
Membres changent fouvent. En fuppofant que |
le Commerce l'eul pût fournir la lubliflanee de
la Capitale, doit-on abfolument s’én rapporter
à lui ? Doit-on faire dépendre uniquement des
fpéculations & entreprifes des Négocians , l’exif-
tence de fept à huit cent mille âmes ? L’affir-;
mative cfl démontrée en théorie, mais démentiel
î ’afqu ici dans la pratique. M. Moriffe, qui en eft
perfuadé’, en cherche la raifort, afin de ne pas
imputer au Commerce & à la liberté abfolue ce:
qui pouvoit être la faute du Gouverneinent.
I lia trouve, en effet, dans l’ufage où étôit le
Gouvernement de fe mêler de 1 approvifionne—
ment de Paris & de la circulation des denrées
dans toute l’étendue du Royaume. On ne'sert
jamais entièrement confié au Commerce-, on la
toujours gêné j on l’a écarté par une concur- ■
rence qu’il ne pouvoit fourenir. De — là, une
foule d’abus & d’inconvéniens, tels que « les
.■» cnlèvemens & accaparemens de grains, lès
» monopoles, les difettès faèbces, qui excufent
» des renchériflemens réels de blés & farines,.la
» cherté du pain, qui eft une fuite de ces manoeu-
3) vres,les plaintes & murmurés du peuple,Tem-
» barras continuel du Gouvernement,8tc‘.» M.Mo-
. rifle rappelle, qu’en 1789, le Commerce étoit
tout dérouté & abfolument nul , 1e Gouvernement
s’étant chargé de pourvoir leul à l’approvifion-
nement de Paris. Il rend compte de la marche ,
que fuivit alors la Municipalité, obligée de T e .
'conformer encore quelque tems à l’ancienne Ad-
miniftration • pour engager le Commerce à
reprendre , elle l’encouragea, & parvint à faire
fournir par lui la halle, ne mettant en réferve
. que pour les cas imprévus. M. MorifTe ne fait à
quoi attribuer le dérangement de ces mefures
& le renchéri dénient du pain.
Les doutes él evés fur ce que peut faire le Commerce
font un m a l, félon M. MorifTe, & ces
doutes , qui donnent des inquiétudes , empêchent
qu’on ne puifTe encore s’y fier. Il eft donc nécef-
laire de prendre dçs mefures -, mais telles, qu’elles ,
ne lui portent pas d’ombrage, & qu’il fe mette
en pofTeffion d’approvifionner Paris.
Pour remplir ce. b u t, l’Auteur propofe d’eme-
magafiner , non des blés, mais des farines emba-
rillées, qui puiffent fe çonièrver plufieurs années. .
11 faut ne les employer que dans l’extrême urgence,
feulement pour remplir le déficit du Commerce,
& vendre toujours un peu plus cher que
les Négocians, afin que ceux - ci, tant qu’ils pour- ■
.•ront fournir , aient toujours la préférence.'« On
conviendra , dit - il , que , quand on eft dans la
difette & dans une certaine détrefle , il s’agit de
vivre, & non pas de vivre-à bon marché. Ce
qui eft vraiment mal vu & très - dangereux, c’eft
de vouloir baiffer le prix des blés ou farines &
du pain , lorfqu’il doit être haut, & qu’il eft
impofiiblede donner ces denrées à meilleur mar-
ç|ié que lç taux courant du Cçmmçrçe, parçç %
que, au • deffous de ce taux:; il y au roi t perte
pour le Vendeur ou Foiirnïfleur. D’ailleurs c’eft
fans doute unp^hofe très-fâcheufe que le pain
fôit très - cher- niais le remède eft dans l’excès
même du mal. La cherté: attire la denrée & provoque
l’abondance, qui produit bien - tôt lebôn
marché. Il faut fans .doute, en attendant, venir
au fecoiits du pauvre 'mais'ce;?p’eft pas en fai-
fant baiffer le prix du pain qu’il faut l’aider:.;C’èft
en lui fournifl'ant , de' quelqu'e manière què ce
foit, les moyens- de le payer ce qu’il doit valoir. y>
« En fuivant fidèlement césprincipes , il ferait
poffible que jamais on ne touchât à l’apprôvifion^
nement du Gouvernement que pour le renon-
veller au bout d’un certain tems, .afin de fie pas
courir le rifqué d’en rien perdre 7 car ilpourroit
arriver que le Commerce prenant confiance dans
i’Adminiftration ; qui fe fièroit à lui, ne çeflàt
plus d’approvifionner abondamment Paris de fub-
fifianees, étant fur que jamais les farines de la
Ville ne fe trouveraient en concurrence avec
lés fie.-ïnés fur le carreau de la halle , tant qu’il
fournirait fuftifamment; & qu’en tour cas, il aurait
toujours la préférence pour la vente , puifqitc
la Municipalité vendrait toujours plus cher que
lui. »
« Enfin, lorfqu’il ferait tems de renouveller
l’approvilïonnement, parce que l’on craindrait
que les farines ne fe détériorafTent, il faudrait
encore fe garder de lès mettre en vente, toujours
de peur d’écarter le Commerce. On n’en feroit
jamais embarraffé , il n’y aurait qu’à lesdiflribuer
aux Hôpitaux & aux charités des Paroiffes, à
compte des fecoursque le Gouvernement devrait
leur fournir, u
Les avantages quiréfultent du pf-ojet dé M. Moriffe,
font , félon lui , de mettre le Commerce
en état de fe charger d’approvifionner Paris, d’épargner
à la Municipalité l’embarras d’acheter
& vendre continuellement, ce qui Texpofe à
des pertes confidérables-, de ne plus craindre les
enlèvemens de grains, les accaparemens & antres
manoeuvres3 devoir, du pain , quand on voudra,
foit que de longues gelées ou de longues féche-
reffes arrêtent les moulins-, de garder les appro-
vifionnemens long-rems & à peu de- frais. On
a la manière de bien emhariller des farines dans
le Querci, dans la Guyenne , pour les embar-
-quemens; on fe procurerait facilement à Paris,
en peu de tems, des ouvriers capables de< ces
-préparations-, ou ce qui feroit peût-être encore
mieux , j on les feroit embariÜer dans diffère ns
pays, en. donnant même des prix à ceux qui
perfeélionneroienf les préparations qu’elles exigent.
- •
M. Monchanin reconnoît d’abord que le blé
efl une propriété, qui doit être refpeélée entré
les mains du Cultivateur & du Marchand. U
examine enfuite s’il n’y a pas des inconvéniens
pour futilité générale, que chaque Département
' , . s’occupe
s'occupe A app-ravifionnèr foty arrondiffemem *, •
Sr il. n’a, pas de peine à çn,tc§pyer. Ils font 11 :
facil^sÛ ;failiir ' que'^e 'Çr^i^imiâle de les rap-;
porter. M. Monchanin e# peJqpdé que la libre :
circulation établira un,équilibre, en faifam pafier
dans les Départemens.' du Nord les récoltes, du
Midi * & vice verfâ, félon L’abondance des uns
& les befoins des autres,.^! I préfère les magafins.
particuliers à ceux des Départemens. Les Cultivateurs
.ou Meuniers; qui conferveront des blés ’
ou des farines, fauront mieux les gouverner.-,
çes, dëàréês ne coûteront aux acheteurs ni frais ■
ni embarras. L ’Auteur du Mémoire eft de l’avis ■
d’un de ièscancurrens, qui voudrait qu’à Paris,
on mangeât du pain de qualité inférieure, qui
ferait toutrà-la-fpis 8c moins, cher 8c plus nour-
rilFan't. Il va beaucoup plus loin. 11. déliré que les ;
.particuliers, qui ont un lo cal, faffent eux-mêmes ;
leur pain , ou qu’ils le fa,ffent cuire chez des- Pâ- *
tilfiefstous, les trois ou quatre jours, afin d’en •
moins confommer • enfin, il regarde comme très- •
utile de difpofer teïlemenr la ■ halle., que des;
Marchands - iàrinieys, Mefiniers.- &. Fermiers ,
viennent y retenir des places, en s’engageant à y ■
avoir toujours un nombre convenu de jacs de fariné
ou d.cblé. Des lnfpeèleurs veilleroien t fur ces
provifions. Le Marchand qui n’auroit plus que
la moitié de la iienne, feroit averti de la complet
ter dans ia quinzaine , fous peine.de perdre
la place qu’il occupoit, 8ç, q u i, dans ce cas,
feroit donnée à un autre. ,On offriroit, en outre,
aux Marchands de bld.& de farine, des magafins ,
pour leur fervir" de, dépôt, Point, de droits ; à ;
payer ni àla, halje ni dans les magafins-, les Inf-
peéteurs même 8c Gardiens , feraient aux frais'
de la Municipalité ■ les. premiers à la nomination
.du Département, 8c les autres à celle de douze
Marchands ehoifis.parmi ceux qui approvifion- ,
nent la h;dleV .
Des Comn-tiffairé§ ppmmés par le Corps Mu- ;
nkipal pqur rendre .compte de tous les M-émpires, «
tant ,cl,e cpyx dont on a ordonné Timprefilpn., ;
que 'clés, autres., en ont fait un rapport qui aéré ]
rédigé par M. Régnault. Ce. rapport, dans le - ;
quel les diyerfes -opinions font balancées.., m’ar
paru fait avec bien du foin 8c de la précifion-,
les epnclufious. en font. t-rès-fage^s. Les Commif-
jaires déclarent qu’ils font perfuadés que le
.Cpmmèi-pè^ff^i oeiir,approviiionner Parjs; mais
ib témoignent, de l’inquiétude fur l’exécution
‘de cé projet,,,dans un moment où. les loix né
,lonx pas. êxàèïeinent obfepvées. Ils vpudrojenr
que. le.‘ pafîa,ge de l’état aèlpel au nouveau ne
fût p3s,,trop, .rapide., ,8c que l’on prît quelques
mèfùres^qiu pufîènt parer aux événemens,- fans
nuire aux opérations du Commerce. Ils avouent
qu’on ne leur en pas indiqué; dans.les Mémoires-,
& il^xle pian défit- que .cet objet foit fouirnsà lp
^nfcuftîon. Je.-n’ai.qu’une remarque à faire, fur
cerj-appprt. •/.ç'pftj.q.ùe. M M. les, ÇominilTaiçes ont
'Agriculture. Tome J IL
adopté*entTèriment l’idée d’un" des Auteurs des
Mémoires, qui propofa un moyen contraire à
eettei liberté .de Commerce fi Recherchée: 8c fi
defirable. Prononcer 1 'exclufif contre ceux qui
ne pourraient venir à la halle apporter des
denréês que pendant un tems y c’eft,'à ce qu’il
me-femble, s-’ôrer tuie rèflburce , nuire.ài’efprit
des loix , 8c détruire cette concurrence entre les
Marchands, qu’on ne fauroit trop favorifer.
PlufieuES rcirconftancesparmi lefquellès on
peut compter fur-tout l’approvifionnement de
nos immenfes'Armées^rayant fait hauflèr le prix
des grains, qui avoii bailfé depuis 178:9, on vient
de.reprendre ( en 1793 ) la queftion fur la liberté
, du Commerce des.grains, comme il arrive toujours,
lorfqu’il y a’ difette réelle ou apparente,
lie n eft réfulté quelques Ecrits dont la plupart
ont répété ce, qui avbit été divprécédemment.
J ’en ai diftingiié un ,. qui rappelle brièvement'une
partie des Ldix faites chez les différentes Nations
contre les Monopoleurs, efpèce d’hommes qu’il
faut ( quand elle eft bien connue) Vouer , félon les
expreftions de l’Auteur, à tome l’ànimadverfion
desLoix & à Tcxécratiôn publique. Cet Ecrit, jigné
Hænér , Homme jie Loi;-ann0nce des.vues droites
8c un zèle ardent-pour la tranquillité, le bonheur
& la profpérité de la France.
Je me fuis contenté • de rapporter fidèlement
Jes opinions des Auteurs des trois Mémoires ,
Fans me permettre de reprendre cé q u i, dans'les
détails } m’a* paru inexaèl, incertain, hafardé',
'■ imytile, pour ne point interrompre le fil des
extraits, & pour ne pas m’entraîner dans des
calculs Si des difenfiions d’une trop grande étendue.
J ’tîbferverai feulement que, dans la pofition
aâ;ueile de la France, on ne.peuf'plus compter
„fur ies calculs des produits-des terres dé M. Ma-
louin , fur les : divifious'du-fol adoptées par
M.de .Vaub.an, ■ 8tc. On cultivevîplus‘de terres
au’a .'Vépoque où écrivait JVî. Maiouin, 8c elles
. ne font pas toutes divifées en trois folles , comme
au tems de M, dé Vau ban. Les progrès de l’Agri-
.culture qui a perfecTionné l’art d’alterner, ont
.changé-y. dans > beaucouo de pays cet ancien
ufage. •
- Je me fuis . réfervé de terminer le compte
i P ar quelques réflexions,
i .qui railleront fur l’objet principal y je tiendrai
-pafolevv;,;. • : -
La.quéflion ,, propofée par la Municipalité de
Paris, eft de la; plus grande: imporràncéi’ ; Les
nombreux Mémoires quelle:1 à reçus , prouvent
que çetfc; queftion a excité le zèle ide beaucoup
j de. Citoyens. Selon qu’elle fera plus ou moins
’ bien îîéibiue.;-,/ la Capitale-oie manquera jamais
\ .-de farines „[.ou elle fera expo fée à des difertes
j ..fâchaulés.: Le parti que l’on prendra poilr Paris,
! influera fur la fubfiftance du refte du Royaume.
\ Lja,Municipalité, Fans doute , fera affez prudente
; pour, ne fé décider qu’aprèî. un examen appro?-
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