
gens raifonnables, & véritablement amis du bien ,
ont craint, efl arrivé fous mes yeux. Des payfans,
devenus Propriétaires fonciers, ont, par caufe
d’inconduite, été forcés de vendre les portions
qui leur étoient échues ; des perfonnes àifées [es
ont acquifes, & les payfans le font trouvés fans
reffource. Il ne feroit pas extraordinaire de voir
dans la fuite des Communes entières paffer fuç-
ceffivement dans la main des riches , qui les
achèteraient, foit à la mort des Propriétaires,
foit en leur en propofant un prix bien au-defFus
de leur valeur, foit en profitant, pour fe le*'
faire adjuger, du mauvais état des affaires dçs
pauvres. Un Anglois à l ’Amérique, converfant
avec un fauvage, prétendoit que fes Compatriotes
avoient acheté & bien payé le pays oh ils s'é-
toient établis; « ouij dit le Sauvage? ils l’ont
n acheté pour un peu de rum ; mes pères ont bu le
r> rum , & je fuis fans afyle. » C’efl l’image de
ce qui arrive t lorfqu’on partage les Communes,
en les donnant en propriété aux Communiers.
Lorfque le paylan n’a plus de terre à cultiver,
il ne peuCfubfifter dans le village qu’en mendiant:
il cherche à s’établir en Ville , ou il
quitte le pays. L’Agriculture en fouffre également,
lequel de ces deux partis qu’il choifîffe,
& l’Etat y fait la même perte d’une façon que
de l’autre. Mais fuppofons que ces pauvres gens
demeurent dans leurs villages ; ils ne trouvent
pas, dans la culture des terres, de quoi s’occuper
toute l’année au fervice des riches, qui
prennent le moins d’ouvriers qu’ils peuvent. Ainfi,
les pauvres font une bonne partie du tems fans
travail, à moins qu’un rare bonheur ne leur en
fourniffe dans les fabriques.
Jly au roi t des particuliers q u i, à la vérité,
ne vendraient pas leurs poffeffions, mais les affermeraient
pour fe tranfplanter en Ville. Ces
derniers feroient auffi perdus pour l’Agriculture,
& prefque pour la population ; car ces gens-là
ne fe marient guères, ou n’ont que des enfans
foîbles & débiles.
Toutes ces raifons doivent engager à rejetter
le partage des Communes, en donnant la propriété.
Il n’y a donc qu’une feule méthode qu’on
puiffe confeiller, c’eft celle par laquelle la propriété
demeurera à la Communauté, & le par-,
tiçulier n’ayant que la jouiffance, fans pouvoir
vendre ni engager, la Communauté refiera
propriétaire du fond, & le Communier ufufru ner.
De cette manière, chacun retirerait fa part
des pâturages Communs, & feroit /affuré de la
gefféder tonjetUts,, puifqu’il ne pourrait ni l’engager
ni la vendre.; elle lui fournirait de quoi
fe procurer le néceffaire.
Cette poffeffion déterminerait le payfan à
demeurer chez lui, & à s’appliquer à l’Agriculture,
pour laquelleiheft né. Il feroit, par-là,
détmirné de l’oisiveté qui conduit au vice ^
à la misère.
Le pauvre, dans les pays de Communes,atiroir
finon toutes fes aifes, au moins une reffourceaflu-
rée contre la faim; car l’homme qui pqffède a fiez
de terre pour femer un peu de grains, entretenir
une vache , & cultiver des légumes & des
jardinages pour fes befoins , n’eft point à plaindre.
Le riche trouvera aifément dans la famille
des pauvres les domefiiques & les mercenaires,
qu’il ne peut fe procurer qu’à grande peine.
Celui qui vit dans la diffolution, étant toujours
fous içs yeux de fes Prépofés, pourrait être
ramené à fon devoir.
On efl obligé 3’entrerenir , par des aumônes,
nombre de perfonnes qui n’en n’auroient pas
befoin, fi elles poffédoient feulement quelques
arpens de' terre.
Ainfi, cette manière de partager a de fi grands
avantages fur toutes les autres, qu’elle mérite
certainement la préférence.
Il y a cependant certains cas dans lefquels
cette règle peut fouffrir des exceptions.
J.° S i, dans une Commune, il y avoit des
pâturages d’une étendue exceffive, il feroit bon
d’en partager une partie , & de laiffer le relie
en Commune ; par exemple , on en partageroit
les deux tiers.
i . 9 On pourroit laiffer vendre des pièces de
terre, fort éloignées des villages & autres habitations
, parce que cet éloignement feroit toujours
un obflacle à une bonne culture, à moins
que l’on ne permît aux polfeffeurs d’y bâtir, à
condition q ue , fi leurs pièces retomboient un
jour à la Communauté, elle ferait obligée de
payer la valeur actuelle des bàtimens à ceux qui
les auraient faits, ou à leurs héritiers.
Si le pâturage efl fort vafte, il ne faut pas
le partager entièrement d’une première fois, mais
n’en donner à chacun qu’autant qu’il peut en
cultiver ; fans q u o i, le furplus fera négligé)
comme les communes le font actuellement;. Lorf-
qu’une portion fera mife en bon état, on pourra
faire un nouveau partage.
Le nombre des ramilles pouvant augmenter,
on doit avoir égard, dans la répartition , à la
vraifemblance d’une population future & prochaine
; une Communauté, par exemple, qui
aurait neuf cens arpens de terre, & qui ne
feroit compofée que de foixante-dix familles,
peut bien , d’ici à un certain nombre d’années,
s’accroître de trente. Ainfi , il faudroit faire cent
portions, & la Communauté louerait les furnu-
méraires en. détail ou en piaffe , en attendant
qu’il y eût des Communiers en droit de les demander.
Le droit* que les particuliers ont fur les pâturages
;publics ou Communaux, n’efl pas le
même p a r to u t; Jepaitage de ces fonds doit être
réglé en confëquencèj
Tl y a des'Communes qui appartiennent aux | domaines d’un village, tellement que les pro-
oriétaires de ces domaines, Communiers ou non, J
Fouillent des droits de pâturages attachés à leurs poffeffions. Dans ce cas, le partage doit fe faire
d’une manière conforme à la jouiffance, que
chacun en avoit précédemment. Le particulier,
partage fait, peut aliéner fa portion, comme
le relie de fon domaine.
Il arrive rarement que ceux qui n’ont aucun
fond, foient entièrement privés du droit de
pâturage. Les pauvres, pour l’ordinaire, ont
celui d’une ou de deux vaches. Lors du partage,
on pourroit donner à chacun quatre à cinq arpens
pour une vache, félon la grandeur & la
qualité du fond. J’ai déjà dit qu’il faut ce nombre
d’arpens cultivés pour entretenir une vache.
On pourroit auffi donner à tous, mais principalement
aux pauvres, quelques portions de
On pourroit, à la vérité m’objeéler q-u’ii
feroit bien injufte qu’un père de famille, chargé
de fix fils, n’eût pas plus de part à la Commune,
que celui qui n’en a qu’un. Mais fi, dans les
commencemens, il y a de l’inégalité, elle ne
fera pas de longue durée ; car , de ces fix fils,
il y en aura trois ou quatre pour le moins qui fe
marieront : comme chefs de famille, ils auront
chacun une de ces portions mifes enréferve; ainfi,
ilsauront leur part, comme lesautres Communiers.
Le meilleur parti eft donc de partager par
familles ; on ne fait point d’injuftice au pauvre;
pn établit une grande égalité dans le partage, &
on favorife les mariages.
terrein pour leur fervir de jardins potagers, clie-
nevières, linières-, &c.
Dans certains lieux, il n’y a que les Commu- |
niers, c’ell-à-dire , les Habitans qui aient droit
au pâturage; les Propriétaires des domaines particuliers,
réfidens hors de la Communauté, en
font exclus.
Dans d’autres endroits, les Communiers ne
jouiffent pas, par égale portion, du droit de
pâturage. Mais, le plus ordinairement on jette
fur la Commune tout le bétail que l’on a hiverné.
On demande fi, dans ce dernier cas, il faut partager
la Commune d’une manière proportionnée à la
jouiffance a&uelle ; ou fi ce partage doit fe faire
par tête ou par chef de famille.
Si l’on faifoit le partage d’une manière proportionnée
à la jouiffance actuelle, il s’enfuivroit
que le pauvre ne feroit pas auffi bien traité
que le riche, parce qu’il n’a pas la faculté
d’hiverner autant de bétail , ce qui feroit fou-
verainement injufle ; car Te pauvre a le plus
befoin d’afliflance. Le même principe d’équité
ne doit point exclure du partage lès gens aifés,
les riches mêmes, s’ils ont l’ufage de la ^Commune,
parce qu’il efl vraifemblable qu elle a
été concédée à tous les habitans, fans diflinCHon,
dont les uns ont eu plus d industrie que lès
tvutres.
L’ufage de jetter fur la Commune la totalité
des beftiaux qu’on a hiverné, femble avoir été
établi, lorfque les pâturages Communs fuffifoient
à la nourriture de tout le bétail d’un lien. ,
Dans ces circonflances, il n’aurqit pas été rai-
fonnable de priver ceux qui avoient le plus de
bétail, d’un bénéfice qui n’étoit à charge à per-
fonne.
Le partage à faire par tète, ne me parait pas
plus raifonna’ble , parce qu’une famille aurait
quatre portions ou plus, pendant que l’autre n en
auroit qu’une.
Précautions four opérer le Partage.
Après avoir montré le meilleur plan de partage
, je paffe maintenant aux précautions préliminaires
à prendre pour l’exécuter, & enluitg
aux conditions fous lefquelles il doit fe faire.
Pour partager une Commune, il eft néceffairet
i.° d’en lever le plan , ou du moins qu elle foit
exactement arpentée;
1 . ° De prélever & déterminer les chemins qui
doivent conduire à chaque portion, en les plaçant
dans les lieux les plus commodes ;
2. " De deffécher les marais , avant de les
partager » ou au moins d’indiquer la marche à
fuivre pour y parvenir, & difiraire le terrein
néceffaire pour L'écoulement des eaux & pour les
foffés de féparation ;
a.9 De partager les ruiffeaux Sl les fontaines,
avec toute l’équité poffible;
M De faire de même des haies extérieures;
6 9 De laiffer à part, après l’avoir limité, und
partie de la Commune, qui ne feroit propre
que pour un pâturage, afin quelle eut toujours
cette deftination. S’il fe trouvoit qu une partie
de la Commune ne valût rien que pour pâturage,
ou que Fon ne pût s’en paffer entièrement,
on laifferoit cette pièce à part, après
| l’avoir limitée , & elle ferviroit à faire paître les
chevaux ou les moutons;
7.0 De réferver, pour planter en bois, ce qui
ne ferait pas même propre au pâturage;
8.° Cela étant ainfi réglé, de faire les portions
auffi égales en valeur que poffible, en rendant
celle d’un bon fond plus petite, & celle d un
moindre plus grande, ou en accordant à chacuu
fa part du bon comme du mauvais fond;
9.0 De tirer les portions au fort, afin de
prévenir les plaintes que Fon pourroit faire fur
1 inégalité du partage, & afin que chacun pûr,
autant qu’il fe pourrait, avoir fa portion dans
un emplacement à fa bienféance, on permettrait
d’en faire des échanges pendant un ou deux
. i q 9 Enfin du produit d une partie des pors
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