ou des Thérapeutes , qui , .adressant
leurs prières à la Divinité , se tournoient
vers l’Astre du jour, dit qu’ils
s’étudioient à pénétrer le sens caché
des livres sacrés , et qu’ils y méditaient
les secrets de la nature déguisés sous
le voile de l’allégorie, c’est-à-dire,
qu’ils n’y .voyoient que la théorie des
causes naturelles exprimée dans le style
allégorique , comme, nous allons le
faire voir. Çes Thérapeutes étaient la
secte là plus sage et la plus instruite
chez les Juifs. Il n’est pas étonnant,
qu’ils apperqussent. dans leurs livres
uu sens.philosophique , que ne peut
y voir le commun des lecteurs, qui ne
lùgeut des choses que pour la forme extérieure,
et qui sont incapables de suivre
un examen sérieux,des grands tableaux
de la nature,.sur-tout lorsque la science
èt l’allégorie les ont couverts d’un voile
que le travail, seul et le génie des recherches
peuvent. écarter. Ils {toient
seuls dépositaires du sens mystique de
ces allégories., dont l’explication était
contenue dans des, commentaires et des
traités particuliers,, que leur avoieut
laissés leurs anciens Sages., si on eii
croit Philon* (r,).
Josephe (2) et Philon chez. Içs Juifs ,
Clément d’Alexandrie .( 3) chez les
Chrétiens conviennent, que la distribution
des différentes parties du temple
des Juifs , les. ornemt\ns de leur Grand»
Prêtre représentaient toute la nature,
et en particulier ses parties les plus
apparentes, le Ciel, la Terre, le So*
. léit, la Lune , les Planètes, les signes
du Zodiaque , les Elémens, et que tout
le systêmè du monde y était retracé
par mille emblèmes ingénieux g enfin
qu’on y yoyoit le tableau simbolique
de l’univers, le premier temple de la
Divinité , comme nous l’avons déjà exposé
dans le chapitre troisième du livre
premier dé cet Ouvrage. Si les Juifs
(ij Phil. p. 69.
, Q j A n t iq . A id . 1. 3 . c. y et 8. .
ont cru devoir représenter l ’ordre' du
monde dans leurs monumeusreligieux,
n’est-il pas vraisemblable que, par une
suite du même génie ,if> ont dû le
décrire1 dans une Cosmogonie , qui est
destinée essentiellement à contenir une
description des premières causes et des
grands agens qu’emploie la nature?
Au moins n’est-il pas absurde de tirer
cette induction et de supposer , avec
les Thérapeutes ; que leur Genèse ou
Cosmogonie côntenoit, les secrets de là
nature , cachés sous le voile de l’allégorie.
Augustin (4), dans sa Cité de Dieu,
convient que bien' dès gens regardoient
l’aventure d’EVe et du serpent, ainsi
que le paradis terrestre , comme une
fiction et ' une allégorie. Ce Docteur
chrétien ayant 'rapporté plusieurs explications
morales , que l’on donuoit de
ces allégoriès’et dont aucune ne nous
paroît bonne , ajoute qü’on pourroit. eu
trouver de meilleures encore ; qu’il ne
s’y] oppose point , pourvu toutefois,
dit-il , qu’on y voie aussi Une histoire
réelle. Je ne sais comment Augustin
peut concilier une allégorie avec une
histoire réelle. S'il tient à cette dernière
-, au risque d’être inconséquent,
c’est qu’il fût tombé dans une contradiction
plus grande encore ; savoir, de
reconnoître la mission réelle de Christ,
en même temps qu’il eût admis le premier
chapitre de la Genèse pour une
pure allégorie. Il a bien senti la consér
quence , et que la réparation d’une
faute allégorique ne pourroit être qu’allégorique
elle-même. Comme il vouloit
que la réparation du mal par Christ
fût un fait historique , il ralloit bien
que la faute d’Adam et d’Eve et la
séduction du serpent fût aussi un fait
historique. Mais d’un autre côté l’invraisemblance
de cette histoire lùi.a'rra-
choit un aveu précieux, celui du besoin
(3) Çleru. Alex. Si rom. 1. 5. p. 56a.
(q) De Civil." J. 13. e. 21,
de recourir à.l’allégorie pour la ramener
au bon-sens , et y trouver quelque
trace de sagesse. On peut même dire
avec Beausobre , qu’Augustin abandonne
en quelque sorte Moyse et le
Vieux Testament aux Manichéens , qui
s’inscrivoient en faux contre les trois
premiers chapitres de la Genèse, et il
avoue qu’il n’y a pas moyen de conserver
le sens littéral des trois chapitres
de la Genèse, sans blesser la piété ;
sans attribuer à Dieu des choses indignes
de lui ; qu’il faut absolument pour
sauver Moyse et son histoire , y voir
une. allégorie ( 1 ).
Augustin suivit en cela l’exemple
d’Origène (2), qui s’exprime ainsi sur
cette prétendue histoire : a Quel homme
j» de bon - sens se persuadera jamais ,
» dit-il, qu’il y ait eu un premier, un
» second, un troisième jour, et que ces
in jours-là aient eu chacun leur soir et
[» leur matin , sans qu’il y eût encore
|» ni soleil, ni lune, ni étoiles? quel
|» homme assez simple pour croire
» que Dieu , faisant le personnage -de
j» Jardinier, ait'planté un jardin en
1» Orient? que l’arbre de vie fut un
p arbre véritable, sensible, dont le fruit
» eut la vertu de conserver la vie , etc. »
1 Origëne suppose donc ,qu’il y a dans
D’Ancien Testament plusieurs histoires
[qui ne sauroient s’être passées , comme
[l’auteur sacré le rapporte , et qui ne
[sont que des fictions,sous lesquelles sont
■ enveloppées des vérités secrètes. Il
compare l’histoire de la tentation à la
[fable mystérieuse .de la naissance de
p’Ampur, qui eut pour père Porus, père
We l’Abondance ; et pour mère, la Pauvreté.
Quoi qu’il en soit, on voit palpes
passages des Docteurs Juifs et Chré-
[tiens, que la clef allégorique est nécessaire
pour entendre les premiers chapitres
de la Genèse, et qu’on ne peut,
pans absurdité , lés prendre à la lettre.
Hiérax , savant Manichéen, avoit
( 1 ) Augusfe Côntr, M an icb . L . i l , v . 2.
(2 ) Orig. Philocal. p..i2 .
composé des Commentaires sur l’oeuvre
des six jours , qu’il rappeloit à l’allégorie,
suivantSaint-Epiphane. Il étoit,
dit Beausobre ( 3 ) , dans le sentiment
où ont été plusieurs Pères, que l’histoire
de la création et celle de la tentation
ne dévoient pas s’expliquer à la
lettre.
Le même Beausobre (4) ayant rapporté
les raisons,qui déterminèrent lesanciens
auteurs Juifs et Chrétiens à regarder
le premier chapitredélaGenèsecomme
une allégorie, termine ce passage en
disant : c’est pour cette raison que de
très-habiles interprètes ont jugé , que
l’histoire de la tentation n’est qu’une
parabole , dans laquelle Moyse à imité
le style des Orientaux , qui disent une
chose pour-en faire penser une autre.
Nous pourrions rapporter unç foule
d’aufros autorités,, qui nous conduisent
à chercher dans ces livres un sens
allégorique , qui fass#évanoîiir les absurdités
apparentes qu’ils contiennent.
Mais il nous suffit de celles que nous
•venons de cifè'r, pour prouve! que notre
marché nous est déjà* traèéè par l’avis
des Docteurs les plus instruits , et qiie
l’interprétation allégorique n’est pas
une idée neüvë, mais qu’elle est aussi
ancienne que nécessaire.
Parmi lès différentes espèces d’allégories
, qu’on à cru y voir, nous nous
■ attacherons àu système des Thérapeutes
, comme au plus simple et.'au plus
naturel, et nous verrons dans la. Genèse,
ce qu’on doit voir dans une Cosmogonie
, le tableau mystérieux de là
Nature. - Connue lès Docteurs Juifs ,
fidèles à la Loi du secret recommaudé
par leurs Rabbins et leurs plus anciens
Sages j -ne nous ont pas laissé échapper -
assez de lumière , pour que nous puissions
pénétrer le sens des énigmes sacrées
contenues dans leurs livres , nous,
chercherons dans le Code religieux de
leurs voisins , dans les sources mêmes
( 3 ) Beausobre , T . 1. p. 431.
. ( 4 ) Beausobre, T . 2. p. 401.
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