
Tières eft la meilleure-, lorfque le fil eft bien
imbibé, on dreffe, entre l’écheveau & le dévidoir,
quatre petites planches qui fouticnnent
le fil élevé & très-diftendu, on le laide fécher
en cet état au foieil, & il devient auffi moelleux
que foyenx. » . .
« Pour ôter l’écheveau du dévidoir, on abaifle
les quatre petites planches, & on les retire du
côté de l’angle obtus ou privé de pointes; on
le plie fur fa longueur, on en forme des mateaux
circulaires que 1 on noue avec des cordons
rouges, qui font les liens qui ont iervià
attacher les échevaux de foie, lors du tirage en
cet état, il eft livré aux Négocians & aux Manufacturiers.
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u N ayant jamais eu affez de toifons pour entretenir
des fileufes toute lancée , je n aipu en
former de très-habiles, en forte que je n’ai jamais
eu de fil que de quatre francs la livre, qui
a été employé, mêlé avec celui d Angora, dans
les manufactures d’Amiens, où il a été'envoyé
dans des balles d’Afie ; il ne différoit en rien
des autres fils de ce pays. »
u J ’ai obfervé que la bourre de la toifon eft
très-fujette aux infeétes : auffi, dans les pays
chauds, on ne peut la conferver que dans d es,
facs de marroquind’Angora, pareils aux tabliers,
dont l’odeur eft pernicieufe à ces petits animaux.
Je crois qu’à cet égard le cuir de Ruffie,
eft préférable : l’huile de bouleau,qu’on emploie,
félon M. Pallas, à la fabrication de ce cuir,
ayant une odeur encore plus forte que' celle
avec laquelle on prépare le marroquin, elle
doit être plus nuifible à ces infeétes. »
u Quant à la quantité de poils que ces animaux
peuvent fournir l’un ponant l’autie, on
peut l’évaluer à quatre livres de fil. La toifon
des boucs entiers en a donné beaucoup plus,
mais elle eft plus groffière : la Chèvre en donne
moins, mais elle eft très-fine; celle du bouc
coupé, réunit la fineffe à l’abondance. Ainfi,
en ne filant que du fil affez commun, c’eft-à-
dire, à quatre francs la livré, chaque bête rapportera
annuellement, en matière première, ou
en main-d’oeuvre, douze francs, produit affez
confidérable, fur-tout fi on le compare à celui
des Chèvres de l’Europe, évalué annuellement
à quatre livres, en comptant, outre le poil, le
.produit du chevreau , le lait & le fumier, ce
qui fe trouve également dans la race d’Angora.
Cette Chèvre a véritablement les mammelles plus
petites, mais die donné autant de lait que celle
du pays, lorsqu’elle eft raffemblée en troupeaux
À tenue fur les montagnes. »
u Si ces animaux étoient affez abondans pour
pouvoir en vendre les vieux mâles.,coupés, le
produit en feroit très-confidérable , puifque j’en
ai vendu deux vieux fpixante-neu'f livres, ce
qui donne -, pour chaque animal, trente-quatre
livres dix fols. Ceux-ci, il eft vrai, étoient gras.-?»
On a vu à P iris , il y a quelques années,
beaucoup de manchons faits avec les peaux entières
des Chèvres d’Ang'ora.
Les Chèvres d’Àngora le répandent en France.
Il y a déjà plufieurs années que M. de Meflay,
Préfident de la Chambre - des Comptes de
Paris, en éleva avec fuccès, dans fa terre de
Meflay, au pays Chartrain. Lorfque le Roi établit
fa ferme de Rambouillet, & qu’il la peupla de
befliaux précieux, il ordonna qu’on y eût une
certaine quantité de Chèvres d’Angora. Ces animaux
, depuis plus de lix ans, s’y multiplient,
& donnent dés productions , qui paffenr entre
les mains des amateurs. Je puis attefter que rien
n’eft plus facile que d’élever & de nourrir cette
efpèce de bétail. On les conduit aux champs avec
les béliers, & on les nourrit comme eux en
Hiver, On a foin de leur éviter les grands froids.
Les Chèvres d’Angora de Rambouillet parquent
en Eté avec les bêtes à laine , dans la même enceinte.
Elles font pour la plupart blanches. II y
en>a quelques-unes- feulement, dont le poil efl
d’un gris violet. Jufqu’ici les Manufacturiers
n’ont pas paru faire ufage du poil de Chèvres
d’Angora du crû de la France ; mais dans la
fuite ils le,rechercheront,, comme on voit les
fabricans de drap rechercher les laines de nos
troupeaux de racé efpagnole, depuis qu’ils ont
moins de facilité pour en tirer de i’Efpagne.
Maladies des Chevres.
Ces animaux font fujets aux mêmes maladies
que les bêtes à laine. On excepte •ordinairement
Vhydropifie , l'enflure & le mal fec. Mais les
brebis font auffi quelquefois attaquées de ces
maladies , quoique plus rarement. L ’hydropilie
des Chèvres eft attribuée à la trop grande quantité
d’eau qu’elles boivent. On eft dans l’ufage
de leur faire la ponÇtion, & de fermer la plaie
avec un emplâtre de poix-de Bourgogne. Les
difficultés quelles éprouvent à chevrorer , &
l’arrière-faix retenu dans la /matrice , caufent
l’enflure de cet organe. On parvient quelquefois
à le détruire, c’eft-à-dire, à provoquer la fcrue
du délivre, en faifant boire à l’animal un verre
de vin. Dans les grandes chaleurs, leurs mam-
melles fe, deffèchent tellement, qu’il n'y a pas
une goutte de lait. Dans ce cas pn les niene paître
à la rofée : on leur frotte les mammellesavec
du lait, ou delà crème : ou ce qui elt encore
mieux , on les nourrit de bonne herbe & de
bonnes feuilles.
Réflexions fur la multiplication des Chevres.
Si l’on fait attention aux dégâts que peuvent
caufêr les Chèvres , on proferira, ces animaux
dans un royaume, comme la France, - ou •une
grande partie des terres eft cultivée, ^ ou 6
bois devient de plus en plus rare. En effet , pour
peu qu’on les laiffe échapper , elles ravagent des
champs enfemencés , des vignes , des arbres
utiles, qui ne repouffent plus, ou repouffent ;
niai. La vache, le mouton, quoiqu’ils foient à
craindre pour les bois, n’ont pas la dent fi deftruc- ,
tive.On tftallé jufqu’àdire que l’haleine des Chè- j
vres gâcoir les vaifl’eaux propres à mettre du vin ;
aiîerrion qu’on peut regarder comme un préjugé.
Différentes coutumes contiennent des difpo-
fuions relatives aux Chèvres. Celle du Niv.er-
nois défend d’en nourrir dans les villes, ch. io, 11.
art. 18. Celle du Berri , titre des fervitudes ,
art. 18 , permet d’en tenir en ville clofe, pour
la néceffitéde maladie d’aucuns particuliers. Coquille
voudroit qu’on.admît cette limitation dans
la coutume : mais il dit auffi qu’il faudroit ajouter
que ce feroit à condition de tenir les Chèvres
toujours attachées ou enfermées dans la
ville, & aux champs qu’on doit les tenir attachées
à une longue corde. La coutume de Normandie,
art. 84, dit que les Chèvres font en
tout rems en défaut, c’eft-à-dire qu’on ne les
peut mener paître dans l’héritage d’autrui fans
le confentement du propriétaire. Celle d’Orléans
, art. 152, défend de les mener dans les
pendant plufieurs mois, & quand l’âge force de
la tuer , ou de s’en défaire ., on tire partie (le fa
dépouille. Quel fera l’homme affez cruel pour
ne pas pardonner à la Chèvre le rort qu’elle
fait, en faveur de tant d’avantages ? Qui ofera
prononcer que la France doit renoncer à la
poffcllion d’un fi précieux animal r Qui ofera
condamner les pauvres, hors d’état de nourrir
une vache , faute de.propriétés, à ne pas y fup-
pléer par l’ufage des Chèvres qu’ils peuvent alimenter
vignes, gagnages , clou féaux , vergers , plants
d’arbres fruitiers , chenayes, ormoyes, faul-
fayes, aulnayes, à peine d’amende : celle de^
Poitou, art. 196, dit que les bois taillis font
défenfables pour le regard des Chèvres, jufqu’à
ce qu’ils aiënt cinq ans accomplis. •
Je crois que poftérieurement à la rédaélion
des coutumes, il y a eu des lois plus févères j
contre les Chèvres, & elles ne pôuyoient l’être j
trop. La négligence des propriétaires des befliaux
eft fouvent telle, que rien ne les détermine à
les veiller d’affez près pour qu’ils ne gâtent rien.
La Chèvre eft fi vive, fi active, fi adroite qu’un
moment d’oubli efl bien-tôt fuivi d’un dégât irréparable.
En avouant le mal que fait la Chèvre, & en
approuvant les aéles de rigueur employés pour
les réprimer, on ne peut fe diffimuler que cet
animal eft d’une très-grande utilité. Ce n’eft pas
d’un troupeau de Chèvres , appartenant à un
propriétaire riche & aifé , que je parlerai ici ;
je ne dois, fans doute., être indifférent fu r ie s
intérêts de qui que ce l'oit. Mais-qc confidérerai
plus particuliérement la Chèvre de la pauvre
femme ; cette Chèvre qui fait toute fa reffourcé'
& tout fon avoir ; la nourrice de fes enfans quand
elle ne peur les nourrir elle - même ; cet animal
doux, familier, attaché , qui fournit de quoi
alimenter tout ce qui refpire dans la chaumière.
Une modique fomme en procure la propriété;
elle occupe peu de place pour fon logement ;
il ne lui faut qu’une petite quantité de vivres.
Pour les foins qu’elle exige , elle donne chaque
année un ou deux chevreaux, du lait très-bon
en les conduilànt le long des chemins,
dans,des terres'vagues, aux pieds des haies, &,
dans les endroits tapiffés d’une herbe trop courre
pour fuffire à la nourriture de la vache ? Si on
croyoit néceffiire de bannir les Chèvres des pays
où tout eft cultivé, au moins faudroir-il en excepter
-ceux où beaucoup de terres ne le font
pas. Je ne fuis donc pas d’avis que l’on détruife
les Chèvres ; mais je voudrois qu’on prît
toutes les précautions convenables pour qu’elles
ne caufaflent point de dommage. Ces précautions
pourroient être de deux fortes ;
les unes mettroient les Chèvres dans L’inr -
poffibilité de nuire en les arrangeant de manière
quelles ne puffent facilement grimper ; les autres
pbrreroient des peines fi féveres contre ceux
qui laifferoient brouter les propriétés des autres
par leurs Chèvres, que peu de perfonnes man-
qUeroient aux droits de la propriété. Un con(.'ciller
au Parlement d’Aix , dont les terres étoient
entre la haute Provence & le haut Dauphiné,
touché de la jufie menace d° faire affonimer les
Chèvres, qui iroient dans les bois, a imaginé
une efpèce de harnois ou. bricole , compofée de
trois pièces.
La première eft formée de deux rubans de fil
retort, bâtis ou faufilés, à plat, l’un fur l’autre ,
formant aux deux tiers, environ de chaque bout,
une anfe allez large pour laiffer paffer un ruban
femblable aux premiers , fervant d’entravon ;
elle embrafie le corps de l’animal tranfverfale-
ment, & lui fert de ceinture, au moyen des deux
bouts noués enfemble fur le dos.
La fécondé & la troiftème pièces abfoltiment
femblables, font formées d’un feul ruban de f il,
dont les bouts entourent les membres, foit
antérieurs, foit poflérieurs, & leur fervent d’entravon
par le repli de l’extrémité, arrêté par
un noeud double.
M. Cbàbert', Directeur de l’Ecole vétérinaire,
chargé d’examiner cette bricole, en convenant
qu’elle empêchoit les Chèvres de grimper
aux arbres, fans gêner lenfiblement leur
marche, lui a trouvé cependant plufieurs incon-
véniens; le premier, c’eft que les trois pièces,
& fur-tout celle qui embraffe le corps, dans les
mouvemens de l’animal s’écartent de la peau ,
& s’accrochent continuellement auxarbuftes qu’il
rencontre ne pouvaut s’en débarraffer ; le fécond
, c’eft que l’affujçtuffemem de la bricole