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corps noir qui surnageoit ; c etoit ]a
tête d’Orion. Diane décocha son trait
et perça la tête d’Orion ; les flots portèrent
son corps au rivage. Diane le
reconnut : désolée de son erreur
elle répandit beaucoup de larmes sur
son cadavre, et elle plaça son image
aux Cieux. Cette fable s'explique aisément
. quand on sait qu’Orion, comme
Ie dit Hygin ( 1 ) , se couche au lever
des derniers degrés du Scorpion, et
des premiers du Sagittaire. Ce dernier
signe est affecté à Diane, dans la distribution
des douze grands Dieux entre
les signes. Le premier renferme ce redoutable
Scorpion , que la terre suscita
contre Orion , et dont la morsure le
fait périr. Jupiter , à la sollicitation de
Diane et. de Latone , , compagnes de
.chasse d Orion, en Crète, plaça aux
Cieux Orion et le Scorpion , qui l’avoit
piqué, et les disposa de telle manière, que
lorsque le Scorpion se lève, Orion se
.couche (2 ) . Ces deux Constellations
opposées occupent un vaste champ dans
le Ciel ( 3 ).
On dit, que ce Scorpion fut envoyé
par Diane, qui préside au Sagittaire,
que le Scorpion précède immédiatement
dans son lever.
On explique aisément les amours d’Orion
pour Diane, quand 011 sait que
Diane est la Lune, qui a son exaltation
au Taureau , sous lequel est Orion , et
avec lequel il se couche ; et son domicile
au Çancer, avec lequel Orion se
lève ( 4 )■ Il aima la Lune, qui a son
exaltation au Taureau, comme il aima
les Pleïades, qui sont placées sur ce
même Taureau.
Enfin il est des traditions (S) , qui
font d Orion , le fameux musiqien de
Lesbos , Arion r que sauva le Dauphin,
èt dont nous avons déjà parlé , à l'occasion
de cette Constellation. Arion
avoit été aimé de Périandre Roi de
(■ ) Hygin> 1- 3, c. 3a.
S i bld‘ *’ 1 î C‘ 27 ’ {■ 33- Theoa, p. 170. &) Gerra. «. 3 i.
S P II È R E ;
Corinthe, qui, charmé de son talertt IV
voit comblé de richesses. Lorsqu’il §£ra'
barqua, pour retourner dans sa patrie
ses esclaves, de concert avec les Nau'
tonniers, voulurent le faire périr. Arion
obtint d’euxpour dernière grâce, avant
de mourir, de jouer de sa Lyre. Les
sons harmonieux , qu’il tira de cet ins.
trument, attroupèrent autour de lui
une foule de Dauphins; il se jeta sur
un d’eux, qui le reçut sur- son dos
et le porta à Corinthe, chez Périandre.
Le Dauphin officieux, après avoir dé-
pose son fardeau , expira sur le rivage,
Jupiter le plaça aux Cieux avec Arion,
Je croîs que cet Arion est plutôt le
Pégase, Arion, qui- se lève à la suite
du Dauphin. Quoiqu’il en soit, on ajoute
flu.’Arion , arrivé à Corinthe, raconta à
Périandre son aventure, et que ce Prince']
fit enterrer le Dauphin , auquel même
il éleva un tombeau. Quelques temps
apres , le vaisseau, qui' devoit porter
Arion dans sa patrie, revintà Corimlie.
Le Roi fit venir les matelots et leur demanda
des nouvelles d’Ariori. Ils loi
dirent qu’ il étoit mort. Eh! bien, leur
dit le Roi, demain vous viendrez affirmer
ce que vous m’annoncez, sur h
tombeau du Dauphin. En même temps
il donna des ordres,, pour qu’on s’as1
surât de leurs personnes, et il commanda
à Arion de s’habiller tel qu'il
etoit, lorsqu'il se précipita dans les eaux,
et.de se tenir caché dans le tombeau
du Dauphin. Les matelots vinrent jurer
dessus, avec serment, qu’Arion étoit
mort: aussitôt celui-ci se montra, et
confondit par sa présence leur imposture,;
le Roi les fit aussitôt pendre.
Théon ajoute aux récits diftèrens sur
Orion, quelques circonstances particulières
( 6 ). Il dit qu’Orion , chassant
dans i île de Chio , apperçut Diane,
et toucha son voile, et que cette Déesse
irritée lit naître le Scorpion, qui tua
(41 Hys. I 3 , c. 33. Theon , p, 167—181,
(x) German. c. 31. (fi) Theon, p. I/O-7171.
Orion-
Orion. De là vient, dit-il, qu’encore
aujourd’hui Orion a l’air de craindre
le Scorpion, puisqu’il se cache à son
lever; car le Scorpion, en montant sur
l’Horizon , effraye Orion et le force à
se coucher. Le Scorpion réciproquement
se couche au lever d’Orion,
comme celui-ci au lever du Scorpion ;
car ils sont en effet diamétralement opposés
, remarque Théon. Aratus peint
Orion effrayé de la vue du Scorpion ,
et'Se sauvant à l’extrémité de la terre.
Toutes ces réflexions sont de Théon ,
qui ajoute, que le même Orion semble
poursuivre et chasser devant lui les Astres
, qui se couchent avant lui ( 1 ). Ce
sont ces réflexions, qui doivent frapper
le Lecteur le moins clairvoyant, qui
m’ont donné la clef de la Mythologie
aneiènne ; car il ne me fut pas difficile
de reconnoître, que l’histoire merveilleuse
d’Orion n’étoit qu’un Roman
Astronomique, qui avoit .pour base les
positions respectives d’Orion , à l’égard
des Pleïades, qu’il poursuit, et du Scorpion
céleste , qui se lève à son coucher,
et qui paroît le tuer.
Après avoir expliqué cette fiction,comme
je fais ic i, et cela il y a plus de seize
ans, je dis, commeEnée dans Virgile,
M crimine ab uno disce omîtes. En
voilà une ; mais est-elle la seule ? Je
crus, qu’ayant pris sur ce' fait le génie
des Mystagogues et des Prêtres Aliégo-
nstes, je ne de vois pas en rester là.
J’essayai cette méthode nouvelle sur le
Cocher céleste Phaëton, qui périt de
)a morsure du même Scorpion , et
J obtins des résultats simples et satisfaisant.
Dès-lors je conclus, que j’avois
découvert une mine nouvelle, et je
ne m’occupai plus que des moyens de
'exploiter. Trois mois environ après
Ce premier essai , je rencontrai sur
®a route le fameux passage de Chéré-
, qui fait la base de tout mon tra-
vau. Je ne doutai plus dès-lors, que je
h) Theon, p. 206.
Hyg. 1. 2 j c. 27..
■ De la Sphère. Tome III. v
n’eusse la clef de l’ancienne-Mythologie
; et quoiqu’elle me parût bien
rouillée, je me déterminai à consacrer
tous mes travaux et mes veilles au
développement d’une idée aussi ancienne
et aussi neuve. Je ne tracerai
pas ici le cercle des erreurs et des
fausses conjectures, que j ’ai pareouru,
pendant les premières années. 11 me
suffit de dire, que rien ne m’a rebuté ;
que j’ai fait tous les sacrifices de mes
premières idées , au besoin de con-
noître la vérité; et que j’ai abandonné
des explications ingénieuses, quanti je
me suis apperçu qu’elles n’étoient qu’ingénieuses,
et qu’elles ne se lioient point,
par l’ensemble des explications , au système
universel. Le résultat de mes efforts
est l’ouvrage , que je présente au-
j ourd’hui, lequel, tout imparfait qu’il
est, me paroît meilleur que tout ce
qui a été fait jusques ici ; parce qu’il
offre beaucoup de vérités , et qu’il
ouvre la route à de nouvelles découvertes.
Mais en voilà assez sur moi ;
revenons à Orion.
Sa proximité des Pleïades , placées
sur ,1e Boeuf céleste , ou des filles de
Pleïone et d’Atlas, a fait dire ( 2 ) ,
qu’ayant voyagé avec elles en Béotie ,
il avoit voulu leur faire violence, et
qu’elles avoient pris la fuite. Qu’Orion
les avoit poursuivies pendant douze
ans , sans pouvoir les joindre. Que Jupiter
, touché de leur sort, les avoit
placées aux Cieux, où elles forment
ce qu’on appelle la queue du Taureau.
C’est pour cela, ajoute Hygin , qu’Orion
semble encore les poursuivre vers le
couchant.
Les Assyriens ( 3 ) voyoient, dans le
chasseur Orion, le fameux Ncmbrod,
qui fut, dit-on , un grand chasseur de-''
vant le Seigneur. IlSilui associoiem la
Constellation du grand Chien, cortège
naturel du Chasseur. Ils lui donnoient
(3) Cedren. p. 14 et i 5.