& D E L A
fournir une nouvelle preuve du génie
allégorique des labiés. En effet, on explique
celle de Pliaëton de la manière
1a plus satisfaisante, en se servant de
la Constellation du Cocher. Lorsque
cette Constellation étoit placée dans les
limites équinoxiales., elle marquoit par
sdn lever Héliaque l’Equinoxe du Printemps,
le retour de la lumière et de
la chaleur, le commencement de l’année
et de la végétation. Elle fut adorée
souvent, coifsue renfermant la nourrice
de Jupiter ou du Dieu de la foudre ;
nous ne la considérons ici, que Comme
un génie fameux par ses malheurs, et
connu sous le nom de Pliaëton ou
d’astre brillant du jour.
Pliaëton étoit fils du Soleil et de Cly-
mène ; d’autres disent delà Rose ou de
Rhodê, ou même de l’Aurore. Ayant eu
une dispute avec Epaphus , fils d’Io ,
celui-ci lui reprocha de n’être pas fils du
Soleil, comme jjM s’en vantoit. Phaëton
s’en plaignit à sa mère, qui lui conseilla
d’aller trouver son père, et de
, le prier de lui confier la conduite de
son Char. Le père consentit à cette demande,
quoique avec peine , et lui mit
en main les rênes de ses chevaux. Mais
le jeune imprudent, après avoir conduit
quelque temps le Char du Soleil ,
ne put contenir ses coursiers, qui ef-
frayéspar le Scorpion, approchèrent si
fort de la terre, qu’elle fut embrasée.
Phaëton périt lui-même au milieu des
foudres , précipité dans l’Eridan, :et ses
soeurs les Héliades furent métamorphosées
en- peupliers. Cette fable.est racontée
fort au long dans Ovide ( i ,
Nous avons déjà parlé de l'embrasement
de L’univers par Phaëton, dans
notre dissertation sur les. Cycles et les
Apocatastases ; et nous en avons donné
une explication sommaire. Nous ne
ferons ici qu’y ajouter quelques détails.
On se rappelera seulement ce que
nous avons déjà dit, sur la physique des
( i) Ovid. Metam-1. a , Fab. i.
(a) Ibid. Fast. 1. 3 , y . i 4&
S P H È R E ,
anciens, que l’Equinoxe de Printemps
étoit regardé , comme le commencement
du règne de la lumière et du feu, et
qu’on célébrait cette époque de la nature,
comme la plus importante, celle
oh le Soleil venoit échauffer et comme
embraser la terre. La chaleur étoit un
embrasement pour les Poètes , qui exagèrent
tout dans leurs fictions. Ainsi
Manilius nous peint l’Eté, sous des traits
aussi forts, que les Mythologues nous
peignent l’embrasement de la terre par
Phaëton. Voici ses vers :
Exoriturque Canis ,latra.tqueCuniculuflamnans,
Qua subdents facem terris , rndiosque moments
Dimicat in cineres orbis , fatumque supremum
Sortitur languetque suis N e f tenus ih undis , .
E t v ir id is nemori sanguis decedit et berbis.
Cuncta perêgrinos orbes animalia qucerunt,
Atque eget alterius mundus. Natura suistnet
AEgrotat morbis nintdps obsessa per AEstus,
Inque rogo vivit. I*. 5,, v. 214*
Nous avons vu ailleurs cçtte idee exprimée
allégoriquement par le.flambeau
allumé,qui accompagnele Taureau Equi-
noxiah C’est aussi la même idée , qu’on
. a voulu rendre dans la .fable de Per.see,
qui fait descendre la ' foudre , a*
flammes de laquelle il allume la feu
sacré. Pythagore pensoit, que le monoe
avqit commencé par Je fisu. Clétoit a
l’entrée du printemps , quele Pontife a
Rome alloit prendre le feu nouveau-siy
l’autel de Vesta : Adde. quod qrcmi
fieri nov.uS‘ igtiis VP aede diciüir,
vires filamma, refigeta capit jÉjgàfi f
Macrobe ( 3 ) : ignem novum Vostae ans
acceruiebant* ut à-nnOitipipiente^
denud semrndi noyati ,igtiis.. iycipexA
: C’étoit à f Eqtdnoxe, ,qu’on ftUutnoit
Syrie des feux, où les peuples venoien
de toutes parts, suivant lé témoig»»S
de Lucien. Les fêtes-'du Neurouz ou:il«
Printemps sont les plus fameuses.
(3) Saturn. 1. 1, c. 1*.
U
la Perse. Enfin le jour de l’Equinoxe ,
eup>ypte, on célébrait une.fête, suivant
S. Epiphane , en mémoire du fa-
meux embrasement de l’univers, que
nous allofis expliquer : voici le passage Je ce Père ( 1 ). Quin et ovicultie in
Ænypüorum regione mactatae ad hue
amd Ægyptios traditio celebratur,
etiam apua Iddlolatras. In tempore
enim , quandb Pascha illic fiebat, ( est
autem tum principium veris, cîim pri-
wumfit aequinoctium ) , omnes Ægyptii
Tubricam accipiunt per ignorantiam,
\et illinunt oves, illinunt ficus et arbores
relia nas,p raedic antes, quodignis
in hdc aie combussit aliquando or-,
hem terranim : figura autem sanguinis
\imicolor, etc. Le sang, dont ûn mâr-
quoitles arbres etles troupeaux,étoit donc
le symbole du feu céleste, qui fécondoit
la nature , à la fin de l’ancienne période
ou de l’année révolue , et au retour du
Soleil à l’Equinoxe, au lever Héliaque du
Betier. Cette tradition et cette fête se conservèrent
jusques chez les Romains :
ces peuples célébraient une fête pastorale,
sous le nom de Palilies, au lever
du Belier et à l’entrée du Soleil au Taureau
( 2 ), dans laquelle l’eau et le feu
étaient honorés d’un culte particulier.
On purifioit le Berger et ses brebis par
[le feu ( 3 ) : Igniscum ducepurgat oves ;
et pour cela on le faisoit passer à travers
les flammes :
Moxque per ardentes s tip u la crepitantis aeervos
Trajicias celeri strenua mçmbra pede (4).
Parmi les différentes raisons , qu’on
donnoit de cette fête , il en est une qui
est la même, que celle qu’en donnoient
*• Egyptiens :
Sunt qui Phactonta refer ri
Credant (5 ).
Lorsque l’Equinoxe étoit au Taureau ,
l ’entrée du Soleil dans cétte-ConstélIa-
tion, au son arrivée au point Equinoxial,
étoit annoncée par le lever du Belier,
de la Chèvre et du Cocher.. C’étoit
le passage des ténèbres à la lumière
et à la chaleur, et conséquemment une
époque trop intéressante dans la religion
de la nature, pour que le lever
du Génie ne fût pas observé et célébré,
dans les hvmnes sacrés et les allégories
poétiques sur les Cycles. On appliqua à
l’année les mêmes fictions, que l’on faisoit
sur les grandes périodes, qui restituent
les mêmes événemens sublunaires „
et qui ramènent un nouvel ordre de
choses; ce qui arrive tous les ans au
Printemps, lorsque la nature renaît de
ses cendres. L’Astre bienfaisant, qui an-
nonçoit ce. renouvellement , étoit en
quelque sorte le Génie créateur de la
nature , le Dieu de la lumière ; on l’appela
Phaëton, c’est-à-dire , brillant,
nom que le Cocher céleste retient encore
dans quelques livres d’Astronomie.
Non-seulement on célébra le Génie conducteur
du Char du Soleil, dans son retour
vers nos régions, mais on chanta
aussi le signe Equinoxial, ou le Taureau
céleste, d’où le Soleil étoit censé
commencer sa course. C’étoit ce même
Taureau, dans lequel Io avoit été placée,
après sa métamorphose : aussi la fable
de Phaëton suit - elle immédiatement
celle d’Io dans Ovide ; et le Taureau
céleste conserve encore le nom d’Io.
NuncDeaNiligenâcolitur celeberrima
turbâ ( 6 ) ; et ailleurs, en parlant du
Taureau céleste ( 7) , hoc alii signum
Phariam dixêre juvencam , quae hos
e x homine est, e x bove facta dea.
Ce n’est donc pas sans sujet, que l’histoire
d’Io est liée avec celle de Phaëton
, et qu’Epaphus son fils figure dans
cette fable. Cet Epaphus en effet, sui-
(0 Epiph, adv. Haares. I. 1 , c.
(*) Ovid. Fast. 1. 4 , v . 71X.
(f) Ibid. v. 786.
(4) Ibid. v. 781*
(;) Ibid. v. 7«4 -
(6) Ovid. Metam. 1. 1. Fab. 19 , a3ÿ.
{•?) Ovid. Fast. 1. 5 , v, 619,
D* la Sphère. Tome III. N ^