iô4 R E L I G I O N U N I V F R S E L L E.
D I S S E R T A T I O N
SUR L E S G R A N D S C Y C L E S ,
£ T
S U R LES C A T A S T R O P H E S
d ’est une erreur , qui a été com-
jnui e à bien des peuples et à bien des
siècles , que la ci oyance de la fin du
monde , et de sa régénération , par
l’eau et par le feu, après de longues
périodes, connues souslenom degrandès
années , qui en s’achevant terminoient
un ordre de choses dans l’univers ,
pour en reproduire un autre plus ou
moins parfait , suivant une marche
progressive , que la nature ne donne
point, et que l’esprit de l’homme seul
pouvoit imaginer. Cette opinion sur les
grandesApocatasta-es, néeen Orient,
avec toutes les autres fables, dont, cette
région semble avoir toujours été le
berceau, a passé jusqu'en Occident, et
la frayeur, que les Hiérophantes de
l ’Asie ont cherché à imprimer aux
timides mortels , s’est propagée partout
où la crédulité 'a étendu'son-immense
empire. C’est à la philosophie,
qui s’instruit eucore plus à observer
l ’origine et les progrès des erreurs de
l ’homme, qu’à suivre celle de ses con-
noissances , qui sont toujours resserrées
dans un cercle très-étroit , à remonter
vers la source de ces fictions,
et à faire sortir la vérité de d. ssous
le voile, dont la fable l’a couverte. On
nous pardonnera de réveiller encore
ici le nom d’une science , qui a gouverné
si long-temps l’Univers : et qui ,
Q U I L E S T E R M I N O I E N T .
à juste titre , est enfin proscrite parmi
nous , celui de l’Astrologie.
Le peuple, c’est-à-dire le très-grand
nombre, plus avide d’être trompe,
que l’imposteur le plus hardi.n’est de
séduire, fournit dans tous les siècle^
contre lui ,.. un«' arme , puissante taux
tyrans de sa raison , laquelle toujours
malade se laisse aisément prendre aux
proniessesin téressées de ces dépositaires
prétendus des secrets de la nature et
delà Divinité. Onconsultal’^slrologiè
§ur le destin de l’Univers, comme on la
consultoitsurceuxdel’homme,sur ceux
des rois et des Empires-Une vérité pby?
sique fut la source de Perreur. la plus
étendue.
Les anciens étaient persuadés, qu’il
n’y a point un seul effet dans fa lia,
türe, qui ne soit le résultat dp système
général du monde-;, que touI-Y
est lié , et dépend d’une combinaison
de mouvemens, d’actions , et de réac*
fions entre toutes les parties ; et qui
y a une chaîne, immense de causes et
d’effets, qui s’é tend depuis les sornnifts
de l’Olympe, jusqu'aux abymesks plus
profonds de la terre, et qui unit entre
eux tous les membres du vaste corps*
que plusieurs appeloientla Divinité)e
d’autres son fils, et son ouvrage- 1 '
formes, des corps ne se composant *
lie se décomposant , qu’en vertu 11
R E L I G I O N U
mouvement imprimé à la matière ter-
jrstre, inerte de sa nature, la cause qui
phnprimoit étoit la matière active et
[intelligente, qui constituoit l’essence des
[corps célestes, toujours en mouvement,
[et seuls principes des autres mouve-
incns, qu’on apperçoit dans l’univers.
Eux seuls , par leurs allées et leurs veuilles
, leurs levers et leurs couchers,
Lleur iloignemeut et leur retour , leurs
[distancesrespectives ou leurs réunions
[modifioient les quatre éiémens , les
latténuoient ou les condensoient, et enl.
fin leur donnoient le mouvement pro-
|.pre à produire cet arrangement de nio-
Eecules , d’où dépend-l’organisation de
lehaque corps particulier.
I Le Ciel gouvernoit donc impérieu-
Isement la terre ; et par les formes va-
Iriées, qu’il prenoit, il varioit aussi à
lehaque instant celles de la terre, de
Maçon qu’il y avoit une correspondance
Inécessaire entre le monde, qui conte-
Inoit les effets, ou le monde sublunaire,
let le monde qui renfermoit les causes
■ joli le Ciel. De là cet axiome si connu
■ chez les Astrologues : « Les formes
lu d’ici-bassont soumises aux aspects du
lu monde supérieur on des Cieux ». Ce
Iprincipe une fois établi, il s’en suivoit,
Iqùe si les combinaisons différentes des
■ aspects , malgré leur variété prodi-
■ gieuse, ne s’étendoient point à l’infini,
■ mais pouvoient être renfermées dans
■ un cercle limité , quoiqu’immense, le
■ fwcle des variations de la cause étant
■ parcouru , celui des effets l’étoit aussi,
■ etles premiers aspects, venant à se re-
■ produire -, ramenoient aussi sur la terre
■ fs premières formes , et la nature céleste
et terrestre reeommençoit sa rnar-
Jcue. Cette supposition des retours étoit
■ tausse - mais elle étoit nécessaire pour
f Astrologie ,, et ôn en fit le principe
fondamental de la science Genétbliaque.
■ 1 de cette supposition qu’est pu-rti
■ ’ irgile ,i lorsqu’il nous dit , dans sa
■ b) Virgil, Eclog. 4. v. 6. et y,
D I V E R S E L L E . rSS
quatrième Eglogue ( i ) , que le règne
de Saturne , et les beaux jours du siècle
d’Astrée vont renaître. Que l’âge de
fer va faire place à l’âge d’or, et ramener
sur la terre une génération plus vertueuse.
De toutes les Eglogues de Virgile, il
n’eu est point sur. laquelle les commentateurs
aient plus,exercé leur critique,
que sur cette quatrième Eglogue.
Les uns y oiit vu l’éloge du sièclç
heureux d’Auguste , figuré par l’âge
d’or; ceux-ci un chant Genéthliaque,
composé à l’occasion de la naissance
d’un enfant illustre, Marcellus, suivant
quelques-uns ; Drusus , suivant d’autres
; le fils de Pollion, suivant Servies.
D’autres enfin , plus religieux qu’éclairés
, y ont cru voir une prédiction
de la naissance de Christ , et de la
régénération spirituelle des hommes ,
annoncée par l’ancienne Sibylle. Nous
ne nous arrêterons pas à examiner, jusqu’à
quel point chacun de ces divers
sentimens est fondé , parce que le but,
que nous nous proposons dans cet ouvrage
, n’est point de décider cette
question , trop peu impoytante" pour la
science et pour la Philosophie. C’est à
la théorie même de cette Eglogue , et
aux idées cosmogoniques qu’elle eon-
tieut, que nous nous attachons , et on
en trouvera les principes et les conséquences
dans cet ouvrage.
Le Poète quitte le tou simple de la
pastorale , et s’élevant à la hauteur
du style épique , il embouche , pour
ainsi dire, la trompette, qui dans les
fictions cosmogoniques anponçoit la fin
des générations, et il entonne deso hauts,
qu’on n’étoit point accoutumé d’euten-
dre au milieu des buissons , et sur
l’humble bruyère (2).
. A sa voix, l’univers entier paroît s’é-.
branler ; lé Ciel, la terre , la mer, agités
de secousses violentes , semblent
pressentir le moment qui va finir fa
(a) Virgil. Scldg. 4*;v. 1.
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