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de leur doctrine , et dans les ouvrages
originaux , la lumière qu’ils nous refusent
, etqu’aujourd’hui ils seraient fort
embarrassés peut-être de nous donner.
C’est dans la Perse, et dans les livres
(le Zoroastre, que nous trouverons la
ciel des allégories sacrées des Hébreux.
Le Législateur des Perée;, comme celui
des Juifs, place 1 homme dans un jardin
de délices, et y fait introduire le mal
par un-serpent; ensorte que cés deux
Cosmogonies , aux termes près-, n’en
font qu’une ; mais celle des Perses ,
comme originale, est plus claire , et
nous donne le mot. de l’énigme, qui a
été supprimé dans la seconde. Voici ce
que dit le Zend-Avesta.
Ormusd, le Dieu Lumière, le bon
principe, dit à Zoroastre (,i ) qu’il a
donné à l’homme un lieu de délices et,
d’abondance. «Si je n’avois pa>s donné
» ce lieu de délices, aucun Etre ne
>1 l’auroit donné. Ce lieu est Eiren-
» Veddo , qui, au commencement (a),
» étoit plus, beau que le monde entier
» qui existe par ma puissance. Rien
» n’égaloit la beauté de ce lieu de dé-
» lices, que j’avois donné. J’ai agi le
» premier (Ormusd ou le bon principe),
» et ensuite Petiâré ( le mauvais prin-
» cipe ). Ce Petiâré Ahriman , plein de
» mort, fit , dans le fleuve la grande
si Couleuvre , mère de L’Hiver, donné
j) par le Dew ( ou mauvais principe ).
55 L’hiver répandit le froid dans Peau ,
-oi dans la terre, dans les arbres. L’hiver
» fut extrêmement rude vers le milieu.
55 Ce n’est qu’âpres que l’hiver a paru ,
» que les biens renaissent en abon-
j) dance »,
Il résulte, d’après les termes de cette
. Cosmogonie, que le mal introduit dans
le monde par le serpent, n’est autre
chose que l’hiver , considéré comme
Poüvrage du principe du mal et des
ténèbres; qu’il n’est ici question que
du mal physique et périodique que ramènent
lès saisons, qiii arrête la vègf.
tation , et dévaste la scène terrestre où
la Divinité a placé l’homme ; et enfin
que cette Cosmogonie n’est qu’un tableau
simple des phénomènes annuels
de la Nature.
L ’Auteur de la Genèse des Perses
place ce jardin de délices dans l’Iran (b),
pays vraiment délicieux ; il Rappelle
Ereu, nom que les Docteurs Hébreux
ont corrompu en Eden, avec d’autant
plus de facilité, que le ZI et 1 I I , ou
le T U a l e lh et le "1 R e s c h , dans leur
langue , sont deux caractères alphabétiques
presqu’eutièrement semblables
, et. que, saus la plus grande attention
, on risque de, s’y méprendre.
Strabon fait de ce pays, et de tous
les pays voisins de la mer Caspienne,
le tableau le plus séduisant, et nous le
peint tel que, dans leurs fictions , les
Poètes nous ont décrit les lieux enchantés
que l’homme habitait dans
Page d’or (2). Suivant ce Géographe, la
ii terre, dans ces heureux climats , pro-
» duit presque sans culture. Les grains
» tombant des épis ensemencent d’eux-
5) mêmes les champs. Le miel coule du
» creux des arbres, où se rassemblent
» les essaims d’abeilles. Le cultivateur
3) n'a pas besoin d’ouvrir le sein de la
55 terre parle tranchant du soc. Plusieurs
» fleuves portent la fécondité dans les
‘35 plaines qu’ils arrosent. Les vignes
3> n’ont pas besoin tous les ans d’être
» façonnées. Les nouvelles plantations
» produisent dès la seconde année. Les
» habitans de ces lieux fortunés ont des
» moeurs simples et innocentes, et jouis-
3> sent, an sein de la paix, des bienfaits
» de la Nature, dont ils sont les favo-
» ris ». Voilà le précis de la description
que fait Strabon de ces lieux enchantés
, sur lesquels son imagination se repose
agréablement, et son pinceau a
pris plaisir à r épandre le coloris le plus
brillant.
( i ) Zend. A v is ta . T . i . p. 2. p. 263. Far-
gard. i .
(2 ) Strab. 1. I. p. 5o2 — 5o8— 523.
Eutliat, ad Diony. Ferieg. v . 730,
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Outre cette ressemblance entre les
jardins délicieux -de l’Iran ou d’Eren,
dans lesquels la Cosmogonie de Zo-
joastre place l’homme, avec les jardins
d’Ëden , où le place la Cosmogonie des
Hébreux , il en est encore une aut re ,
c’est que de l’Iran et des pays voisins;
tels que l’Arménie et l’Albanie, coulent
les fleuves nommés dans le Paradis
Ou Jardin terrestre des Livres hébreux.
Le lieu de’ la scène est. le même,
c’est-à-dire , près du pays des anciens
Iberi, d’où cette Cosmogonie semble
venir, et près des sources du Phase ,
du Tigre et de l’Euphrate ( c ) fleuves
que la Cosmogonie hébraïque fait sortir
du Paradis terrestre. Le Phase y
est désigné sous le nom de Phison ,
fleuve qui roule l’or dans ses sables.
Or tout le monde sait que les Anciens
ont attribué cette qualité au Phase j
et. même à tous les torrens de ce pays.
On voit, dans Strabon , que les peuples
d Ibérie ( i ) sont occupés à recueillir,
avec*des foisons de mouton, les paillettes
d’or que ces fleuves voiturent
avec leurs eaux. Quelques-uns même
ont voulu expliquer par-là la fable de
laToison-d’Or en Golelvide (d),et celle
du cé lèbre Jason adoré en ces lieux (2),
. et qui tient aux Cieux le fameux Serpent
, qui figure dans cette Cosmogonie.
Quant au Tigre et à l’Euphrate ,
personne n’ignore qu’ils ont leur source
dansles montagnes.de l’Arménie, près
des lieux où nous plaçons le berceau
(le ces Cosmogonies, c’est-à-dire , qu’ils
coulent dans les .vastes Pays qui s’étendent
depuis la Mer Noire , la Mer
Caspienne et les portes du Caucase ,
jusqu’au Golphe Persique , lesquels
comprennent les deux Arménies , la
Mésopotamie, l’Assyrie, la Babvlooie,
les confins de la Mécüe et de la’Perse ,
pays ou etoient autrefois les grands
( 0 Strabon , 1. ir. p. 449. Eusthat. ad
Jziouys, Perieg. v. 689.
( 2 ) I d em , 1. !!> p . 503,
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Empires des Assyriens, clés Perses et
desNinivites (e).
Il ne reste donc plus qu’à placer le
Géon. Peut-être est-ce le Cyrus ou
l’Araxe , et que- de nouvelles recherches
sur la Géographie ancienne
pourront nous le faire reconnoîtrc dans
quelques-uns de ces .fleuves qui coulent
en Arménie et dans les Pays voisins
Il nous suffit d’en trouver trois
qui fixent incontestablement le lieu de
la scène où la Divinité plaça l’homme,
au nord du Tigre et de l'Euphrate,
près de l’Ibérie et de l’Iran , clans les
lieux mêmes où les livres de Zoroastre
placent le séjour de délices, dans lequel
Ormusd, ou le bon principe, le
Dieu lumière , établit le domicile du
premier homme. La beauté du climat,
Ja fécondité du sol , les richesses que
la terre prodigue à l’homme dans ces
lieux fortunés, fournirent naturellement
aux Poètes matière à chanter les délices
du séjour qu’ils habitoien*,durant
tout le temps que le Soleil,qui,suivant
Strabon, étoit la grande Divinité de ces-
Peuples, visitait leur séjour, et fai.soit
éclore en abondance tous les biens, jusqu’au
moment où , en automne , par sa
retraite, il livroit la terre aux,outrages
de l’hiver , et déponilloit de tous ses
ornemens la scène brillante, que le soleil
du printemps avoit pris soin d’embellir.
Il est encore un autre trait de ressemblance
entre la Cosmogonie de Zoroastre
et celle des Juifs:,c’est que le
dogme des Dieux principes , qui fai-
soit essentiellement le caractère de la
Théologie des Perses , se retrouve aussi
dans la Genèse , et qu’il est comme la
base de ees deux fictions Cosmogoniques.
Zoroastre nous présente d’un côté
Ormusd , ou le bon Dieu , le principe
du bien et. de la lumière , qui établit
l ’homme dans un lieu de félicité, et. qui
produit tout le bieu que la nature peut
attendre de lui. De l ’autre, il lui oppose
Ahriman , qui, aveeson serpent,