» La Lune remplie d’ames s’en dé-
» charge dans le Soleil ; puis elle en
» reçoit aussitôt d’autres, par le moven
» des vases qui descendent et qui mon-
5> tent sans cesse. Et lorsqu’elle a remis
» ces âmes aux Æous (aux intelligences)
» du Père, elles demeurent dans la Co-
x lonne de la gloire, qui est appelée
x l’^dir parfait. Cet Jiir parfait est
j> une colonne de Lumière, parce qu’il
» est tout rempli d’ames purifiées ».
Cette colonne de Lumière ( i ) , cet
air parfait, dont parle ici l’auteur Manichéen
, est évidemment cette colonne
Lumineuse, semblable à l’Iris H à l’Arc-
en-Ciel, dans lequel Platon fait passer
les âmes vertueuses, après le jugement
et après un repos de sept jours dans
la prairie , comme nous l’avons vu plus
haut. C’est aussi l’Ether libre ou la
Lumière Etherée de Pythagore , dans
laquelle il place l’Elysée ou le séjour
des Bienheureux (2).
Enfinc’estbien là cette CitéSaiute, la
Jérusalem Céléste,illuminée de laclarté
de Dieu , telle que la représente l’A -
pocalypse (3).
Ce sont différentes expressions, divers
emblèmes duséjour Lumineux, qui
reçoit les âmes qui ont bien vécu, et-
qui ont été suffisamment purifiées.
L ’Auteur de l’Apocalypse ayant
adopté dans son ouvrage les principaux
dogmes des Manichéens , qui étoient
ceux des Mages, et entre autres le système
des deux principes et tracé l’image de
leurs combats et de leurs victoires successives
, il u’est pas étonnant, qu’il en
ait aussi conservé les allusions Astrologiques.
Car il est évident, que la roue
à douze vases, qui enlève avec elle les
âmes desmorts,etquilesfait passerdans
la colonrie de gloire et de lumière ,
après qu’elles ont été épurées dans la
(1) P la to , deRepuJhl.l. 10. p. 616.
(2) Hîerocles aurea Cann. v . 70. p. 3 11.
(3) Apocalyp. c. 2 1 ..v. i \ e t 23.
(4) Hyd. Comra. arlülugbeig. p. 29 et3<3,
JR.iccio.li , T, I. 49a.
Lune et dans le Soleil, que cette grande
roue est le Zodiaque | par lequel se fai.
soit, cette A.nalepse ou retour des aines
le Zodiaque,' appelé chez les Hébreux
la grande Roue des signes, Rota &V.
norum( 4).
L ’auteur de l’Apocalypse (5) désigne
sa ville Céleste par le nom de Tabernacle
, lorsqu’en montrant la ville Sainte
il dit: « Voici le Tabernacle de Dieu
» avec les hommes , où il demeurera
» avec eux». Or ce mot est le même
par lequel l’auteur du Pimander, ouvrage
attribué à l’Egyptien Hermès,
nomme le Zodiaque. Tabernaculum
istud, dit - i l , Zodiaco 'circula cons-
titutum , qui e x duodenario constat
(6).
Les Orientaux, observe judicieuse*
ment Beausobre (7), sont en. général
fort mystiques, ils se servent d’emblèmes
et de figures pour représenter
leurs pensées. Prendre-pes emblèmes à
la lettre, c’est prendre l’ombre pour la
réalité.
Les Manichéens ( 8 ) avoiént leurs
figures , et celle de là 1 roue à do.üze
vases et à douze sceaux présente une'
idée simple du Zodiaque èt de ces douzè
signes. La Sphère, qui fait tourner la
roue.estla Sphèrè suprême, qui passoit
par le premier mobile. C ’est une ancienne
idée des Philosophes, que le Ciel
gouverne la terre , et que les Anges
des Planètes et des Etoiles , dispensant
tout ce qui arrive ici-bas , président
sur la naissance et la mort des animaux
et sur les événemens , qui ne dépendent
pas de la liberté des créatures intelligentes.
Le gouvernement céleste estes
qu’ils appeloient Destin ; et comme E
mouvement duCiel, dont il dépend,est
circulaire , les Anciens l’ont compare
à une roue.
(5) A'pocal. c. 2r. p. 3. (6) Hernies in Poemandro.
(7) Beausobr. T , 2, p. 5o i , -
(B) Ibid. p. 503,
Clément d’Alexandrie (1) remarque,
qu’il y avoit dans les Temples Egyptiens
une roue qu’on faisoit tourner,
et que cet hiéroglyphe etoit une image
dndestin et des révolutions qu’il cause
dans notre monde : idée simple, dans la
supposition presoue généralement reçue,
que les intelligences célestes, qui
résident dans les Astres , gouvernent le
monde inférieur. J’ajouterai à ces réflexions
du savant Beausobre une autre
considération, fondée sur l’analogie:
c’est que si Platon a divisé sou instru-
mentdefatalité, qui descend oit do sommet
de la Lumière Etherée jusqu’à
terre, en "sept couches concentriques
d’un fuseau, que tiennent les Parques
au-dessus des* Cienx , les Manichéens
ont pu prendre le Zodiaque au lieu des
Planètes , et figurer la fatalité , qui en
dépend, par une roue à 12 vases, comme
Platon , par un fuseau à sept cercles,
celle qui dépend des sept Planètes.
Enfin, comme Platon fait passer lés
âmes vertueuses dans la colonne de
Lumière où roule le fuseau ; les Manichéens
y ont pu faire circuler le
sommet de leur roue à douze vases; et
Jean v établir les fondemens de sa
ville à douze portes, dans laquelle se
rendent les âmes purifiées. |
Les douze vases, dans lesquels sont
enlevées les âmes vers le Ciel, et qui
les versent dans le Soleil, et de là dans
la colonne de Lumière, répondent aux
douze portes de la ville Sainte (2) par
lesquelles;les'âmes vertueuses de l'Apocalypse
entrent dans la Cité Lumineuse
de l’A gnean. Les douze Apôtres
fiul y président, et qui Ont leur nom
écrit sur les.fondemens de la muraille,
répondent aux Eons des Manichéens,
qui comptent aussi-douze de ces Eons
ou intelligences , qu’ils appellent les
douze Gouverneurs-( 3)- Ce sont les
f1) Slrom. p. 538. ...
(~) C. 21. v. i i et 12. v. 14.
vv Beausobre , T . 2. p. 5o^;
i ’ elig. Unie. Tome I II.
douze grands Dieux des Egyptiens, des
Grecs et des Romains , dont le premier,
Jupiter Ammon , emprunte les
attributs à'jiries. Carnous croyons, < juo
les.douze grands Dieux de l’antiquité,
les douze Apôtres de l’Agneau, les
douze fils de .face,b , les douze autels
de Janus . les douze pains de proposition
, la couronne de Junon aux douze
étoiles , les douze rayôrts de la cou ronne
d’Apollotl , sont, autant d’em-
blènî'rs, relatifs aux douze signes et aux
douze intelligenc es qui y président. Ces
douze Gouverneurs ou Eons des Manichéens
, qui font passer les âmes purifiées
dans la colonne de gloire et de
lumière, sont aussi les douze Modé-
tateurs de la ville Sainte , par laquelle
les Cabalistcs re pré Sent oit ■ monde ,
et dont nous avons parléJp!us haut, en
citant le passage de Simon Joacbitès.
Les Cabalistcs et les Rabbins avoient
adopté les principes de l'Astrologie
Orientale (4'. «Toutes les Etoiles ser-
» vent aux l’ianètes, dfeôient - ils , et
» les sept Planètes aux douze signes du
» Zodiaque ». Aussi avons-nous vu ces
deux nombres sept et douze , ou ceux
des Planètes et. des signes combinés avec
les Constellations extra-zodiaeâles, entrer
à chaque page dans la composition
de cfet ouvrage.
Tous les signes du Zodiaque , ajoutent
ils encore (S) , servent à la nouvelle
Lune et à la génération des hommes
, et c’est par eux que le monde
subsiste. C’est-là certainement l’origine
de la fiction de la roue et des douze
vases , qui versent les âmes dans la
Lune et dans le Soleil. Cet Astre, en
parcourant les douze signes, préside
sur toutes les révolutions. C’est lui qui,
rassemblant ici les particules des âmes,
et là les séparant , fait, tourner la
roue, ( 6 ) qui produit les révolutions
(4) Pirke E lieZ , c.6 ,p. 9.
(5) Ibid. p. 14.
(6) Beausobr. T: 2. p.- 504.
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