le ^Concile de Laodicé , le
premier que nous commissions, qui ait
dressé le Catalogue des livres sacrés. Il
fut tenu vers l’an 360 par trente-deux
Evêques d’Asie. On y donne la liste
des livres Canoniques , les seuls qu’on
dût lire dans l’Eglise, dit le Concile ;
et il n’y est point question de l'Apocalypse.
Il est étonnant, que des Evêques
d’Asie ne connussent pas un ouvrage
écrit en Asie par St.-Jean, fondateur
des Eglises d’Asie , et prédécesseur
des mêmes Evêques, qui au-
roient ainsi proscrit ira ae ses ouvrages
, et cela à Laodicé , une des sept
Eglises nommées dans l’Apocalypse ,
et à laquelle St.-Jean rend un témoignage
si glorieux. Cependant ces Evêques
d’Asie n’étoient pas des esprits
forts , qui demandassent de grande*
autorités pour croire , si on s’en rapporte
à St.-Augnstin , qui d’un seul
trait nous trace | le caractère de ces
Evêques Asiatiques. Il dit dans sa
note sur ces mots de l’Evangile Saint-
Jean , « que ce disciple ne mourroit
» point ». II dit que des gens d’Ephè-
se , qui avoient beaucoup d’esprit, et
qui ne croyoient point à la légère ,
avoient assuré que St.-Jean n’étoit
pas mort ; qu’à la vérité il étoit enterré
dans leur ville ; .mais qu’il étoit
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