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 universelle.  Aux  témoignages  d’Orphée, 
  de Virgile, d’Ovide, il joint ceux  
 des  Philosophes  Thaïes ,  Pytbagore  ,  
 Anaxagore  ,  Antisthène  ,  Géante  ,  
 Anaximène ,  Chrysippe ,  Zenon,  etc.  
 et il ajoute, que malgré la différence des  
 opinions  sur  la  Divinité,  ces Philosophes  
 s’accordent  pointant  tous  à  vc-  
 counoître  l’unité dans  l’administration  
 de l’univeïs, ou l’unité du principe modérateur  
 de  toutes choses. 
 S.  Justin  (i) s’est  attaché à' prouver  
 la même  conformité  de  doctrine  chez  
 lesThéologiens.Chrétiens, chez les plus  
 savans Philosophes, tels que  Pythagore 
 (2)  et chez les Poètes Payensjee quipous  
 seroit aiséde justifierici, en rapportant  
 les passages de  ces mêmes philosophes,  
 au moins deceux dont les ouvrages sont  
 venus  jusques à  nous.  Mais ces  détails  
 nous conduiroient trop  loin ,  et la chose  
 est  si  connue,  que  nous  n’accumulerons  
 pas les preuves. Nous nous contenterons  
 de celles, qu’apportent les défenseurs  
 de  la  Religion  Chrétienne  eux-  
 mêmes , pour démontrer l’antiquité de  
 leur doctrine et  son  universalité,  aveu  
 qui est du  plus grand poids  pour nous.  
 Car  nous  nous  proposons  ici  de  faire  
 voir, que  le  dogme  de l’unité  de  Dieu  
 n’est  point  particulier  aux  Chrétiens,  
 mais  qu’il  fàisoit  la  base  de  la  Théologie  
 de tous les anciens  peuples, malgré  
 la multitude des  êtres  secondaires,  
 qu’on  a subordonnés  au  premier  principe  
 ,  et  qu’on  a  qualifiés  souvent,  
 comme  lui  ,  du nom  de Dieu. 
 Je sais, que les Chrétiens prétendent  
 prouver par-là,  que les Payens avoient  
 eu  ces  idées  par  une  suite de  la  révélation  
 ;  mais  outre  que  la  révélation  
 est une absurdité, je réponds qu'il n’est 1 2 
 (1)  St.  Justin. Cohort. ad Gept. p.  i 3 . 
 (2)  V ita .  Pvlii.  Phot.  Cod.  25ÿ. 
 Plut,  de Placit. Phil.  1. 11 c; y. 
 Macro b.  Somn.  Scip.  1.  1.  c.  6.  Sat. 
 fi  j .   c.  18. 
 Biog. Baër. prgjni. p , 3, 
 Sy.Vt, lùiaar. 
 N I V E R S E L L E . 
 pas besoin  d’avoir  recours  à cette nia-  
 chine surnaturelle ,  quand nous voj'unj  
 la  suite  des  abstractions  philosophé  
 ques  ,  qui. ont  conduit  les  anciens  
 à  reconnoître  l’unité  d’un  premier  
 principe  ,  et  qu’ils  lions  disent  eux-  
 mêmes , pourquoi on doit admettre l’unité  
 , ou la monade  première.  Car non-  
 seulement  ces  Philosophes  reconnussent  
 cette unité de Dieu , mais  ils nous  
 disent, pourquoi  ils  l’ont  admise ,  et  
 les  raisons  qu’ils  en donnent sont sim,  
 pies et nées de  la marche de la nature,  
 et  de  celle  de la manière, dont Pcsprit  
 de  l’homme  a dû  l’envisager.  C’est ici  
 que  l’on  peut  dire,  Comme  Horace:  
 Nec  Deus  intersit, nisi  digjius  vin-  
 dice  nodus....  Nous  n’avons  que  faire  
 de  recourir  à  l’ intervention  de  la Divinité  
 , quand la réflexion la plus simple  
 explique tout, parce que la réflexion la  
 plus simple a suffi pour tout imaginer. 
 L’imitéxl’action et la correspondance  
 de  toutes  les  parties  du  monde  vers  
 un  centre  commun  de mouvement et  
 de  vie,  qui entretient  son harmonie et  
 qui en  produit l’accord  , a  conduit le$  
 hommes, q.ui regardoient ce grand T ont  
 comme  un  Dieu  ,  à  admettre  l’unité  
 de Dieu (3) ou duTout, regardé comme  
 Dieu.  Elle  a  également  conduit  ceux  
 qui  regardoient.  l’univers  comme  11a  
 grand  effet à admettre  aussi  la  cause,  
 unique, d’un ouvrage unique dont.toutes  
 les parties  sembloient  tendre à l’unité,  
 ensorle  que  l’unité  de  l’effet  fit  imaginer  
 l’unité  de  dessin  et  l’unité  de  
 cause. Au  moins,  c’est  ainsi  que ces  
 Philosophes  expliquent  le  motif, lit'  
 doit  faire  admettre  l’unité  , du  pre  
 mier  principe.  Je  reconnois  à  ce  raisonnement  
 1 homme, et je  n’ai  pas be- 
 Hypolh. Pyyrh.  c.  33. 
 (3)  Jamblicb. deMyst. Ægypt.  c.  26-33'3?' 
 Procl. in  Tim. 1.  2. p.  63, 
 Pimander c.  i l . 
 Trismeg. in  Ascîpp. cli, c.  1. 
 Allumas. Contr. Genl. p. 29, 
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 S'iin, qu’un Dieu  m’enseigne cette opinion  
 philosophique. 
 «Touteschoses, dit Marc-Ànrèle-(i),  
 » sont,  liées  entr’ellcs par un enchaîne-  
 » mentsacré , et il n’y en a aucune,  qui  
 » soit  étrangère à l’autre ;  car  tous  les  
 » êtres  ont  été  combinés  pour  former  
 » un ensemble,  d’où dépend  la  beauté  
 » dé l’univers. Il n’y  a qu’un seul monde,  
 » qui comprend tout ;  un  seul Dieu qui  
 » est par-tout ;  une seule matière  éter-  
 » nelle ;  une  seule  loi -,  qui  est  la  rai-  
 » son  commune  à  tous  les  êtres  iutcl-  
 » ligens »., 
 Les  Pères  de  l’Eglise  ,  comme  les  
 philosophes, payons .,  démontrent  l’unité  
 de  Dieu  par  l’unité  du  monde,  
 ou .l'unité de  cause  par  l’unité  d’eficr.  
 Voicicommes’exprimcS. Ahtanase: (2)  
 «  Comme il n’y a, dit-il, qu’une nature  
 »  et qu’un  ordre  pour  toutes  choses ,  
 »  nous  devons  coucltire,  qu’il  n’y   a  
 »  (jii’im  Dieu  artiste  et ordonnateur  ,  
 »  et.  de  l’unité  de  l’ouvrage  déduire  
 »  celle  de  l’ouvrier ». 
 Tousles Platoniciens admettaient l'unité  
 du monde  Archétype  ,  modèle de  
 ceilii-ci et  l’unité du  Démiourgos,  par  
 unie  suite  des  mêmes  principes  métaphysiques  
 ,  comme on peut le  voir dans  
 de Commentaire  de  Proclus  sur le  l imée  
 , et dans les autres Platoniciens. (3) 
 Ceux  qui,  comme  Pythagore,  ern-  
 ployoient la  théorie des nombres, pour  
 expliquer les véri tés t.béologiques , don-  
 'noient également  à la Monade  le titre  
 de,cause  et  de  principe,  (4)  ou  ,  pour,  
 mieux  dire  ,  exprimoieut  par  la Monade  
 la cause première,  etconcluoient,  
 l’nnilé-de  Dieu,  d’après  1rs  abstractions  
 mathématiques.  Ils  plaç.oient au-  
 dessous de  cette unité  les  intelligences  
 secondaires , et  les différentes Triades. 
 D’autres,observant Informe desad- 
 (1)  Marc-Aurel.  }.  y.  c.  8. 
 (2)  Ai Imitas. Conlrà Genles,  p. 4t. 
 (3)  Ens-b. Præp.,Evans. I.  11. c.  13, 
 -voila, de muodo, Proul. in ïiui. 
 N I V E R S E L L E ,   9 fi 
 ministrat.ions humaineset sur-tout ce lle  
 des gouvemeniens de l’Orient  , où dans  
 tous  les  temps  la  monarchie' a  été  la  
 seule  administration connue  ,  crurent,  
 qu’il en devoit  être  de  même  de  l’administration  
 de l'univers ,  dans  lequel  
 toutes  les  forces  partielles  sembloient  
 être  réunies  sous  l’autorité  d’un  seul  
 chef , pour produire un accord éternel,  
 tel  que  celui  de  la  Nature. De  là  les  
 comparaisons,  qu’établit ( 5  )  Aristote  
 entre  l'administration  de  Dieu et celle  
 du  grand  roi  de  Perse  :  celle qu’il  en  
 fait avec le Coryphée dans les  choeurs,  
 et celle, dq pilote  dans un  vaisseau. On.  
 crut, que  la destruction  des  corps politiques  
 venoit de-la divisiou  des forces  
 isolées,et qu’ils ne se conserv oien t,qu’en  
 se  réunissant sons une  seule  ruain sage  
 et  puissante.  Le  gouvernement  des  
 abeilles ,  la  conduite du  troupeau  par  
 un  chef,  ont  fourni  à  Minntius  Félix,  
 dans  sa  défense  de  la  Religion  ,  des  
 comparaisons  semblables  à  celles  des  
 payées ,  pour prouver l’unité de la  Providence, 
  qui  régit  le monde. Ces comparaisons  
 leur  étaient  communes avec  
 ■ les  philosophes  payens. 
 Le  tableau de  l'ordre social, les mathématiques, 
  la métaphysique ont ,donc  
 par  des  routes  différentes  ,  mais  toutes  
 très-humaines ,  conduit  les anciens  
 philosophes à préférer l’unité à la  multiplicité  
 dans la causesuprcme, ou dans  
 le principe  des principes.  Car, comme  
 dit très-bien  Simplicius :  (6)  « Le pre-  
 »  mier  principe étant le centre de tous  
 »  les autres, il les renferme tous en lni-  
 »  même  par  une  seule  union  :  Il  est  
 .»  avant tout  :  il est  la  cause  des  cau-  
 »:  ses ,  le  principe  des  principes  ,  le  
 »  Dieu  des Dieux.  Qu’on appelle donc  
 •»  simplement  principes  ces  principes  
 ■ji  particuliers ,  et qu’on  appelle  pnn-  
 »  cipe  des  principes  ce  principe  gé- 
 ‘  (4)  Saliusl.  Philosoph.  c.  î-6 . 
 (5 )  Arislot. de Mundo. 
 (6)  Comment, sur Epie tète, trad. de Dacier, 
 P-  IJ6?-  *