
fermé. Duhamel a confervé de cette manière
du blé douze & quinze ans, fans qu’il ait éprouvé
:aucun dommage, ni aucune altération.
M. Duhamel a étuvé du feigle avec le même
fuccès que le froment.
On a fait la comparaifon de deux mefures
déterminées & égales de blé étuvé, & de deux
mefures fcmblabks de blé non-étuvé. Les deux
mefures du blé étuvé, qui pefoient,cent vingt
livres de plus, ou à-peu-près cinq pour cent
de plus que le blé non-étuvé, ont été un peu
plus long-teins à moudre*, elles ont donné foi-
xante-neuf pour cent de farine & ont pris en
eau au pétriffage trente-quatre pour cent, tandis
que le blé non-étuvé a donné foixante-dix
pour cent de farine, & a pris trente-deux pour
cent en eau. Le pain de blé non-étuvé étoit
un peu plus blanc & avoit un peu plus de faveur
, le« quatre farines ont également levé.
Si l’on fuit la comparaifon, & que, pour faire
connoître la différence entre la qualité du produit
du blé non-étuvé & du blé étuvé, on choi-
fiife du blé non-étuvé d’une année humide, on
verra que la farine de ce dernier fe conferve
mal, quelle efl fujette à fermenter, que lorf-
« u on l’emploie pour faire du pain, elle ell
toujours groffe & mate, ayant peu de foutien,
difficile à cuire, ne bouffant pas dans le four,
le pain qui en réfulte moifit promptement, tandis
qu’au contraire la farine de blé étuvé, fe
conferve très-facilement; la pâte en en légère
& fe foutient, elle bouffe bien dans le four;
elle cuit aifément & en moins de tems, que
Celle du blé non-étuvé, la différence efl d’un
dixième. Le pain en efl grifàtre à l’oeil, mats
il a le goût de noifette. Au refie, on peut procurer
à ce blé ce qui lui manque : il fe moudra
bien & il acquérera de la blancheur, fi fur
cent livres de blé on jete vingt-quatre heures
auparavant cinq livres d eau, comme on le. fait
lorfqu’ii s’agit de moudre des blés durs. :
Je n’entrerai point dans le détail des frais
que coûte l'établiffement j ’une étuve, ils font
relatifs au prix des matériaux & de la main d oeuvre
de chaque pays. Il m’a fuffi de faire voir
les avantages, qui en refultera pour la Conler-
vation du blé. Ces avantages né feront plus incertains
depuis les expériences de M. Duhamel,
répétées par beaucoup de ,perforines. On ne
uropofe pas à un particulier dont la fortune eft
médiocre d’en faire la dépenfe, mais des chefs
de grandes entreprifes, les Adminiftrateurs des
hôpitaux, les Prépofés à l’àpprovifionnement
d’une ville, d'un canton, dhin Etat, ont un
grand intérêt à profiter de c|^ mpyèm .L utilité
qu’ils en retirent, compenfç frais, ’ qui ne
font qu’une mife en avant qne.ïoistâitq. Quelles
pertes n’a-t-on pas effûÿéës.'quèlquèfoiS' par 1 altération
des blés des magafipsifon né peut bien
conferver les blés, qu’én les defféchant aupara-
Tant; loxfqu’iîs ont été récoltés dans des année»
humides, lorfqu’ils ont féjourné long-tetns dans
des bateaux, lorfqu’ils ont tellement été entachés
de carie, que pour les en purifier on a été obligé
de les laver, lorfqu’enfin on-fe propofe de les
embarquer pour les tranfporter dans les Colonies.
On a cru qu’il ferait facile de faire nfage
des fours à cuire te pain ; mais on ne peut leur
donner une chaleur uniforme *, le blé qui fe
trouverait à l’entrée grillerait, pendant que celui
du fond n’éprouveroit pas une chaleur fuf-
fifante. L’opération ferait trop longue, fi on
avoit une grande quantité de grain à defiecher.
Rien n’eft donc comparable à 1 étuve, qui téu-
nit tous les avantages defirés.
Avant M. Duhamel il y avoit des étuves en
Italie ; la defcription s’en trauve^ dans le Traité
Italien de la parfaite Confervation de» grains, |
publié par M. Juiiéri. M. Duhamel en parle;
mais il a adopté dans les Rennes une^ manière
différente de chauffer & des perfections, qui
le font regarder du moins, parmi nous, connue
l’inventeur des étuves. En confervant au grain;
toute la fubftance nutritive, les étuves lui enlèvent
fon humidité foperflue, & le préfervenr
de la pourriture, mais en diminuant le volume
& le poids & par-là préjudicient au Marchand
qui vend fon grain, & non à celui qui fait lut*
même fon pain, C’eft-là ce qui a dégoûté dej
étuves dans bien des Provinces, on les Laboureurs
& les Marchands trouvoient du déchet
fur la mefure de blé. ,
La République de Genève a fait conftruire
des étuves dans les principes de M. Duhamel,
& des Gens intellïgens y ont ajouté quelque»
perfections; ce qui doit prefque toujours arriver
à ceux qui font exécuter une machine nouvelle
après fon Inventeur. , ,
La République de Berne en a fait eonfiruire
d’après celles de Genève, & la République de
Zurick, ainfi que la ville d’Aran dans le canton
de Berne, d’après celles de Berne.
Chacun y a ajouté & a perfectionné: par
exemple, à Zurick, le feu a pris une rois à
tuve qui étoit de bois comme celle de Duhamel
& comme les autres. Les Zurichois.,. pour prévenir
cet accident, ont fubflitué au bois une
matière incombuflible, & dans l étuve de Au-
rick l les plans inclinés fur lefquels coule le
blé, font d’une ardoife épaiffe commune dans
le pays, & dont la carrière eft dans le canton
de Glaris. . . c -
On aüroit pu croire que cette ardoife leten
droit à la chaleur des étuves, l’expérience de»
! Zurichois a appris qu© cela ffarnve { « f g ;
rick* le blé bien étuvé eft mis dans de van«
caiffes de fapin bien jointes,* on affure quon
ne les remue pas, & qu’il s’y conferve bie •
A Aran , on a employé, pour économiler
bois, un fourneau, dont on fc loue beauco f-
La République de Berne a reconnu tes avan- '
tages de ces machines poftérieures à la Tienne,
& a réfolu d’en profiter, fans vouloir «epen-
dant détruire fon étuve & en reconftruire une
autre, routes les fois qu’il paroîtroit une nouvelle
invention.,.
Mais elle a fait faire un modèle où les nouvelles
inventions de Zurick & d’Arau font exécutées.
En 1778, ce modèle étoit dépofé dans
J’Hêtel-de-viile de Berne, & il eft convenu que
quand l’étuve , à préfent exiftante, aura befoin
.d’une réparation confidérable, ou d’être reeonf-
truite, on y joindra tout ce qui a été imaginé
dans les deux autres Villes.
Genève qui eft la première ville de Suiffe,
par qui les étuves ayant été adoptées, les a
abandonnées, & cela a donné un préjugé contre
le procédé d’étuver les grains. On dit que
les Genevois en ont reconnu les inconvéniens.
C’eft pour détruire cette objeéhon, qu’on a
obfervé que l’étuve préjudicie à ceux qui ne
veulent pas garder leurs blés & qui les vendent
dans l’année, où ils ont été récoltés..
La République de Genève eft pauvre, quoique
les particuliers foient riches. Elle n’a prefque
point de revenus patrimoniaux, & la meilleure
partie de fa richeffe confifte dans un impôt
fur le blé. Tous les Genevois, qui n’ont
point droit de bourgeoifie., & tous les aubergiftes
qui nourriffent les étrangers, font obligés d’acheter
le blé dans les greniers de la République.
Dès-lors il n’eft pas étonnant que la République
ait ceffé d’adopter un procédé qui lui fait trouver
un déchet dans fa marchandife, foit quelle
vende au poids, ou à la mefure. Celui qui vend
du blé qui n’eft pas fec, vend en même-tems
l’eau contenue dans le grain qui s’évapore à
l’étuve; mais Berne & les autres villes ne font
pas ce commerce, elles ne confervent le blé,
que pour fecourir le peuple dans les téms de
difette. Elles favent que le déchet de l’étùve ne
diminuera rien de la fubftance nutritive, & que
la même quantité de grain reprendra fon eau
jufqu’à faturation, & produira toujours la même
quantité de pain pour le peuple. Elles favent
auffi que f étuve eft très-avantageufe pour la Con-
fervation : voilà pourquoi les étuves ont été
abandonnées à Genève & ne le font ni à Berne,
ni dans les autres villes de Suiffe.
fur Us avantages que le Royaume peut retirer de
J'es grains quelques objections contre les étuves,
ou plutôt M. Parmentier rapporte les défauts
des étuves..Par exemple, il dit qu’il eft impof-
fible de fixer le teins que le grain doit y fé—
journer, ni de déterminer au jnfte le degré de
chaleur convenable pour fa parfaite déification,
que la plus modérée préjudicie Toujours au commerce
Ces réflexions fur les és.uves de Genève, de
Berne & de Zurick font de M. Malesherbes,
qui a voyagé dans ces pays, avec l’efprit d’ob-
fervation, qui caraélérife l’homme éclairé &
l’homme-de-bien, attentif à tous les objets
utiles. Il me les a communiquées, dans l’idée
de détruire un préjugé contre les étuves. & d’apprendre
à ceux qui veulent en foire, quelles
ont été perfectionnées dans plufieurs villes de
Suiffe, & qu’on en trouvera un modèle à Berne.
On lit dans l’Ouvrage de M. Parmentier
par le déchet prodigieux qu’elle occafionne
au poids & à la mefure, par les frais de conf-
truCtion, de chauffage & de main-d’oeuvre, que
l’étuve enlève au .filé cet état lifte & coulanr,
qu’on nomme la main, qu’elle efface les traces,
les lignes, d’après lefquels on décide du terroir
qui l’a produit, des bonnes ou mauvaifes qualités,
que la faifon lui a données, que la farine
qui réfulte d’un grain étuvé efl toujours terne,
& que le pain qu’on en prépare, manque de ce
goût de fruit, qui cara&érife les bons blés, que
le blé étuvé n’eft pas à l’abri des infèCles, &
qu’il fout lui donner un degré de chaleur de
quatre-vingt-dix degrés pour détruire tous ceux
qu’il renferme, ce qui deffèche trop le grain,
& qu’enfin le blé étuvé ne tarde pas à reprendre
l’humidité qu’il a perdue dans la déification,
à moins qu’on ne le remue de tems-en-tems.
Les faits pofitifs & les expériences, déjà rapportées
, ont répondu d’avance à la plupart de
ces objeClions, & M. Parmentier lui-même dans
l’Ouvrage cité, rend aux étuves toute la juftice
qui leur eft dûe : je n’ai plus à répondre qu’à
quelques-unes. Il eft poftible, à ce qu’il me Pénible,
de fixer le degré de chaleur qui convient
pour bien deffécher le blé, & le tems, qu’on
doit l’entretenir. Le degré doit varier félon l’état
du blé. Les gens qu’on habituera à étuver,
auront bien-tôt connu le point, où il faut s’ arrêter,
Comme les boulangers, -les chaufourniers,
les briquetiers & autres connoiffent le degré de
chaleur a qu’ils doivent donner à leurs fours
félon la qualité de la matière qu’ils ont à cuire.
Peut-être même en pe’fant du blé, qui a befoin
d’être étuvé, & le même blé, quand il a
été étuvé, trouvera-t-on qu’on doit plus ou
moins pouffer le feu. Un Phyficien effayeroit
plufieurs moyens pour avoir un point fixe & il
découvriroit le véritable. Les gens qu’on em-
ploieroit à étuver, n’ont befoin que de leur taél,
fouvent plus parfait & plus sûr que tout ce que
la phyfique indique : d’ailleurs ils favent fe fer-
vir du thermomètre, qui peut beaucoup les aider.
Par-toüt il y a des hommes inftruits, qu’il
eft facile de confulter & qui fe feront un piai-
fir & un devoir d’être utiles II paroît qu’e^
portant la chaleur à quatre-vingt-dix degrés pour
les blés les plus humides & les plus attaqués par
les infeéles, on produit tout l’effèt, qu’on en
peut attendre, fi, comme le confeille Duhamel,
on met enfuite ce blé dans des greniers
de bois, parfaitement clos. Il eft inutile d’ob-
N n h i j'