
On ne connoît pas l'origine de Pinfeéte de
l’Angoumois. Il eft probable qu’il y aura été
apporté par des grains introduits dans cette province,
dans des années.de difette.
Les grains, qu’il attaque, fon t, le froment, •
foit barbu, foit fans barbe , qu’on sème en
Automne, ou au Printems, l’orge diftique ou
à deux rangs , appellée Baïllage dans l’Angou-
riiois, l’orge quarrée ou efeourgeon & le feigle.
Il paroît qu’il préfère au fe ig je , l’orge &
le froment; mais il ne mange point l’avoine &
encore moins le maïs,-à moins que dans des
expériences où on ne le met qu’avec ces grains,
il ne foit forcé de s’en nourrir. Les pois , les
fèves & autres graines légumineufes en font
exempts.
La perte, que la Chenille du grain occafionne
aux habitans de l’Angoumois, a éveillé leur
activité & les a engagé à faire différens elïais pour
s’en délivrer.
• Les uns, ayant remarqué, qu’au moment où
les Chenilles fe métamorphofenten chryfalidés,
les tas de gerbes, ou de grains s’échauffent, ont
eu recours au moyen employé ordinairement
pour difiiper la chaleur des grains qui s’échauffent.
Ils ont étendu les leurs dans les greniers, à
petite épaiffeur. Mais ils n’ont pas réuffi. Car,
en employant cette mérhode , ils ont mis en
liberté beaucoup de papillons qui auroient pu
périr au fond des tas. Les papillons ont pondu
fur les grains avec d’autant plus de facilité qu’ils
leur préfentoient plus de fùrface.
Inllruitsdu ciéfavan rage de cette méthode d’au-
très ont réuni leurs grains en tas très-épais,
mais les Chenilles renfermées dans les grains ont
continué d’en manger là farine & le deflus des
tas a été chargé d’une multitude d’oeufs pondus
par les papillons, en forte que le défordre a
çté trés-conlklérable encore.
On a recouvert de l’orge amoncelée dans un
grenier avec des couvertures. Il n’y a eu de
perdu que les grains attaqués dans les-champs.
Les Chenilles q u i y étoient, ont donné leurs
papillons. Mais ces papillons amaffés entre l’orge
& les couvertures n’ont pu ni s’accoupler, ni
pondre. Le mal a donc diminué fans être
anéanti.
Des banques pleines de grains & bien en-^,
foncées ayant été miles dans une cave au mois
d’Aoùt & ouvertes à Noël', on a trouvé les
grains en très-bon état & très-frais| capables dé
bien germer & de faire du bon pain. Prefque
toutes les Chenilles, renfermées avant que des
grains fuffentdans les bariques , avoient paffé à l’état de chryfalidés & étoient mortes defféchées.
A peine y vir-ôn quelques papillons. Il faut
pbferver que le grain renfermé dans ces bariques
étoit d’une récolte très-sèche. Car s’il avoit
été récolté humide, il aüroit moifi à la cave. '•*
3L’qü .à êffay.é de tenir le frais dans dçs
faites baffes. Le mal n’a fait que fe ralentir; .
On en a difpofé lit par lit avec du fel, en af-
pergeant la maffe de vinaigre. Le pain fait avec
ce grain n’avoit aucun mauvais goût. Le procédé
, employé après la récolte , doit être répété
en Avril ou en Mai. Il a eu quelques
fueçès.
11 n’y a rien eu à gagner de couvrir les grains
de plantes odorantes, ou de les afperger de décoctions
de plantes aromatiques> ou amères.
L ’effencede térébenthine n’eft pas plus contraire
à cette Chenille qu’au charanîbn. .
Si on plonge dans l’eau bouillante des grains
attaqués . de la Chenille, on la détruit; mais
cette opération exige du tems & des frais &
feroît impraticable dans les années pluvieufes,
où l ’on n’auroit pas affez de foleil pour deffé-
cher^le grain.
La fumigation de foufre, enlève la couleur
dorée des grains auxquels elle communique
une odeur défagréable qui empêche de le
vendre, quoiqu’elle ne fefaffe pas fentirdans le
pain. Il en faudrait une bien forte pour faire
périr les infeétes.
Envain a-t-on blanchi avec de la chaux vive
les murs & les planchers des greniers , envain
les a-t-on frotté, ou'avec dé l’a i l, ou avec de
l’huile de noix, ou de l’urine putréfiée de vache,
ou avec des préparations mercurielles. On applique
dans ce cas le remède où le marn’éft
pas. Il ne faut pas compter davantage fur l’aétion
de la gelée, à laquelle les .Chenilles r'éfiftent.
Les moyens propres à conserver dans l’An-
goumois les grains & à les préferver de la Chenille
qui les dévore, doivent avoir pour objet
i-° de'les conferver pour les femaiiles; 2.0 de
lès confetver pour sren nourrir dans le cours
de l’année, ou pour les vendre. MM. Duhamel
& Tillet vont nous indiquer ces moyens.
Dans l’Angoumois,il faut fe preffer débattre,
pour éviter que les Chenilles qu’on rapporte
des champs ne paroiffent en papillons q\ii,
venant à pondre, augmenteraient de beaucoup
le mal. Il faut battre & nétoyer le jour même
de la récolte. Les'Cultivateurs éclairés, qui en
ont la facilité, font couper le matin jufqu’à
midi & battre & nétoyer l ’après-midi, Ceux
qui n’ont pas cette facilité, doivent,au moins,
leur récolte faite, battre auffi-tôt & commencer
par le froment, l’orge, le feigle & le roé-
teil. On peut différer le battage de l’avoine &
des graines légumineufes. On fera enfuite une
forte leffive de cendre du fo y e r , comme pour
blanchir le linge. On la fera tellement forte f
quelle ait un oeil jaune comme de la bière ;
on y jettera de la chaux vive jufqu’à ce qu’elle
devienne d’un blanc fale. Lorfque ce mélange
fera à un degré affez chaud pouf qu’il permette
d’y tenir le doigt, en laiffera repoier & éclaircir
la liqueur. On mettra le grain defliné ,à êrr*
femé dans un panier qu’on plongera dans cette
lefîive ; on le remuera avec un bâton & on
enlèvera, avec une écumoire, tous les grains qui
furnageront; ce. font ceux dont la Chenille a
mangé en totalité, ou en grande ; partie la farine.
Au bout de deux minutes ori foulèvera le panier,,
on le laiffera égoutter, & on répandra le
grain , à une petite épaiffeur fur le plancher. Il
peut fe conferver ainfi une année entière. Ce
procédé enlève les grains qui ne leveroient pas,
une partie des petites Chenilles & beaucoup
d’oeufs attachés, aux grains & il les préferve de
carie, à laquelle ils font fujets en Angoumois.
Quand les grains, ainfi le/Iivés, font fecs, il faut
les mettre en tas & lescouvrir d’une tpile forte, au
lieu de fe fer vir de draps; on réuflir encore mieux enj
couvrant les tas d’une couche de cendre, ou d’une;
couche de chaux en poudre, de l’épaiffeur d’un
p où ce.
MM. Duhamel & Tillet avertiffent de préparer
ainfi non-feulement le froment & le feigle
qu’on doit femer en Oétobre, mais encore l’orge
diftique, ou l’orge quarrée qu’on ne doit femer;
qu’au, Printems.
Quoi qu’en appliquant la chaleur du four, ou
de l’étuve aux grains, on puiffe faire périr les-
infeétes fans altérer le germe ^ cependant les
deux obfervateurs .de l’Académie ne confeil-
lent pas de fe fervir de ce moyen pour le bled
qu’on doit femer, parce qu’il, faudrait beaucoup
plus d’attention que les gens delà campagne n’en
font fufceptibles.
On doit ...dans l’Angoumois femer plus dru
que dans d’autres parties de la France, car même
après des, foins tels.que jè vie.ns d’en indiquer,
les grains qui contiennent: des Chenil lès parvenues
à une certainegroffeur, ne germent pac.
Pour conferver le grain deftinê à la nourri-
tu^e > on doit aufli battre les gerbes , auffi-rôt
quelles font récoltées, paffer le grain au crible
~ vent> 9U jetfer au vent, ou le vaner. Il
faut enfuire, fans perdre de teins, l’étuver, ou
' mettr9 au fou r , ou à la cave dans des bariques
bien remplies, après l’avoir fait fécher, au
grand foleil, fi là inoiffon a été humide, le
meilleur moyen eft de le paffer au four, après
que le pain en eft retiré. En fe preffant ainfi,
on tuera les Chenilles, avant que les papillons
paroiffent. Lorfqu’on fera parvenu au mois de
Septembre, il n’y aura plus à craindre la ponte
des papillons avant la fin de Mai. On pourra
alors fortir le grain des bariques. De quelque
manière qu’on l’ait préparé, on couvrira les. tas
avec des draps, ou des couvertures, ou avec une
couchc.de cendre, ayantfôin'de laver le froment &
e e faire fécher, avant de le mener au marché,
parce que la cendre le rend rude. Quand on
ne verra plus de papillons, il fera inutile de
couvrir les grains jufqu’au mois de Mai. Des
W M toile forte & ferrée conferveroient aufli
•Agriculture. Tome II I .
j parfaitement les grains étuves, fi on les établiffoit
fur dès tréteaux garnie de fer-blanc, a caufe
I dès fouris & des rats. On les garderoit long-iems
; en bon état dans des cuves, ou tonneaux qu’on
fermerait, exactement par-deffus & qu’on pla-j-
!. ceroit dans un lieu frais & fec. 1 ' •
Puifqu’il eft démontré que les papillons for-
tent des greniers, pour aller pondre furies épis
dans la campagne, ii faudrait que les greniers
fufient bien plafonnés & que les fenêtres pufi-
fent en être exaétement fermées , lors de la volée
de ces infeétes. Je proposerais encore d’élever
dans des greniers des oifeaux plus avides de papillons
que de grains, qui y relieraient à demeure
dans les faifonsoù les papillons font formés.
Les moyens indiqués par MM. Duhamel &
Tillet feront fans doute unies aux particuliers qui
ries emploieront ; mais ils ne détruiront pas
tous les infeétes. Ce n’eft que d’un accord général,
ou de ibix de policé contre les négli-
gens, qu’on peut fe promettre un fi grand
avantage. Il faudrait que tous les habitans
chauffouraffent leurs fromens, feigles, orges, mé-
teils d’orge & d’avoine, avant le mois de Septembre,
pu qu’on les contraignît de,le faire, avant
le mois ci’A vril, s’ils ne l’ont pas fait en Automne
, que,dès l’Automne, on pafsât aune leflïve les
femences de l’Automne & celles du mois de Mars.
Pour ôter tout prétexte, il ferait à defirer qu’on
établît de grands fours publics où les pauvres
viendraient à peu de frais faire étuver leurs
grains. Ces foins réunis & bien concertés ne '
détruiraient pas tous les infeétes dès la première
année ; mais, en les répétant les années
fuivantes, on y parviendrait.
Une des plus grandes attentions, qui doive
occuper l’Adminifiration du pays, c’en d’empêcher
le tranfport des grains iufeftés dans, les provinces,
qui n’éprouvent pas ce fléau, à moins qu’on
ne foit certain qu’ils ont été bien étuvés.
Je dois, avant de finir cet article, rendre
hommage à deux perfonnes de l’Angoumois
MM. Taponat & Marantin , qui ont finguliére-
ment aidé MM. Duhamel & Tillet dans leurs
recherches, en leur communiquant d’excellentes
obfervations & des.expériences faites avec beaucoup
de foin. Propriétaires de biens dans le
pays, ils avoient un grand intérêt à la deftruc-
tion de l’infeéte ; mais,dans ce qu’ils ont fait, ils
paroiffent avoir été guidés plus particulièrement
par l’amour de l’utilité publique. D’autres propriétaires
ont voulu aufli y concourir. Mais.
MM. Taponat & Marantin fe font le plus diflin-
gùés. M. Grelien, Armurier de l’Angoumois, dans
la paroiffe ,de Rivière, eft celui qui a imaginé de
couvrir fes grains de cendre.
Ceux qui voudront plus de détails fur Pinfeéte
de l’Angoumois,, Jes trouveront dans un livre,
intitulé : Hijhire d’un Infeâe qui dévore les grains
de l'Angoumois, par MM. Duhamel & Tillet.
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