Jemc suis étendu sur cet endroit de
Platon , pour faire sentir au lecteur ,
combien les divisions Astrologiques du
monde ont influé sur les distributions ,
soit réelles, soit fictives et mystiques
des anciennes Cités. Aussi Proclus (i)
nous dit-il expressément, et nous en
avons fait voir la vérité ailleurs, que
lesplus grands Législateurs c 'it toujours
cherché à mettre une grande ressemblance,
entre les distributions politiques
et l’ordre du monde.
Ces idées naquirent en Egypte et en
Orient , où l’on donnoit au Ciel une
si grande influence sur la terre, influence
qu’elle n’étoitcapable derecevoir, qu’au-
tant qu’elle avoit elle-même des rapports
analogiques avec la nature et
avec la distribution des Cieux.
Il n’est donc pas étonnant, que l’auteur
Oriental , qui nous a donné le
plan de la Cité Sainte, delà Jérusalem
céleste, dans laquelle les âmes vertueuses
dévoient passer , n’ait été guidé par
le même génie Astrologique, dans la distribution
de la Cité qu’il fait éclore de
son imagination , et qui d’ailleurs
étoit dans le monde Archétype , sur
lequel celui-ci fut modelé. «Sa Platon
nous eût donné, dans son Phoedon (2),
une description détaillée de la ville des
Bienheureux dans S’a terre céleste , il
n’est pas douteux, qu’il n’eût suivi le
plan idéal, qu’il a tracé dans son livre
des Loix. Mais il convient lui-même,
qu’il abrège la description de ces habitations
, et que ce n’est pas là le lieu
de la faire.
Lucien , qui est entré dans plus
de détails que Platon sur la ville des
Bienheureux , et sur les délices et les
riches productions de l’Elysée , a construit
sa ville sur l’ordre du monde, et
a pris pour modèle de sa division celle
(1 ) P rod ns , comjn. in Tmi. p. 4,
(s ) Plato Pliæd. ibid, p. 114.
C3) Lucian Hisl, verre, 1. a. T-, 1, p, 75,cet.
des sept Sphères, que nous avons dit
plus haut, en parlant de l’Ogdoade la
Jérusalem des Gnostiques, être aussi
une expression du monde. Sa ville d’ail-
leurs ressemble assez à- celle de l’A-
pocalypse, si ce n’est qu’il a pris la
distribution des sept Sphères , plutôt
que celle des douze signes pour modèle.
Voici ce que dit Lucien (3). Nous arrivons
dans une prairie , située dam
une isle qu’on appelle l’Isle des Bienheureux
, où régnoit Radamanthe. Les
gardiens du lieu nous enchaînent de
fleurs et nous conduisent à son tribunal.
Ils nous demandent , pourquoi
vivant encore nous étions venus dans
ce lieu sacré. Nous lui contâmes notre
aventure. Il fut décidé, qu’un jour,
après notre mort , hoirs serions punis
de notre curiosité. Que pour le moment,
nous pourrions rester et converser
dans cette prairie avec les héros ; mais
pas plus de sept mois. On se rappelle,
que le repos d’Er le Pamphylien est
de sept jours dans la prairie ; après
quoi les âmes ont ordre de partir pour
se rendre dans les champs de la Lumière.
C’est l’Echelle mystique aux sept
portes , dont parle Celse dans Qrigène,
( 1. 6. p. ) à travers lesquelles paS^
soient les âmes , jusqu’à ce qu’arrivées
au sommet elles trouvâssent la huitième
, qui les introduisoit dans le Paradis
d’Ormusd ; ce qui signifie simplement
, que les âmes des justes pénètrent
les Sphères des Planètes , et vont
jouir d’un repos éternel dans la huitième
Sphère, qui est le Ciel suprême.
Les sept mois écoulés, continue Lucien
(4), nos liens de fleurs tombent
d’eux-mémes, et nous passons de la ville
au festin des Bienheureux. C’ est,flans
l’Apocaly pse, aux nôces de l’Agneau(â)-
(4) Lucian, T. i.p . 55j ,
(5) Apoc. c. 19. v. 9.
Lucien nous fait la description de
cette Cité bienheureuse. Elle est toute
d’or, comme celle de Jean ( x ) , qui
nous dit, que sa Jérusalem est d’un or
transparent. I .
L’enceinte de la muraille étoit de
pierre d’émeraude. Celle de Jean étoit
de jaspe. Ce n’est pas la même pierre ,
mais la même idée, , , .
Elle a sept portes, nombre égal a
celui des Planètes (2). Celle de Jean
en a douze, nombre égal à celui des
sienesi C’est une expression différente
de la même idée. Cette ville a sept
portes ressemble à celle que Cadmus
se mariant avec Harmonie (3 ) , après
la défaite de Typhon par Jupiter, bâtit
sous le nom deThîbês sacrée , et à qui
il donné sept portes , chacune desquelles
est consacrée à uné Planète ,
à commencer par la Lune , et à finir
par Saturne.
Cadmus, dit Nonnus (4), chercha à
imiter la construction du Ciel avec ses
sept Sphères ; il voulut avoir sur la terre
j une image de l’Olympe. L ’auteur lui
donne l’épithète de la Taille Sainte ,
; iffeïafTu, que Jean donne aussi à la Sainte
j Jérusalem (5 ). Mais elle est bâtie sur
le lieu , où se couche la Vaclie ou le
| Boeuf , dans le lieu où périt Orion,
piqué par le Scorpion , parce que cette
Action est d’une époque ancienne, où
i le Taureau étoit le premier des signes.
La ville Sainte des Bienheureux de
Lucien est la même chose ; il est même
; avantageux pour nous, que Lucien 11e se
rencontre pas avec Jean pour la distribution
; ce qui prouve qu’il ne l’a pas X. Il a pris un autre emblème de la
e idée , et c’est une double preuve
de la solidité de notre explication.
Dans la ville de Lucien (6) le sol et
i le pavé sont d’ivoire. Les portes sont
(1) Ibid. c. a i . v . 18.
(2) Lueian . p, 75a.
Cl) Nonn. Dionvsia ■ 1. 5. v. Sa,
$4) Ibid. y . 64.
d’une seule pièce, et de bois précieux de
Cinnamome.
La pierre Berylieetl’Améthyste, dont
parle l’Apocalypse, entrent danslaconstruction
des autels et du temple. L’auteur
y a étalé tout le luxe des fictions
Orientales et des romans Persans et
Arabes. Ce luxe se reeounoît aussi dans
l’Apocalypse et dans la ville Sainte,
que créal’imaginationde l’Hiérophante
Jean. Nous allons en revenir à celûi-
*ci , et décomposer sa magnifique construction.
Les fondemens de la muraille de
cette ville étoient ornés de toutes sortes
de p ferres précieuses. Le premier fondement
étoit de jaspe , etc. (7).
Nous avons déjà remarqué, que cette
muraille jaspée avoit les mêmes divisions,
queleZodiaque, 144 parties, ou
144 coudées allégoriquement. Nous
avons déjà aussi pareillement vu le
Zodiaque, ou les mois qui y répondent,
désignés par des pierres précieuses ,
rangées trois par trois, dans la superbe
couronne de Junon, dont nous avons
indiqué plus haut la description , dans
un passage de Martianus Capella. Les
pierresy sont, comme ici, disposées trois
par trois, à raison de la division des
saisons ; elles ne sont pas toutes précisément
les mêmes qu’ici ; mais il y
en a plusieurs qui sont les mêmes ,
telles que le jaspe , l ’ émeraude, Phya-
cinte , etc. etc. L’une , dit l’auteur ,
étoit tirée de la tête du Cancer; Pautre,
des yeux du Lion , celle-ci du front des
Gemeaux, etc. allusion manifeste aux
signes du Zodiaque. La teinte de couleur
de chacune étoit analogue , ajoute
encore l’au teur, à celle de la t erre da n s les
dilférentes saisons , tantôt couverte de
verdure , tantôt jaune de moissons ,
tantôt tiianche de neige , etc. ainsi
(5) Ibid. v. 85.
(6) Lucian. ibid. p. 782.
(7) Apoc, c. 21. v. 19.
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